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Showbizz Publié le vendredi 11 septembre 2009 | Prestige Magazine

Lamine Diarrassouba: Pour produire Tiken Jah, il a détourné de l`argent

Homme de show-biz réservé et effacé, Lamine Diarrassouba, même s`il refuse de l`affirmer, a été la première personne à conduire Tiken Jah Fakoly dans un studio d`enregistrement, pour la réalisation d`un album. Mais pour produire la première œuvre de cet artiste qui fait aujourd`hui la fierté du reggae ivoirien sur l`échiquier international, il a dû faire un sacrifice. Qui a failli lui coûter son boulot. Resté longtemps dans l`ombre, cet homme sort, pour la toute première fois, de sa réserve. Découvrez-le à travers son entretien, et son histoire avec Tiken.

Présentez-vous à nos lecteurs.

Je suis Diarrassouba Lamine, opérateur culturel depuis 1984, après mes études en Espagne. Lorsque je suis rentré à l`époque, il y avait le tournage d`un film. Et j`étais très porté à ce moment sur le cinéma, qui a commencé en Côte d`Ivoire grâce à Paul Wassaba et à Augustin Boigny, avec la compagnie Walt Disney. J`ai postulé et la responsabilité me revenait de réaliser des effets spéciaux pour le film Baïby.

Comment du cinéma, avez-vous viré au show-biz ?

Je le dois à Ismaël Diaby, un ami qui est plus qu`un frère aujourd`hui. Etant donné que mon fils porte son nom. Lui, était membre de l`orchestre de l`université d`Abidjan (Oua) à l`époque. Et moi, ne voulant aucunement faire la musique, j`ai préféré être dans la chose culturelle, à travers le cinéma. Il faut dire qu`à cette période, les tournages cinématographiques étaient très rares ici. Je choisissais donc d`accompagner souvent mon ami dans ses différents spectacles. C`est ainsi que j`ai eu soudainement l`envie d`encadrer ceux qui font la musique, au lieu de la faire moi-même.

Comment se sont faits vos premiers pas dans ce milieu ?

J`ai commencé dans ce milieu en accompagnant l`Orchestre de L`Université d`Abidjan un peu partout au niveau de l`encadrement. En même temps, j`apprenais à discuter les contrats pour eux. Quand ils ont fini et qu`Ismaël est retourné en France pour ses études en informatique, j`ai décidé de faire autre chose. J`ai, à cet effet, côtoyé un tout petit peu la scène politique. A son retour d`Europe, il a eu l`envie de monter une structure qu`on appelle Sonedisc à Lomé. J`ai donc tout laissé tomber pour la culture et je suis reparti avec lui à Lomé. Nous devions faire de la production et de la distribution à partir de Lomé. C`est à cette époque que nous avons fait la première tournée du zouglou à Lomé, à Cotonou, au Niger, avec des artistes tels Poignon, N`Guess Bonsens, Marino (paix à son âme)… Ensuite, ça été des spectacles avec Meiway, ensuite Aïcha Koné, Ras…J`ai aussi organisé le premier concert d`Angélique Kidjo avec ma structure…

Comment vous vous êtes retrouvé dans une maison de distribution ici, après cette première aventure ?

Etant en apprentissage, nous avons donc décidé de cassés la gueule. Nous sommes donc rentrer au pays pour nous ressourcer et récupérer, afin de repartir. C`est à cette époque qu`un grand monsieur de la culture, du nom de Michel Butry, a décidé de monter une structure de distribution et de production d`artistes qu`on appelait Mba, à l`époque, en 1996. Il a donc fait appel à Obrou qui était le batteur de l`orchestre de l`université, qui lui aussi, a sollicité Ismaël qui, à son tour, m`a invité. J`étais le responsable des ventes. C`est à cette époque que nous avons fait l`une des plus grosses ventes de l`histoire de la musique ivoirienne, avec la première œuvre de John Yalley, basée sur une stratégie mise en place par Ismaël et par Obrou, depuis l`Europe. Une stratégie dont devraient s`inspirer les producteurs d`aujourd`hui.

A quel moment avez-vous décidé de vous lancer dans la production, pour le premier album de Tiken Jah?

