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Société Publié le samedi 6 février 2016 | L’intelligent d’Abidjan

Contribution : comprendre et faire face au terrorisme islamiste (II)

Parlant des jeunes radicalisés ou en voie de l’être, voici ce qu’en dit l’écrivaine et sociologue Chahla Chafiq : « l’analyse des entretiens révèle aussi les besoins paradoxaux des jeunes radicalisés ou en voie de radicalisation : désir d’ordre et de rébellion ; de cadre, de sécurité et d’aventure ; de soumission et de domination. L’offre islamiste leur propose un paquet assez complet qui répond à ces besoins, en leur permettant de trouver du sens et des liens, de se draper dans une appartenance, de se faire reconnaître, d’en finir avec les frustrations et l’humiliation, de s’engager dans une aventure héroïsante, de prendre le pouvoir. Face à cela, les rappels à l’ordre, à la loi ou à la règle ne suffiront pas. Les mesures éducatives doivent proposer une offre alternative forte. Une éducation égalitaire, laïque et démocratique susceptible d’encourager les jeunes à se construire dans l’autonomie et la pensée critique. »

On comprend là que les solutions pour éradiquer le djihâdisme ne viendront pas des seuls domaines, sécuritaires ou légaux. Car, ce que remet en cause l’attitude des jeunes radicalisés, c’est surtout la vision de la vie que nous offre l’actuel projet de société, dominé par l’esprit de l’ultralibéralisme. Qui met en avant les acquisitions financières et matérielles, fragmente les solidarités, défait les liens, vide la vie de son substrat existentiel, offre des perspectives moins reluisantes ; bref conduit à des impasses. La montée des populismes en Europe en est une autre illustration de ce mal-vivre de la jeunesse.

C’est pourquoi, en premier lieu, si nous ne voulons pas voir le djihâdisme prospérer, il est impératif d’arrêter cette fuite en avant collective et suicidaire. Afin de faire une introspection collective sans concession et se poser ces questions simples mais existentielles : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Que recherchons-nous ? Que voulons-nous pour les générations à venir ?...

Car ce monde du tout matérialisme et de compétitions à l’infini, nous enlève notre humanité et nous rabaisse, sans exagération, souvent en-dessous du plancher animal. C’est à cette quête existentielle qu’il faut d’abord revenir et satisfaire. Parce que l’offre djihâdiste profite de cette faiblesse sociétale actuelle, pour faire la promotion de son projet en apparence plus humain et solidaire, qui placerait l’homme au centre de tout.
En deuxième lieu, il importe de donner force et rôle à la famille dans la construction de l’individu. La famille doit être le premier espace de socialisation de l’individu. Où il reçoit une éducation et l’amour parental, apprend à construire des liens et, se fixe des valeurs et repères essentiels pour son orientation. C’est pourquoi, aux niveaux individuel, communautaire et de l’Etat, des synergies doivent prendre forme afin de replacer la famille au centre de la construction de l’individu et de nos sociétés.

En troisième lieu, se pose la question de la formation intellectuelle et professionnelle des jeunes. A cet effet, l’école doit être à la portée de tous. Et son offre pédagogique doit permettre à l’apprenant d’en sortir avec la capacité de la critique face à tout sujet de la vie. Ce qui n’est pas souvent le cas aujourd’hui où la lecture devient un réflexe presqu’inexistant chez les jeunes. Ce qui interroge l’efficacité des méthodologies des enseignements et l’accès aux bibliothèques publiques à travers le pays.

En quatrième lieu, se trouve le traitement du religieux. Car, le fait religieux est devenu de nos jours, un véritable champ de compétitions, dont n’hésitent pas à se servir les hommes politiques.Une réglementation devrait permettre l’expression libre et égalitaire des croyances. Aussi, dans le cas de la Côte d’Ivoire, faut-il asseoir et consolider la pratique d’une laïcité égalitaire et inclusive, qui évite toute discrimination ou stigmatisation et qui tient le religieux loin de la politique.

En cinquième lieu, il y a la question de l’économie, de la justice sociale, du chômage des jeunes et de la réduction de la pauvreté. Ne dit-on pas : « Ventre affamé n’a point d’oreille. » Ou encore comme l’affirmait le père de la nation : « l’homme qui a faim n’est pas un homme libre. » Tant que le système économique continuera de générer du chômage et de l’exclusion, le djihâdisme trouvera de probables candidats à sa propagation. Aussi, le devoir incombe-t-il à nos gouvernants de trouver les mécanismes d’une redistribution équitable des richesses nationales afin d’atténuer les éventuelles frustrations. Et surtout, de permettre aux jeunes d’être optimistes et de vivre avec l’espérance qu’ils ont droit à une belle part de paradis sur terre.
En sixième lieu, vient l’équation desTechnologies de l’information et de la communication qui changent et bouleversent profondément nos vies et notre rapport au monde. En particulier les jeunes, dont l’accès direct à des informations de tous ordres en dehors de la sphère familiale, influence irrémédiablement leurs habitudes et leurs codes sociétaux. Contrecarrer ou contrôler l’influence des réseaux sociaux est un des enjeux majeurs que doit relever la société tout entière si elle veut garantir sa stabilité.

En septième lieu, s’invite la question des modèles. Nous sommes dans une ère qui célèbre la visibilité et qui brandit comme seuls modèles les stars de show-biz, du cinéma, du sport ou de la politique. Une tendance amplifiée par les réseaux sociaux qui obligent à exister en se faisant aussi visibles. Les jeunes candidats au djihâd sont dans cette dynamique lorsqu’ils postent leurs images et « hauts faits » à travers l’internet. C’est pourquoi, il devient urgent que nos sociétés mettent aussi en avant la grandeur de la simplicité de vie et l’héroïsme de la vie de simples gens et de valeur. Cela,afin d’aider les jeunes à comprendre que chacun est un héros dont la vie mérite d’être célébrée.

En somme, lutter contre le djihâdisme, c’est revoir notre rapport à la vie.

NURUDINE OYEWOLE
onurudine@yahoo.fr
COMMUNICATEUR
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