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Politique Publié le mardi 12 mai 2009 | Le Nouveau Réveil

Côte d`Ivoire - Election présidentielle 2009 : Les raisons d’y croire

Répondant aux demandes pressantes de la communauté internationale, le président Laurent Gbagbo a annoncé la tenue de l'élection présidentielle d'ici à la fin de l'année. Ce nouveau délai sera-t-il respecté?

Dans moins d'une semaine, le cargo transportant les vingt-cinq mille urnes et les cinquante mille isoloirs achetés par le Japon pour l'élection présidentielle devrait être en vue des côtes ivoiriennes. Ce matériel rejoindra les centaines d'ordinateurs, imprimantes, groupes électrogènes, onduleurs, téléphones, fax et scanners déjà présents dans les entrepôts de la Commission électorale indépendante (CEI). Annoncée initialement pour octobre 2005, reprogrammée en novembre 2008, puis reportée aux " calendes grecques ", la tenue du premier tour de scrutin ne semble jamais avoir été aussi proche... Les Ivoiriens, les responsables politiques et la communauté internationale commençaient sérieusement à désespérer alors que ni la CEI, ni la primature, ni la présidence de la République, ne semblaient vouloir prendre la responsabilité d'avancer une date. C'est d'ailleurs une impression de grande lassitude qu'a donnée Young-Jin Choi, le Représentant du Secrétaire général des Nations-unies en Côte d'Ivoire, lors de son dernier rapport au Conseil de sécurité, le 28 avril à New York. " Les forces en présence ont commencé à se réarmer, les "com-zones" continuent à gérer la zone Nord, les perspectives de réunification ne sont pas très bonnes ", a expliqué le diplomate coréen. Il s'agissait du 20e rapport présenté au Secrétaire général depuis la partition du pays en septembre 2002. Entre-temps, la crise ivoirienne a consommé deux représentants spéciaux, le Béninois Albert Tévoédjrè et le Suédois Pierre Schori, deux Premiers ministres, Seydou Diarra et Charles Konan Banny, et coûté plusieurs milliards d'euros aux bailleurs de fonds (500 millions rien que pour cette année). Le ras-le-bol général de la communauté internationale s'est exprimé dernièrement par les demandes pressantes de l'ONU, de la France et des Etats-Unis pour obtenir rapidement une date effective de scrutin. " La pression intérieure et extérieure était très forte. Nous en avons discuté avec le président. Il m'a donné le feu vert pour annoncer une période ", reconnaît Alcide Djédjé, ambassadeur de Côte d'Ivoire auprès des Nations-unies. À 52 ans, le diplomate, fin connaisseur du processus pour avoir participé aux négociations depuis le temps où il était en poste en Afrique du Sud, a donc rassuré à la tribune de l'ONU : " Le processus de paix en Côte d'Ivoire n'est pas dans l'impasse, la décision politique a été prise, le premier tour de l'élection présidentielle aura lieu avant le 6 décembre 2009. " Dans les jours suivants, cette annonce devait déclencher une nouvelle tempête médiatique et relancer les querelles partisanes.


Croiser les données

" Le camp Gbagbo ne veut pas aller aux élections. La CEI a donné une date, le 11 octobre, fixée après concertation avec les partis politiques. Le décret est sur le bureau du président depuis près de deux mois ", s'emporte Amadou Coulibaly, secrétaire national à la communication du Rassemblement des républicains (RDR). Le chef de l'État, lui, parle du mois d'octobre ou de novembre, et promet d'annoncer la date définitive d'ici à la fin de juin.

" La CEI a effectivement adressé un calendrier électoral qui prévoyait la tenue de l'élection présidentielle pour le 11 octobre, répond l'ambassadeur Djédjé. Il en a été discuté entre le Premier ministre, Guillaume Soro, et le président Gbagbo, qui veulent garder une marge de manœuvre en raison des différentes étapes à mener avant d'annoncer la date définitive. " C'est bien là le nœud du problème. Les opérations d'identification ont permis de recenser, avant interruption du processus le 31 mars, un peu plus de 6 millions d'électeurs sur une population potentielle de 8,6 millions, selon les projections de la CEI. Or le camp Gbagbo, qui tablait initialement sur une liste électorale de 5,5 millions de personnes, appelle aujourd'hui à prolonger les opérations, posant au passage la question de la neutralité de la Commission électorale en charge du recensement des électeurs. " Les agents ont réalisé l'enrôlement essentiellement dans les grandes villes. Il y a beaucoup de villages à l'Ouest, notamment dans le Haut-Sassandra et le Bas-Sassandra ainsi que dans le Sud-Bandama, favorables au FPI, où ils ne sont pas passés. On ne peut se permettre de ne pas faire enregistrer les 500.000 personnes présentes dans ces zones quand on sait que l'élection ghanéenne s'est jouée à 15.000 voix ", explique Martin Sokouri Bohui, chargé des élections au Front populaire ivoirien (FPI).

