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Société Publié le jeudi 25 juin 2009 | Nord-Sud

Désiré Gilbert Koukoui (BICE) : “Ils sont entrainés dans la pornographie, la drogue…”

Désiré Gilbert Koukoui, directeur des actions et projets du Bureau international catholique de l'enfance, a étudié les causes et les conséquences du travail des mineurs sur les chaussées. Sa structure a également mis en place un programme d'appui aux enfants touchés par ce phénomène.


•Vous avez mené une étude sur la situation des enfants qui travaillent sur les voies à grande circulation. Qu'avez-vous constaté ?

Certains sont des enfants dans la rue. Ils viennent travailler durant la journée, et le soir ils rentrent à la maison pour aider leurs parents. Il y a aussi une grande majorité qui sont en rupture totale avec leur famille et qui ont des tuteurs dans la rue. C'est-à-dire des adultes de la rue qui ne peuvent pas faire cette activité. Dans tous les cas, pour nous, c'est une question de violation des droits de l'enfant. Parce que pour nous, l'enfant à cet âge doit être dans une famille. Il doit être à l'école et doit bénéficier de protection. Nous avons fait cette étude dans les années 2000 avant le lancement de notre projet d'appui aux enfants en rupture familiale et sociale.


•Quel type d'appui apportez-vous à ces enfants ?

Comme nous nous intéressons particulièrement aux enfants de moins de 14 ans, nous leur avons offert un programme d'éducation alternative pour ceux que nous appelons des soutiens de famille à savoir ceux qui travaillent pour leur famille. Nous leur donnons la possibilité de faire leur activité de façon encadrée en éliminant les intermédiaires pour que les enfants puissent bénéficier véritablement du fruit de leur travail. Ensuite, nous leur offrons une éducation alternative.


•C'est-à-dire ?

Ils exercent leur activité jusqu'à 10h du matin et vont prendre des cours sur un de nos centres d'Abidjan. Nous avons un centre au Plateau en face de la PJ (Police judiciaire). Il y a un autre centre à Adjamé «Bracodi-Bar » derrière la station Shell qui est à proximité de l'autoroute du Nord en venant de Yopougon. Nous donnons des cours d'alphabétisation et des formations professionnelles.


•Avez-vous des statistiques sur le nombre d'enfants concernés par ce phénomène?

Malheureusement nous n'avons pas fait une étude quantitative. Nous nous sommes limités à une étude qualitative. Nous n'avions pas les moyens de quantifier le phénomène. Notre approche a consisté à voir comment il se manifeste. Quels sont les tenants et les aboutissants.


•Concernant les risques qu'ils courent, qu'avez-vous relevé ?

Non seulement ces enfants sont exposés à des accidents de la circulation, ils sont aussi en proie à la pédophilie, la pornographie enfantine, le trafic de drogue. C'est-à-dire qu'ils sont utilisés comme des dealers. Certains sont utilisés pour aller voler. Par exemple, si vous avez votre sac sur le siège de la banquette arrière de votre véhicule, ils peuvent le subtiliser et disparaître pour le confier à des adultes qui leur apprennent le métier. Nous avons relevé beaucoup de cas de figure. Il faut nécessairement que les parents jouent leur rôle. Que la municipalité joue le sien en interdisant le commerce sur les chaussées. A un certain moment, le maire du Plateau avait réussi à le faire. Les autres communes peuvent en faire autant. Il faut surtout offrir des opportunités éducatives aux enfants qui sont en situation d'échec scolaire.


•Ne faut-il pas aussi des mesures coercitives surtout à l'encontre des parents qui orientent leurs enfants vers les rues au lieu de les scolariser ?

L'Etat avait développé dans les années 1998-2000 un grand programme de lutte contre le phénomène des enfants de la rue. Il était question de construire des centres d'accueil. Il y a eu de grands panneaux d'affichage dans les rues pour interpeller les parents. Vous savez qu'avec la crise, beaucoup de parents sont au chômage et n'ont pas la possibilité de tenir leur foyer. Il y a de plus en plus de familles monoparentales ou des familles recomposées où les enfants ne sont pas épanouis. La crise avec ses conséquences sur l'emploi des adultes a encore empiré la situation. Sans oublier que notre système éducatif rejette trop précocement des enfants dans la rue.


•Votre programme de formation a-t-il produit des résultats ?

Beaucoup. Nous avons reconditionné des enfants qui étaient en situation d'échec scolaire pendant deux ans. Certains ont repris les cours et sont allés jusqu'à la fin de leur cycle et ont participé aux examens de fin d'année. D'autres sont entrés dans des centres de formation. D'autres encore ont appris des métiers sur le tas et ont eu des emplois. C'est une question qui concerne tout le monde. Les parents, les éducateurs que nous sommes, l'Etat, les municipalités. Il faut que tout le monde s'y mette.

Interview réalisée par SS
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