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Politique Publié le lundi 6 juillet 2009 | Nord-Sud

Désarmement - Bamba Mamoutou (Président des dozos de Côte d`Ivoire): “Celui qui nous désarme ne durera pas au pouvoir”

Le président des Dozo de Côte d`Ivoire, Bamba Mamoutou, livre ici les secrets du fonctionnement de la confrérie. Il se prononce sur le processus de désarmement.


• Comment se porte la confrérie dozo de Côte d`Ivoire ?

Il n`y a pas de problème. Elle se porte très bien. Il n`y a aucun conflit en notre sein. Je suis le président national des dozos de Côte d`Ivoire. J`occupe ce poste depuis 23 ans. Et je suis installé à Bouaké. J`ai travaillé avec tous les chefs d`Etat d`Houphouët-Boigny à Guéi Robert. Quand on est désigné comme chef des dozos, on reste à ce poste à vie.


• Combien d`adhérents avez-vous?

Avant la guerre, la confrérie totalisait environs 20.500 personnes. Aujourd`hui, nous avoisinons 35.344 personnes. Chaque jour il y a de nouvelles adhésions


• Comment est structurée votre confrérie ?

Le président que je suis est assisté d`un dozoba dans la gestion quotidienne de la confrérie. Le dozoba (Ndlr : Chef suprême et spirituel des dozo) qui travaille à mes côtés comme chef de canton ou roi se nomme Siaka Camara. Il est chargé des affaires internes propres à la confrérie. Il est l`interface entre les dozos eux-mêmes et moi je suis l`interface entre les dozos et l`administration étatique. Au niveau de chaque région ou circonscription administrative, nous avons des représentants qui prolongent le commandement du bureau national. Ces présidents locaux et leurs dozobas locaux gèrent les questions de leur circonscription. Chaque dernier dimanche du mois, tous les présidents locaux et les dozobas locaux se retrouvent dans une cité du territoire national pour discuter des questions propres à la confrérie notamment les problèmes locaux qui n`ont pas pu trouver de solution sur place. C`est au niveau de cette grande concertation nationale que sont débattus et tranchés les problèmes qui minent notre corporation. A ce stade, il me revient à moi et au dozoba national de trancher en cas de persistance d`un litige.


• Comment désigne-t-on le président national des dozos ?

Nous ne pouvons pas vous dire ici comment nous désignons le président ou le dozoba. Cela se fait dans le secret. On peut simplement dire qu`il faut posséder la vérité ou le savoir pour occuper de hautes responsabilités du dozoya (la science du dozo).


• Quelle est la différence entre le dozoba et le président national des dozos ?

A l`origine, la fonction de président des dozos n`existait pas. L`on ne parlait que de dozoba ou de dozocoutigui, c`est-à-dire celui qui est à la tête de l`organisation des dozos. Mais, aujourd`hui, pour que le mouvement aille de l`avant dans la modernité, il faut des interfaces avec les autorités étatiques qu`elles soient politiques ou religieuses. C`est eu égard à cette situation que nous avons institué le terme de président. J`ai été désigné par mes paires. Quant au dozoba, il a pour fonction principale de gérer les affaires internes. C`est-à-dire exclusivement réservés aux dozos. C`est après avoir analysé les différents litiges, que le dozoba les soumet à l`appréciation du président que je suis. A deux, nous décidons de l`attitude à tenir. Si l`affaire doit être portée devant le préfet ou le maire, c`est en ce moment que le président entre en action.


• Comment devient-on dozo ?

Tout le monde peut devenir dozo. Il faut simplement remplir quelques conditions. C`est une école de formation. C`est comme un élève qui va à l`école pour s`initier aux réalités de la vie pour devenir enseignant, gendarme ou policier. C`est la même chose dans notre confrérie. Lorsque vous y accédez, on vous initie à l`art du dozo. Mais, pour devenir dozo, il faut donner un poulet rouge, une somme de 1.210 Fcfa et deux colas rouges. Une fois cela fait on procède à un rite initiatique.


• Le dozo n`appartient-il pas exclusivement aux groupes ethniques du Nord ?

J`insiste pour dire qu`il n`y a pas d`ethnies réservées au dozoya. Il n`y a pas de couleur réservée au dozoya. Tout le monde peut être dozo. Il y a des dozos blancs, américains, français. L`un de mes collaborateurs n`est pas nordiste. Il est Yacouba. Tout Ivoirien qui le désire peut procéder à son initiation. Il y a aussi des femmes dozo. Mon arrière grand-père qui était un grand dozo a initié son épouse à l`art des dozos. Cette arrière grand-mère allait à la chasse pour ramener du gibier. Le dozo peut aussi être musulman ou chrétien. J`irai certainement inch`Allah (Ndlr : S`il plaît à Dieu) à La Mecque cette année.