Il est vrai que trois grandes villes de l'Ouest - Guiglo, Divo et Soubré - ont les taux d'enrôlement les plus faibles de tout le pays. Très conscient aujourd'hui que les élections sont inévitables, le FPI va tout faire pour rattraper ce retard dans les semaines qui viennent.

Le camp présidentiel sera également très vigilant lors des différentes phases de vérification des inscrits : " Nombre d'étrangers veulent passer par l'identification pour obtenir des papiers d'Ivoiriens. Le croisement des données avec les fichiers historiques va nous permettre de déceler les fraudeurs qui utilisent des fausses pièces. On va leur demander de justifier de leur nationalité ", explique Martin Sokouri Bohui. Il est à craindre que cette étape soit l'occasion d'une nouvelle foire d'empoigne. Pour l'opposition, le parti du président cherche à gagner du temps parce que ses militants ne sont pas suffisamment préparés.

" Le FPI s'est réveillé tardivement. Ils n'ont pas mobilisé pour les audiences foraines et ils doivent aujourd'hui rattraper leur retard ", souligne Sabina Vigani, du Carter Center, ONG de l'ancien président américain qui envoie des équipes dans le pays pour observer le processus de sortie de crise. " Le PDCI a plus mobilisé mais il a tendance à s'endormir sur ses lauriers. Quant aux cadres du RDR, ils sont discrets, mais ils ont opéré un gros travail sur le terrain depuis trois ans pour sensibiliser leurs sympathisants ", poursuit-elle. Aussi paradoxal que cela puisse être, c'est donc aujourd'hui le parti d'Alassane Dramane Ouattara, misant à l'origine sur une base de 9 millions d'électeurs, qui demande l'arrêt des opérations d'identification pour aller au plus vite au scrutin.

Néanmoins, les techniciens comprennent les réticences des autorités à donner une date précise. " II faut que les partis politiques se mettent d'accord très vite sur le choix des fichiers historiques de référence - anciennes listes électorales, recensement de 1998, fichiers de la sécurité sociale, de la carte de séjour, du décret de naturalisation…- pour réaliser les croisements des données. Ensuite, il sera possible de donner raisonnablement une date ", estime un de ces spécialistes.

Il reste aussi à régler les problèmes financiers. L'opérateur technique de l'identification, la Sagem, réclamait 13 milliards de F CFA d'impayés pour l'année 2008. Le ministère de l'Économie et des Finances en a réglé 5 et promis les 8 restants prochainement. De son côté, la CEI pose quatre conditions à la tenue rapide du scrutin en 2009 : la fin de la reconstitution des registres de l'état civil perdus ou détruits ; le versement par l'État de sa contribution au budget électoral ; le déploiement des magistrats pour la gestion des contentieux d'inscription sur les listes électorales ; et la sécurisation du processus par le Centre de commandement intégré (CCI), état-major composé des forces loyalistes et de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) et chargé de sécuriser les prochaines élections.

Conformément au dernier avenant de l'accord de Ouagadougou, l'élection sera sécurisée par des brigades mixtes de police et de gendarmerie du CCI, épaulées par les soldats onusiens. Maintes fois reportée, la constitution de ces brigades, d'un total de 8000 hommes, a été lancée officiellement le 4 mai. Symboliquement, une centaine de policiers et de gendarmes ont quitté Abidjan pour Bouaké. Un échange qui doit être suivi du déploiement d'une cinquantaine de membres des FN dans le Sud.


"TOUT RETARD SERA POLITIQUE "

Parallèlement, le désarmement des FN et leur cantonnement dans des camps militaires à Bouaké, Man, Séguéla et Korhogo doit intervenir pour permettre aux préfets et aux magistrats de prendre pleinement leurs fonctions. Un désarmement qui a toujours achoppé, pour le moment, sur le refus des commandants de zone d'abandonner leurs privilèges et sur la question du reclassement des officiers rebelles dans l'armée régulière. " Le désarmement doit être achevé, c'est une question de bon sens : l'électeur ne vote pas si un fusil peut lui être braqué sur la tempe ", insiste le président Gbagbo. Le Premier ministre, Guillaume Soro, très discret ces derniers temps, et le facilitateur, Blaise Compaoré, devront mettre en œuvre toutes leurs capacités de persuasion pour faire entendre raison aux ex-rebelles. Analyse d'un diplomate français : " Techniquement, ces élections peuvent avoir lieu dans les délais. Il n'y a plus aucune raison d'invoquer des problèmes logistiques, tout nouveau retard sera donc politique. " La prochaine rencontre du Cadre permanent de concertation (CPC) aura lieu le 18 mai à Ouagadougou avec tous les protagonistes. A l'unisson, et pour la première fois avec autant de détermination, ces derniers affirment qu'ils feront tout pour que la présidentielle ait lieu avant la fin de l'année. Fatigués des manœuvres, faux-semblants et autres jeux de dupes, les Ivoiriens ne demandent qu'à les prendre au mot.

Pascal Airault avec
Fabienne Pompey

In “Jeune Afrique” d’hier lundi 11 mai
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