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Économie Publié le vendredi 18 octobre 2013 | LG Infos

Thomas Kouadio Tiacoh (président des riziculteurs de Côte d’Ivoire) : «L’Etat réduit les producteurs en manœuvres»

Quel commentaire faites vous du partenariat que la Jica vient de signer avec l’Etat de Côte d’Ivoire, dans le cadre de la politique du développement du riz ?
Le Japon appuie la Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. Ce, à l’effet que la Côte d’Ivoire parvienne à l’autosuffisance. Des actions ont été menées dans ce sens. Je citerai par exemple le projet Kr2 (Kennedy round 2) qui a été stoppé seulement en 1999. Il consistait à mettre à la disposition de l’Etat de Côte d’Ivoire, un appui en matériels de productions, des intrants et du matériel de transformations. Le Japon appuyait aussi la Côte d’Ivoire à créer le Centre de formation à la mécanisation basé à Grand-Lahou. Où, on formait les jeunes à la production du riz à partir des modules de formation. Parce que, ce centre permettait aux jeunes de savoir conduire et de réparer les machines, notamment les motoculteurs et d’avoir une idée sur les unités de transformations (mini rizeries installées dans un centre à Grand-Lahou). Dans les années 2002-2003, il y a eu le projet KR qui est venu en appui additionnel à l’Etat de Côte d’Ivoire par la fourniture de riz blanc, que l’Etat a vendu et donc le produit de la vente devait servir à la promotion de la riziculture. Donc, l’appui du Japon n’est pas une chose nouvelle en Côte d’Ivoire. Ce que nous saluons. Les actions menées par le Japon pour le développement de la riziculture ont toujours été captées par le ministère de l’Agriculture, qui définit son orientation. Il faut souligner qu’après la dissolution de la Soderiz, la politique rizicole du ministère a été gérée en cabinet. En 2001, les producteurs ont réfléchi, à la mise en place d’une structure chargée de coordonner les actions de production du riz. Ce, afin de trouver une solution à la production et la promotion du riz local. Car, l’importation qui doit faire l’appoint de la consommation devenait de plus en plus important, rare et chère. En 2008, la création de l’Ondr (Office national pour le développement du riz) a pris forme pour aboutir, en juillet 2010, à la signature du décret qui crée, organise cette institution. C’est une action qui mérite d’être saluée. Il faut rappeler que la production locale de riz a toujours été donnée par estimation par le ministère de l’Agriculture. Cette estimation, depuis 2008, est plafonnée à 600.000 tonnes de riz blanc, sans qu’aucune base de données statistiques fiables recoupent zone par zone cette production. Je vous rappelle qu’un Conseil des ministres tenu le 2 juillet 2013, à Korhogo, avait annoncé une production de 98.4000 tonnes de riz blanc en 2012, sans autre forme de précision. Par contre, nous avons les chiffres d’importations des trois dernières années, de 2010 à 2012. Qui sont de 837.938 tonnes en 2010. Cette importation était à 935.012 tonnes en 2011 avant d’atteindre 1,267 million de tonnes en 2012. Arrivé à l’autosuffisance par la production locale, doit être une priorité.

Voudriez-vous dire qu’aucune politique n’est développée pour renverser les tendances ?
Regardez vous-même la progression de l’importation du riz dans notre pays ces trois dernières années. Et plus grave, nous n’avons pas la production locale chiffrée, mais estimée. C’est grave. Si le Japon qui est un pays organisé, veut nous appuyer, cette action est salutaire.

