x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le samedi 20 juin 2009 | Nord-Sud

Glissement de terrain, inondations : Les sinistrés livrés à eux-mêmes

Après les fortes pluies du 12 juin qui ont entrainé 20 morts à Abidjan, les gouvernants avaient promis de réloger les populations sinistrées et celles des zones dangereuses. Pour le moment, rien ne bouge sur le terrain.

L`humidité et l`odeur des flaques d`eau puantes. C`est le parfum du petit quartier de Banco 1 à Yopougon ce vendredi. Dans les couloirs restreints du bled, des enfants courent, jouent aux billes. Des élèves qui ont fini les cours rentrent en chantonnant, le sac au dos. Les deux boutiques que compte Banco1 descendent leurs battants à cause de la prière de 13 h. Mais les vendeurs d`attiéké, de grillade et d`objets divers qui longent le quartier ne vont pas à la mosquée. Entre les agglomérations de maisons basses, l`eau coule. Les petits couloirs qu`il faut escalader pour entrer dans les différentes cours, sont boueux. On y rencontre des résidents, enfants, adultes et vieilles personnes. Ceux qui ne sont pas allés à la prière de 13 h bavardent dans de petites cours enfoncées dans des bassins. Les maisons sont si basses qu`en marchant, on peut toucher la toiture de la main. Les habitations qui ne sont pas dans des creux, se trouvent sur des collines de sable, creusées par l`eau de pluie. D`autres sont au bas de ces hauteurs qui peuvent s`affaiser à la prochaine averse. Des familles s`y trouvent. Non loin de la mosquée, des tonnes de briques enfouies par la boue offrent un spectacle effroyable. C`est là qu`ont péri 14 personnes, le 12 juin, à la suite d`une forte pluie. Leurs maisons, situées au bas d`une montagne de terre se sont écroulées sur eux après un glissement de terrain. Une semaine après, les signes du drame se font voir. Les habitants de Banco1 n`ont pas oublié ce tragique évènement. Ils sont encore sous la menace de ces glissements de terrain et des inondations. Pourquoi donc sont-ils encore là alors qu`ils devaient être déguerpis ? Pour trouver réponse à cette énigme, il faut attendre la fin de la prière. Un vieil homme qui marche difficilement sur sa canne, nous conduit au domicile de Fofana Mory, construit sur une petite colline. Fofana Mory est l`imam de Banco1. C`est lui qui est chargé des négociations avec les gouvernants. Il n`est pas plus à l`abri dans son taudis que la plupart des habitants de ce quartier. Vêtu d`un boubou blanc, l`homme, la cinquantaine, est assise devant sa porte. Des amis, venus l`accompagner après la prière lui tiennent compagnie. L`imam raconte que depuis la visite de condoléances samedi du ministre de la Construction et de l`Urbanisme, ils sont sans nouvelles. « Le dimanche, des éléments de la protection civile sont venus nous prevénir qu`ils allaient venir casser les maisons et nous loger au Parc des sports de Treichville. Mais ils ne sont plus revenus », affirme Fofana Mory. De toute façon, dit-il, rien n`avait été dit sur leurs conditions de déguerpissement. Allaient-ils être chassés comme des malpropres sans aucun moyen pour se réinstaller ? Le représentant des résidents de Banco1 note que rien ne leur a été dit dans ce sens.

Les populations sans nouvelles des autorités

De fait, ils attendent dans l`inquiétude totale comment vivre leurs prochains jours. D`un côté, les pluies qui ne cessent de menacer, de l`autre les autorités qui ne tiennent pas leur parole. « Depuis 1980 les habitants de Banco1 vivent ce problème. Lorsqu`on a déguerpi des familles pour les installer au Banco2, on nous a accusés de n`être pas allés les réjoindre. Mais c`est parce que tout le monde n`a pas été pris en compte par ce programme de déguerpissement. Sinon personne n`aime rester ici », note-t-il. Pour lui, tout comme pour les habitants de Banco1, il est temps de mettre fin à cette situation. « Il faut qu`on nous trouve un espace où nous pourrons habiter en paix », réclame Massandjé Touré, une menagère de ce quartier sinistré. « C`est difficile pour ceux qui vivent ici depuis longtemps. Personne, disent-elles, n`a encore envie de vivre cette situation. Nonobstant, certains habitants de Banco1 ont plié bagages après l`éboulement de terrain du vendredi. Pour ceux-là, beaucoup ont regagné leurs familles. Ils n`ont pas de moyens pour se trouver une planque ailleurs. Les moyens, c`est le problème commun de ces habitants des zones à risques. A Abobo « Monosatère » où les pluies du vendredi ont fait un mort, les habitants sont restés dans leurs maisons inondées. Ce quartier, situé dans un bassin d`orage, n`a pas entièrement séché. L`eau qui a un peu baissé attend devant les portes. Pour plus de prudence, Philippe a rempli des sacs de sable pour les mettre devant sa maison. « C`est pour ne pas que l`eau rentre, la prochaine fois qu`il va pleuvoir », explique-t-il. La pluie du 12 juin a mouillé toutes ses affaires. Dieu merci, Philippe a eu la vie sauve. C`est ce qui semble compter le plus aux yeux de ce jeune homme dans la vingtaine. Avec les sacs remplis de sable, peut-être qu`il n`aura plus de problème d`inondation. En tout cas il ne compte pas quitter son bled, parce qu`il a toujours vécu à Monastère. Un peu plus loin, une cour commune remplie d`eau. Les habitants traversent une mare pleine qui leur arrive aux genoux, avant d`atteindre leurs maisons. C`est une piscine rougeâtre. Si l`eau ne rentre pas dans les maisons c`est parce que des petites dalles montées devant les portes l`en empêche. Elle vient fouetter ces dalles et est à quelques centimètres de passer au-dessus. Il suffit d`une pluie. Cissé Aboubacar, est l`un des locataires des ces maisons à risques. Il a l`air confiant. Aboubacar est pourtant conscient qu`une forte pluie pourrait l`inonder…de nouveau. « Je vais aller où ? », se contente-t-il de dire. C`est aussi ce que repète Alphone Coulibaly, un autre locataire de cette cour. Ne sachant, en effet, où aller, ils sont là. «On ne peut pas aller chez les parents, ils ont plus de problèmes que nous », ajoute Irié Bi Landry. Il a une famille de 9 peronnes. « Pour deménager, il faut une caution que nous n`avons pas », ajoute Sanogo Massandjé qui a eu sa maison inondée. Toutes ses affaires sèchent au soleil.Elle dort la peur au ventre elle vit avec ses enfants et craint pour eux. Ici, aucun programme de déguerpissement n`est en vue. «Nous avons seulement reçu la visite de condoleances du maire Adama Toungara», se désole Koffi Amenine, l`une des habitantes de Monastère. Personne d`autre n`est venu les voir pour essayer de trouver une solution au problème. Un comité de résidents qu`ils ont constitué essaye de négocier avec le préfet. « Il faut creuser une digue ici pour évacuer l`eau », affirme Logbo Hugues. La digue ou le déguerpissement ? En tout cas, il faut espérer pouvoir réaliser l`un des deux projets. Ce qui n`est pas le cas au quartier « Boigny-Vietnam », à Abobo qui a également été inondé. Les habitants n`ont reçu aucune promesse de déguerpissement ni même de réahabilitation de leur zone. Ils sont livrés à eux-mêmes. Les plus malheureux ont abandonné leurs habitations à un dangereux nouveau locataire : l`eau. Ils reviendront quand le «nouveau patron» s`en ira.


Raphaël Tanoh
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