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Necrologie Publié le vendredi 15 mai 2009 | Le Repère

Gaston Boka-Méné (Membre fondateur du PDCI-RDA) : Ses dernières confidences

Le Doyen Gaston Boka Mené vient de tirer sa révérence. Ce monument du Pdci-Rda, comme s'il le savait, avait accordé une interview à "Le Repère", pour faire partager aux militants sa riche expérience de membre fondateur. Pour sa mémoire, nous rediffusons ses confidences.


Veuillez vous présentez à nos lecteurs ?

Je suis le médecin africain Boka Méné, fonctionnaire à la retraite, natif d'Agboville. J'ai commencé l'école en 1924 ici. Je suis né en 1917, faites le calcul. Après mon cursus scolaire, j'ai été affecté ici à Agboville. Donc les gens d'Agboville connaissent un peu Boka Méné. J'ai fait cinq colonies. Je pourrais peut-être donner quelques points sur les rencontres que j'ai pu faire ou ce que j'ai pu voir ou des choses faisant partie de mon expérience.


Quels sont les grands moments que vous avez vécus aux côtés du Président Houphouët-Boigny ?

D'abord, la naissance du PDCI-RDA. 1946, c'est un moment héroïque. Parce qu'il y avait des mouvements en Algérie et à Madagascar. Et cela faisait trop pour la France. On a donc fermé un peu les yeux sur nous. Le plus grand moment est que les colons ont décidé de tester les Ivoiriens. Ils ont voulu arrêter le Président Houphouët-Boigny chez lui à Yamoussoukro pour l'emmener à Bassam. Les derniers ordres ont été donnés. Il y avait des barrages sur les routes en passant par Tiassalé. Il y avait des petites routes pour sortir de Yamoussoukro pour aller sur Daloa, etc. Au sud, il ne pouvait pas partir non plus. Et le juge qui était là a été prévenu par un administrateur qui était député PDCI avec nous. Il balbutiait. Nous lui avons dit que s'il faisait arrêter Houphouët, nous allions arriver à le faire taire. Il n'a donc pas pu l'arrêter. Il a essayé, mais il n'a pas pu. Ce fut un moment où on nous avions tous vu le danger. Et tout le monde était prêt, (il hausse le ton) les hommes comme les femmes à écraser et à faire en sorte qu'on n'arrête pas Houphouët devant eux. Il y a eu un moment également qui a coïncidé avec les événements en Afrique du nord et à Madagascar et cela a fait un seul mouvement. Et les colons n'ont pas pu arrêter quelqu'un. Mais il y a eu des démissions parmi les fonctionnaires, c'est-à-dire des fonctionnaires qui n'obéissaient plus aux mots d'ordre du parti. Nous avions également des chefs qui adhèrèrent au PDCI-RDA. Alors que ces chefs là étaient aux commandes, car ils étaient tous à la tête du PDCI-RDA qui a été le 1er parti politique qui ait existé sans la jonction avec les partis des colons. Les autres partis étaient le parti socialiste, le parti communiste, etc. Mais le PDCI-RDA est sorti sans les Européens. Il était avec les Africains. Ceux qui étaient prêts à aller n'importe où, ils voulaient voir les Africains réfléchir et mener leur parti eux-mêmes. C'est la grande caractéristique du PDCI-RDA. C'est le pilier ! Après le pilier, il y avait des branches. Quelles étaient ces branches, qui étaient métissées ? C'était le FPI et autres. Mais aucun parti et retenez le bien, ne pouvait se faire sans la jonction des partis politiques européens. Aujourd'hui, quand on parle de ceci et de cela... Il fallait la grande branche pour qu'il y ait des petites. S'il n'y avait pas eu le PDCI-RDA on serait parti, avec l'alliance du RDA, avec les partis socialistes et partis communistes vides. Cela est la victoire du PDCI-RDA qu'on ne peut pas lui enlever. Il fallait commencer par un.


Que peut-on retenir de toute votre expérience au plan local à Agboville ?

Au plan local à Agboville, j'ai fait partie de tous les petits mouvements qui ont eu lieu. Il y a eu par exemple des arrestations à Grand-Morié, j'y étais. Moi, j'ai eu la chance de sortir de là. J'associe aux arrestations des colons, le fait que lorsqu'ils veulent obtenir quelque chose ils sont prêts à tout. Cela s'est même passé ici à Agboville qui fut une des régions qui a résisté le plus. Parce que des gens qui ont créé le parti ou qui y ont adhéré, n'ont pas voulu faire marche arrière. Dans la région Abbey, quand des gens allaient s'inscrire comme membres du PDCI-RDA, il y avait des choses extraordinaires. J'ai assisté à un fait exceptionnel. J'ai vu un homme, se faisant inscrire, donnait son nom, celui de sa femme ou de ses femmes, il donnait le nom de ses enfants et donnait le nom du fœtus dans le ventre de sa femme enceinte. C'est une région exceptionnelle du point de vue patriotique.


