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Région Publié le jeudi 2 juillet 2009 | Nord-Sud

Gagnoa : La population fuit l’eau du robinet

Les habitants du Fromager ont désormais peur de l’eau distribuée par la Sodeci. Ils refusent de la boire à cause des risques qu’elle pourrait représenter pour leur santé. Notre enquête.

M. Cissé a été affecté dans la cité du Fromager depuis bientôt deux ans. Ce cadre de banque révèle qu’il n’a bu l’eau fournie par la Sodeci que durant un mois. Très vite, il a constaté que cette eau qui devrait être, en principe, incolore et inodore, avait quelque fois une couleur blanchâtre ou jaunâtre. Il s’est résolu à mettre un terme à sa consommation. Désormais, pour étancher sa soif, il n’utilise que de l’eau minérale. « J’y suis obligé malgré ce que cela me coûte, car l’eau, source de vie, peut être source de mort», affirme-t-il.


Les installations sont vieillissantes

A l’instar de ce cadre, nombreux sont aujourd’hui les habitants du Fromager qui ont mis un bémol à la consommation de l’eau fournie par la Sodeci de Gagnoa. Mme Yobouet Solange, commerçante, témoigne : « Depuis que les enfants de mon voisin m’ont révélé un jour que les alentours du barrage qui approvisionne la ville en eau servent de dépotoir aux ordures pour les habitants des quartiers environnants, et même qu’ils y ont vu des enfants déféquer, j’ai compris que ma santé et celle de ma famille étaient menacées par le choléra, la dysenterie et la fièvre typhoïde. J’ai donc décidé de ne plus boire l’eau du robinet qui ne m’inspire pas confiance. Néanmoins, je dois admettre que j’utilise cette eau pour le ménage et la vaisselle », ajoute-t-elle.
L’usine d’exploitation de la Sodeci est installée sur le lac Delbo. Situé sur l’axe qui mène à Ouragahio, le barrage a été construit en 1976. Il a une capacité de traitement de 150 m3 par heure, soit une production journalière de 3.000 m3. Jusqu’à présent, la Sodeci avait réussi à approvisionner normalement la ville. Mais, depuis quelques années, avec l’accroissement de la population, dû à la fois à une démographie galopante et à la crise, cette infrastructure n’arrive plus à répondre aux attentes de la population. Les besoins journaliers en eau sont passés à 3.700 m3. Les exploitations sont donc surexploitées. A cela s’ajoute le vieillissement des matériaux de traitement comme l’amiante-ciment que l’on ne retrouve plus facilement sur le marché. «Ceux que nous utilisons sont devenus très fragiles compte tenu de leur âge.


L’action nuisible de l’homme

De façon régulière, il y a donc des casses et cela provoque des ruptures d’eau. Nous sommes même parfois obligés d’interrompre la distribution de l’eau dans certains quartiers afin de procéder aux réparations», se désole M. Troh Zan Anselme, le directeur technique adjoint de la société de distribution.

Les actions dévastatrices des populations riveraines du barrage et celles des villages proches du lac Delbo ne semblent pas également arranger les choses. En effet, depuis quelques temps, les environs du lac sont devenus un dépotoir d’ordures. « Il n’y a pas de dépotoir ici. Comme la mairie a fait dégager cet espace pour protéger les environs du lac, nous allons jeter nos ordures ici jusqu’à ce que les autorités municipales se décident à trouver une solution au problème», martèle Mme A. Martine que nous avons surprise en train de déverser le contenu de sa poubelle. Non loin de l’endroit où cette riveraine a déversé ses ordures, nous apercevons trois gamins en train de satisfaire leur besoin naturel. Evidemment, il suffit qu’une grande pluie se mette à tomber pour que les eaux de ruissellement transportent ces ordures et ces fèces dans les eaux du lac. D’autres activités mettent aussi à mal la qualité de cette eau. Il s’agit de la pêche à laquelle s’adonnent les jeunes venant de tous les quartiers de la ville.

La riziculture aussi constitue une véritable menace pour la santé des populations. La raison : les villageois de Gnagbodougnoa, un village situé en contrebas du lac, utilisent des produits phytosanitaires qui finissent le plus souvent par se retrouver dans le lac.

Toutes ces actions dévastatrices imposent aujourd’hui un triste constat : la digue elle-même est menacée. Les nombreux trous visibles dans les environs du lac témoignent de la nécessité de vite réagir. Les responsables de la Sodeci ont alerté le préfet afin qu’une solution soit trouvée à ce problème qui risque d’avoir de graves conséquences si rien n’est fait dans l’immédiat.
En dépit de tous ses problèmes, le responsable technique de la société de distribution affirme que l’eau du robinet reste pour l’instant de bonne qualité et répond aux normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). « Dans les restaurants, les lieux publics, les hôtels, les gens boivent cette eau. Et, jusqu’à preuve du contraire, aucun problème grave n’a été porté à la connaissance de la Sodeci », conclut M. Troh Zan Anselme.


Tapé Jean-Baptiste, correspondant régional
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