Les gens le disent. Et je ne sais pas comment vous l`avez appris et comment vous avez procédé pour me retrouver. Mais j`avoue que si on devait parler du producteur de Tiken Jah, on parlerait de Michel Butry, puisque c`est son argent que j`ai dérobé pour produire Tiken. A l`époque, j`avais la chance d`avoir des amis autour de moi, dans notre structure, qui m`ont protégé auprès de Michel Butry, qui me faisait confiance au niveau de la vente des cassettes. Puisqu`il me considérait comme très bon travailleur. Et donc, il m`a fait travailler pour rembourser cela. Lui, ne croyait pas trop en Tiken. Mais sans le vouloir, il a financé son premier album.

Alors, si on veut bien comprendre, vous avez pris ou, mieux… “voler” son argent pour produire la première œuvre de Tiken Jah ? Et peut-on savoir ce qui vous a accroché chez l`artiste, pour que vous preniez ce risque ?

J`avais foi en Tiken et il fallait que je le fasse. Aboubakar Touré l’a connu avant moi, en le recevant à son émission Allocodrome. Et ça m`a vraiment fait frissonner. C`est à cet instant que je l`ai découvert et entendu dans les commentaires de l`animateur, qu`il était basé à Odiénné. Et comme à l`époque j`étais chargé de la distribution des œuvres au niveau de Mba, de passage à Odiénné, j`ai tenu à le voir. Je l`ai donc aperçu en pleine prestation, avec un jeune Blanc du nom de Thierry, qui jouait de la guitare. J`ai pris quelques renseignements sur lui et je suis revenu à Abidjan. La semaine suivante, il se produisait à Korhogo. J`ai suscité une mission et je suis allé le voir pour échanger avec lui. J`ai détecté la bonne graine en lui et il m`a confié qu`il voulait s`inscrire à “Marlboro Rockin” à l`époque. Je l`ai encouragé. Il s`y est inscrit et j`ai commencé à le suivre, dès cet instant, jusqu`à ce qu`il soit qualifié pour la demi-finale de ce concours à Bouaké. De retour à Abidjan, j`ai fait part de mes impressions à Obrou, mon directeur, et à Ismaël. Je leur ai dit que j`ai rencontré quelqu`un et que j`étais convaincu qu`il allait sincèrement déranger le milieu reggae en Côte d`Ivoire. Et les gens ont ri de moi. Avec l`appui d`Ismaël et d`Obrou, j’ai tenté de convaincre Michel de le mettre en distribution. Mais il nous a fait savoir que son argent ne pouvait pas servir à ce business. C`est d`ailleurs comme ça qu`on a volé l’argent pour le produire.

La somme s`élevait à combien ?

La production de Tiken Jah, nous avait coûté 800 mille F Cfa. Sur cette somme, 600 mille sont sortis des caisses de Michel Butry. Les autres 200 milles ont été injectés par Ismaël. C`est ainsi qu`a été produit le premier album de Tiken. Je tiens à dire merci à Michel qui ne m`a jamais demandé à quoi avait servi l`argent que je lui avais dérobé. Mieux, de m`avoir réintégré dans sa société et fait payer cela à sa manière. Par ailleurs, il m`appelait la tête folle de son entreprise.

Pouvez-vous nous parler de ce premier album ?

Cet album a été baptisé “Sougroumba”. Le titre éponyme reste l`une de ses meilleures compositions, qui parle de l`histoire d`une femme qui n`a pu se marier, mais qui a foi en Dieu concernant son destin… L`album comportait 6 titres, je pense, enregistré au studio “Néfertiti”. Bien qu`on ait fait la production ailleurs, nous avons demandé à Michel de nous distribuer. Mais il a refusé, et les cassettes nous sont restées sous la main. Nous faisions donc du porte à porte pour écouler l`album.

Quelques anecdotes sur ces moments ?