Que retenez-vous de la personne du Président Félix Houphouët-Boigny ?

Le Président Houphouët-Boigny est un politicien. Je pense que vous me comprenez lorsque je dis que c'est un politicien.


Pouvez-vous être plus explicite ?

Le politicien c'est celui qui se tire d'affaires et se met à la place de l'adversaire et qui discute avec lui comme un ami, comme quelqu'un qu'on veut convaincre et qu'on peut convaincre. Le politicien n'a pas d'ennemi, il a des amis qu'il essaie de convaincre. S'il n'y arrive pas, il remet sa tâche au lendemain. C'était donc un politicien qui avait beaucoup d'avance sur ses camarades et il est resté lucide, agréable jusqu'à sa mort.


Que pouvez-vous dire au sujet du Président Bédié ?

Je peux dire du Président Bédié, tout ce que le Président Houphouët représentait. Vous m'écoutez bien ! Il devait le représenter. Pour le Président Bédié, Houphouët est une idole. Nous étions absolument d'accord pour son combat, on voyait l'image du Président Houphouët à travers le Président Bédié. Il est calme et doux. Il ne supportait pas les fraudes. Et vous me permettez de dire pourquoi le Président Bédié a accepté de partir lors du coup d'Etat de 1999 et de quitter la Côte d'Ivoire. Ce n'était pas pour sa personne, mais c'était la guerre entre le RDA et les autres partis. Il ne voulait pas sacrifier le pays. C'est vrai que les gens hésitaient. Il a reçu son baptême du Président Houphouët nommément (Il insiste, ndlr). Ceux qui ne l'ont pas reçu le voudraient. Bédié ne voulait pas qu'on tue les gens à sa place. Il a donc obéi à leurs injonctions. C'est lui notre sauveur de la Côte d'Ivoire. Parce qu'il ne fallait pas résister. La preuve, je lui donne mille fois raison. Nous voyons ce qui se passe aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Cela fait 10 ans que nous sommes en guerre et nous ne sommes pas encore sortis de là.


Que pensez-vous du chef de l'Etat actuel, le Président Laurent Gbagbo ?

Le Chef d'Etat actuel a sa politique. C'est un garçon qui sait résoudre les problèmes du moment. Il en discute. Il sort ses stratégies de son imagination et de son intelligence. Bédié ne pouvait pas sortir du cercle d'Houphouët en prenant une autre direction. J'admire beaucoup le Président Gbagbo comme garçon qui est à son jour, il fait plaisir quand il discute, quand il écoute également.


Parlez-nous de M. Ernest Boka ?

J'étais avec Ernest Boka en 1962 aux Etats-Unis. A son retour en Côte d'Ivoire, il a occupé la fonction de directeur de cabinet du gouverneur. Il est le premier ministre de l'Education nationale. Il m'a fait étudier le mode politique qu'on devait accepter en Côte d'Ivoire. C'est lui qui a choisi le nom du parti. Il a demandé au président Houphouët de créer un parti politique démocratique. Puisque là-bas, il y avait la démocratie. Le parti démocrate et le parti républicain. C'est pourquoi, nous avons choisi Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). Après la création, il fallait donc faire la démonstration de la capacité de ce parti. Mais en 1964, il meurt à Yamoussoukro. Cela a été très dur pour moi et pour nous les Abbey. Cela nous a vraiment marqués. Après lui, ce n'était pas ça. Et les gens aussi vivaient uniquement en aversion. Si bien que nous avons eu beaucoup de retard mais qu'est ce que vous voulez, c'est la vie!


Avec votre expérience politique, pensez-vous que le processus de sortie de crise va aboutir ?
Il faut l'espérer.

Pensez-vous que les élections pourront se tenir cette année ?

Tout le monde veut qu'il y ait les élections. Je vous le demande à vous également, parce que tous les jours on voit ce qui se passe. On dit, mais on ne fait pas, ce sont des cris ici et là. On n'avance pas. Ce sont parfois les grèves des enseignants qui sont dues à l'état de guerre. Donc il faut sortir de là ! Et nous l'espérons tous. Je pense que tous les Ivoiriens espèrent, souhaitent que tout cela finisse qu'on puisse aller cultiver tranquillement la banane ou l'igname ou autre. Qu'on ne soit pas ballotté tous les matins et soirs.


Quelles sont vos propositions pour la réussite du processus de sortie de crise ?

Je vais vous dire une chose. Il y a tellement de propositions. Finalement on est spectateur. On ne fait qu'écouter. Je ne me demande pas ce qu'il faut faire mais plutôt qu'on sorte de cette crise. Je demande la fin de la crise. Quand pourrions-nous en sortir ? Je ne saurais le dire. C'est très difficile.

Propos recueillis à Agboville par Serge Amany
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