Mais, ce nouvel appui engage un nouveau promoteur, qui se nomme Novel.
J’ai lu un article publié par votre journal sur le partenariat en question. Nous connaissons la Jica à travers ses actions menées sur le terrain depuis un certain nombre d’années. Ces actions sont estimables et vérifiables. Nous en avons bénéficié nous-mêmes en tant que riziculteur installé à Toumodi et Yamoussoukro. Mais, nous ignorons tout de Novel. C’est pourquoi, nous disons que ce partenariat est grave. C’est ce qui m’inquiète. Je me demande le rôle que joueront les producteurs dans cette aventure. Ce nouveau partenariat ne met pas en valeur les producteurs que nous sommes. Au contraire, le producteur devient l’ouvrier agricole de ce partenaire qui est Novel. Qui, n’est même pas de droit ivoirien. Nous disons que l’Etat de Côte d’Ivoire ne peut pas bénéficier d’un appui d’un partenaire et le rétrocéder à un privé au détriment des producteurs nationaux. A quel résultat le ministère de l’Agriculture s’attend-il ? Quelle en est la contrepartie ? La production intensive de riz pour l’autosuffisance ? La problématique de l’autosuffisance en riz se pose en termes d’invention de partenaires privés, d’importation de producteurs ou d’acquisition de moyens et d’outils de productions. Pourquoi confier un appui que l’Etat de Côte d’Ivoire reçoit à un partenaire privé. Alors question : Qui sont les riziculteurs de Côte d’Ivoire ? C’est à ce partenaire privé que les riziculteurs de Côte d’Ivoire doivent s’adresser désormais pour exercer leurs activités. Nous ne comprenons pas pourquoi cet opérateur doit jouer l’interface entre l’Etat et nous producteurs. C’est cet opérateur qui va dicter sa politique de semences aux producteurs que nous sommes ? Cela m’inquiète. Parce que, nous ne connaissons pas les capacités de cette structure dans le domaine du riz. Que cette structure nous démontre un cas pratique dans la production d’une des régions du pays. Personnellement, je suis inquiet.

Que souhaitez-vous dans ce nouveau partenariat entre l’Etat et cet opérateur ?
Est-ce que cet opérateur peut produire du riz sans passer par les riziculteurs de Côte d’Ivoire installés sur les périmètres rizicoles de Yamoussoukro, Toumodi, Tiébissou, Djékanou, Didiévi et Bouaké ? Nous, riziculteurs de ces différentes régions, attendons que l’Etat nous rétrocède directement les appuis reçu de la Jica pour le développement de la riziculture. Nous aussi, sommes des opérateurs privés ivoiriens organisés en coopérative dans nos différents départements.

Pensez-vous que c’est une façon de spolier les producteurs que vous êtes ?
Je n’ose pas le dire. Mais, je voudrais rappeler l’importance que rêvait la consommation de riz en Côte d’Ivoire en m’appuyant sur les statistiques en importation ces trois dernières années. La Soderiz nous avait amené à l’autosuffisance par la production locale dans les années 77 et les investissements réalisés pour le futur devaient nous permettre d’être exportateur à l’horizon 1980. Les animateurs de l’Etat de l’époque ont estimé que les investissements étaient trop lourds et que le riz blanc produit reviendrait plus cher, donc non compétitif, et ont privilégié l’importation du riz à un coût moindre. Et depuis, les quantités importées deviennent de plus en plus importantes et le prix de vente de plus en plus chère. Sans la maîtrise totale de l’Etat de Côte d’Ivoire des prix planchés et plafonds qu’engendre l’importation du riz. Ce que je crains, est que nous ne soyons pas en train de nous tromper encore en pensant que, la meilleure façon de trouver à manger est de confier son champ à son voisin ou à autrui, au lieu de l’exploiter soit même ou de le faire par ses propres enfants. Car, je doute que la destination de la production obtenue ne soit orientée que par l’exploitant du champ. Qui est donc Novel dans la production du riz en Côte d’Ivoire ? Son passé et son présent.

Donc, pour vous, le Plan du développement du riz n’est pas pour demain ?
Si, le plan du développement est pour demain. Car, demain, c’est aujourd’hui, si nous savons compter sur nos propres forces, au regard du potentiel que nous avons en terre cultivable, en eau, en encadrement technique, en recherche scientifique. Tout ceci appuyé par les équipements de productions adaptés à nos besoins. Le savoir faire des riziculteurs de Côte d’Ivoire est à saluer. Leur volonté de s’organiser pour mieux faire est à appuyer et à encourager. Lorsqu’on évoque la chaîne des valeurs, le premier maillon est la production. Sans riz paddy, il n’y a pas de transformation de riz blanc. C’est à ce niveau là que l’Etat doit mener ses actions. Parce que, pour qu’il ait transformation, il faut d’abord la production qui est un métier. Nous voulons aller à l’émergence. Mais, pas à «l’émergence». Que l’Etat appuie les producteurs de riz de Côte d’Ivoire, dans la mise en place des initiatives qui les rendent autonomes, donc détenteurs de leurs productions pour être au rendez-vous de l’émergence et non les emmener au rendez-vous de «l’émergence» pour une Côte d’Ivoire, toujours, toujours dépendante.
Par Joseph Atoumgbré, attjoseph@yahoo.fr
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