• Une fois initié, quels sont les insignes que le dozo doit posséder ?

Après son initiation on remet au dozo une carte de membre. Il est autorisé à avoir une arme de chasse en plus de la tenue traditionnelle. Comme arme de chasse, il s`agit d`un calibre 12 à un ou deux canons. Nous n`utilisons pas d’armes de guerre.


• Mais quel est le rôle du dozo dans la société ?

A l`origine le dozo était chasseur. Il protégeait ses concitoyens contre les animaux féroces. Par la suite, la fonction a évolué. Aux époques médiévales, le dozo était le militaire, le guerrier. Les dozos ont combattu à cette époque pour protéger le village contre l`ennemi. En temps de paix, il y a deux catégories de dozo. Il y a ceux qu`on nomme les « Soufêwourou » c`est-à-dire les « chiens de la nuit» ou encore « les veilleurs de nuit ». Cette catégorie veille sur le village la nuit. Et il y a ceux qu`on appelle les chasseurs qui parcourent monts et vallées la nuit à la recherche de gibiers. Au levez du jour, ils disent : « An`ga do sô ». Traduit du malinké au français cela donne : « Rentrons au village ». C`est la déformation de « anga do sô » qui a donné « dozo ». Ces derniers fabriquaient leurs propres armes et munitions avec des moyens tirés de la nature.


• Vous dites que le dozo initié a droit à une arme. Mais, les autorités estiment qu`il faut désarmer tout le monde y compris les dozos. En tant que président de cette confrérie, êtes-vous d`accord ?

Par rapport au désarmement des dozos, il faut faire une précision. Lorsque la guerre est intervenue, il y a des dozos qui ont pris part au conflit. Par contre, il y`en a qui n`y ont pas pris part. Ceux qui ont pris part à la guerre ont certainement eu des armes de guerre. Mais, avec la démobilisation qui a eu lieu, ces éléments ont été dépossédés de leurs armes de guerre. Il ne leur reste que les calibres 12 à l`instar de leurs confrères qui n`ont pas pris part au conflit armé. Je pense qu`on n`a pas à arracher aux dozos leurs calibres 12. Ces armes n`ont rien à avoir avec le désarmement. Les calibres 12 ne sont pas concernés. Si un dozo possède une Kalachnikov, il doit être désarmé. Mais, les dozos doivent garder leurs calibres 12 qui sont des fusils de chasse. Depuis l`orée des temps jusqu`à ce jour, tout le monde connaît les dozos avec leurs calibres 12. Un dozo sans fusil de chasse n`est pas un dozo. Nous arracher nos calibre 12, c`est interdire le dozoya qui est une fonction ancestrale, traditionnelle. Cela est inimaginable.


• Et si les autorités veulent vous désarmer de force ?

Si quelqu`un veut nous séparer de notre fusil de chasse, de notre calibre 12 qui est l`arme des dozos, cette personne n`ira pas loin dans son mandat. Mais, en tant que président, nous n`avons pas encore été saisis de ce dont vous parlez. Si le cas se présentait, nous discuterons avec les autorités pour leur faire comprendre que nous ne pouvons pas être dépossédés de nos fusils de chasse. Nous négocierons pour leur faire comprendre que le dozo ne peut pas se séparer de son arme de chasse. Au niveau des Forces nouvelles, les dozos, qui ont pris part au combat, sont aussi organisés. Si le conflit persiste nous allons saisir les autorités des Forces nouvelles. Elles vont nous déterminer l`attitude à tenir.


• Est-il normal qu`on voit des dozos dans des sociétés de gardiennage ou dans la sécurité de certains hommes politiques ?

Lorsque nous sommes sollicités, nous nous mettons au service des populations. C`est à ce titre que nous avons pris part à la tournée du président Laurent Gbagbo à Odienné, ou à celle de Konan Bédié ou encore d`Alassane Ouattara. Depuis Houphouët-Boigny les dozos ont toujours travaillé avec le pouvoir. Nous ne prenons aucun sou pour ces opérations. C`est seulement avec les sociétés de gardiennage que nous signons des contrats.


Entretien réalisé par Allah Kouamé
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