Il venait passer de temps en temps la nuit chez moi, à la maison. Et nous parlions de cette œuvre, car nous n`avions pas suffisamment d`argent pour faire les jaquettes. J`ai dû prendre une image du mont Denguélé que j`ai découpée. Et nous avons planté son image au sommet de cette montagne. J`ai demandé à un photographe, aux 220 logements, de me reproduire cela. Il l`a fait sur un carton et je l’ai présenté à un imprimeur qui a accepté de le faire. Tiken m`a posé la question de savoir pourquoi je le mettais au sommet d`une colline. Et je lui ai répondu que c`était sa tête qui était sorti au sommet de cette colline, mais qu`un jour, il serait au sommet de cette colline. Nous avons ri de cela. Dieu merci, il est aujourd`hui au sommet.

Que s`est-il passé par la suite et combien d`albums avez-vous écoulé ?

J`avoue qu`à cette époque, c`était dur pour l’artiste. Il m`a fait confiance, mais je ne pense pas l`avoir suffisamment soutenu. J`étais très gêné, à l`époque, car les cassettes ne sortaient pas, faute de moyens. Pour faire face à cela, nous sommes devenus des vendeurs ambulants. Lui, a mis les tiennes dans son sac et chacun vendait de son côté. C`est ainsi que nous vendions 100, 200, 300 cassettes… ça m`étonnerait qu`on ait pu écouler 500 cassettes.

Comment est venu, par la suite, le succès de Tiken, après cette première malheureuse expérience ?

Il a sorti sa seconde œuvre baptisée “Missiry” qui est passée inaperçue, bien qu`étant de très belle facture. Et là, il chantait Dieu. Cette œuvre a été produite par son ami Thierry, à qui je tiens à exprimer toute ma reconnaissance pour tout ce qu`il a fait pour Tiken Jah. Pour cet album, Tiken est venu me voir. Et cette fois-ci, pour la jaquette, nous avons encore mis Tiken sur la montagne, mais les bras écartés. Et depuis lors, il est sorti de la colline. A cet effet, il m`a posé la question de savoir pourquoi je le mettais encore sur la même montagne et cette fois-ci jusqu`au sommet. Et je lui ai qu`un jour, il serait au sommet de son art. J`avais quitté Michel Butry pour suivre mon frère Ismaël à Lomé, pour travailler avec Jat Lomé. Tiken n`était donc plus avec moi et il ne pouvait pas interrompre sa carrière non plus, parce que je n`étais plus là. Il a donc continué et a trouvé un autre producteur avec lequel il a sorti “Mangécratie” dont toute la Côte d`Ivoire se souvient. Et c`est de là qu`est parti son succès.

Vu ce que vous avez risqué au départ pour cet artiste aujourd`hui plus que célèbre, que ressentez-vous ?

Je dirais simplement que c`est une fierté. Je suis sincèrement comblé. Lorsque je le regarde aujourd`hui, j`ai des larmes aux yeux, car j`ai vécu sa souffrance.

Quelle galère Tiken a-t-il vécu à vos côtés ?

Une anecdote. Tiken habitait à l`époque à Abobo derrière le collège moderne. Mais tout le monde pensait qu`il habitait Williamsville. Car, n`ayant pas assez de moyens, il prenait le gbaka à Abobo, descendait au carrefour de Williamsville et faisait le reste du chemin à pied, jusque chez moi, pour se reposer (rire). Je vivais avec Awa, la fille à une amie qu`il appelait affectueusement “ma femme”. La maison étant petite, chaque fois qu`il venait se coucher, je lui faisais toujours mettre ses chaussures dehors, car elles sentaient mauvaises (rire). Et lorsqu`il s`éclipsait ainsi de chez lui pour venir se reposer chez moi, certains de ses parents pensaient qu`ils sortait faire de mauvaises choses dehors. De mémoire, je ne l`ai jamais vu en train de fumer une cigarette, ni toucher à un verre d`alcool. Je me moquais d`ailleurs de lui. Lorsque nous devions enregistrer au studio Néfertiti et que nous avions un problème de logement, nous ne pouvions rentrer chez nous, à cause de la forte pluie. Et il y a avait un petit hôtel à Adjamé, en face de la gare de Bingerville qui coûtait 500 frs Cfa la nuit. C`est dans cet hôtel que nous avons trouvé une chambre à Tiken, pour la nuit.

Par Athanase Konan , athanase_konan@yahoo.fr

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