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Showbizz Publié le mercredi 4 novembre 2009 |

Dobet Gnaoré: " j`ai envie de valoriser les langues et le rythme africains"

Source: Africahit.com

Dobet, fille de Boni Gnahoré.La petite qui admirait son artiste de père est devenue une grande... chanteuse, danseuse et instrumentiste. Un talent à l`état brut, bouillonnant, plein de vie et d`énergie qui tisse sa toile sur la scène internationale. Et si c`était elle, notre prochaine star ?

• Tu as refusé de continuer l`école dès que tu as eu 12 ans...

- (rires) Effectivement. Je ne comprenais rien à l`école. Et j`ai grandi au village Kiyi, dans un environnement propice à la création artistique. Je voyais les membres du village se réveiller à 5h du matin pour travailler sur leur création et ce, toute la journée.

Alors, pour moi, évoluer dans l`art, c`était le seul boulot que je pouvais faire. Donc un beau matin, j`ai dit à mon père que je n`irai plus à l`école.

• Comme ça ?

- Oui, sans hésiter (rires), comme ça... En fait, j`étais très sûre de ma décision.

• Et quelle a été la réaction de ton père?

- Il a été très surpris. Etant l`aînée de ses enfants, il s`attendait peut- être à me voir faire de longues études, travailler dans un bureau en tant que cadre. Mais, quelques temps après, il a voulu voir ce dont j`étais capable. Il fallait donc que je lui prouve que j`étais faite pour l`art, la culture.

• Alors, on peut savoir comment tu as fait tes preuves?

- En travaillant sans relâche, tous les jours. A apprendre les notions de l`art en matière de danse, de voix, d`instruments. A répéter, à faire preuve de curiosité. Je montrais que j`avais la soif d`apprendre, je posais des questions, faisais des recherches. Et puis, je suis allée voir Wèrè Wèrè Liking pour avoir son appui et ç’a marché (rires).

• Tu es devenue une artiste polyvalente aujourd`hui...qui sait danser, chanter, jouer d`un ou plusieurs intruments à la fois, sur scène. Comment tu as fait pour réussir tout ça ?

- Pour y arriver, il faut une véritable organisation, mais, c`est surtout le fruit du travail abattu depuis quinze ans aujourd`hui que je récolte. Au fil du temps et à force de travail, on se bonifie, je crois. Alors, c`est simple. La musique joue derrière, je fais un peu de percu, je chante et après un chant, les musiciens sont à l`oeuvre pour me faire danser. C`estune alternance de création, voilà. c`est un boulot que je fais au quotidien avec Colin.

• Tu veux dire monsieur?

- Oui, mon époux (rires). Il est musicien, compositeur et fait partie du groupe. Mon rêve s`est réalisé et il a une grande contribution dans l`affaire parce que c`est vraiment lui qui m`a permis de me réaliser. Je chantais, je jouais à la percu, je dansais aussi, mais quand il est arrivé dans ma vie, il m`a appris les gammes. C`est un guitariste et son apport technique est considérable.

• Quand tu parles de gamme, ça veut dire que tu ne chantais pas juste ou que tu ne le faisais pas selon certaines normes musicales?

- Il y avait beaucoup d`instinct dans ce que je faisais. Il pouvait, par exemple, me jouer une gamme avec sa guitare et je me perdais. Je n`arrivais pas à y en-trer. Et souvent, ça pouvait être très beau ce que je chantais, mais je ne savais pas si je chantais juste ou faux. Je n`avais aucune notion. Aujourd`hui, je ne sais pas lire les notes, mais j`ai l`oreille et je peux jouer avec n`importe quel orchestre, moderne ou traditionnel.

• La gamme, c`est important pour tous les artistes chanteurs musiciens?

- Si tu veux faire de la musique dans un crénau européen, il faut vraiment travailler ce côté-là. Mais, si tu viens avec une musique authentique, y a pas besoin de gamme. C`est inné, instinctif, je veux dire. Avec ou sans gamme, l`africain chante et proprement, surtout quand les tamtams donnent du bon rythme. Il y a d`ailleurs un groupe ivoirien qui me fait kiffer actuellement: «Cèki`sa». La vache! Vous pensez que ces enfants-là ont eu besoin de gamme pour réussir ce qu`ils ont fait là? Tu mets un européen sur un truc comme ça, il peut vraiment les faire décoller en leur apportant un plus. Mais on a besoin aussi d`ouvrir les oreilles des européens avec ce genre de musique authentique. C`est deux mondes, quoi! Chacun sa particularité, mais si on veut faireune fusion, faut, bien entendu, travailler un peu la gamme pour être dans le ton, ne pas être en déphasage avec les réalités d`ailleurs. parce que si tu veux faire une scène européenne, désolée, cela demande beaucoup de boulot. Ils sont très avancés là- dessus et il va falloir s`aligner en développant la façon detravailler, de jouer...

• Tu sais que tu as encore l`empreinte du Village Kiyi?

- (hésitations) Euh! Je pense que le premier album que j`ai sorti a cette marque-là. le deuxième, moins que ça. Mais, je pense que ce sera toujours ainsi, parce que je tire mon inspiration première de ma vie au village, avec les rythmes traditionnels et les chansons africaines en général. Cependant, j`ai d`autres influences. Il y a celle de mon mari qui est européen et celle des autres musiciens avec l`apport des instruments et sonorités modernes, la façon de chanter en respectant les notes et la gamme...Le troisème album sera plus différent que les deux autres. C`est au fil des sorties discographiques, avec l`expérience et tout que vous sentirez la différence.

•••

- Je fonctionne à l`instinct. Mais ma plus grande satisfaction, c`est quand j`entends quelque chose de différent dans ma tête et que j`arrive à le produire. Mais, j`ai envie quand même de valoriser les langues et le rythme africains. Je ne me vois pas en train de chanter en anglais ou en français, dans des langues qui ne sont pas les miennes. Je veux bien avoir d`autres influences, mais il me faut, avant tout, rester ancrée dans la tradition. Quand je chante africain, je connais ma force de frappe. Or quand tu laisses faire l`influence, tu deviens complètement autre chose. Je reste ce que je suis tout en faisant un mixage.

• Tu vis en Europe depuis plus de dix ans. Comment fais-tu pour ne pas perdre tes repères africains?

- Mon époux et moi, on a fait un choix. Nous ne vivons pas à Paris, mais à la campagne. Ici, on dira village. C`est déjà un plus. Et puis, on garde un contact permanent avec la famille. Et on effectue un retour aux sources au moinsune ou deux fois dans l`année, cela pendant quelques semaines.

• Quel est ton point de vue sur l`évolution de la musique ivoirienne?

- Je me sentirai plus à l`aise si on parlait de la musique ivoirienne traditionnelle. C`est ce que je connais le mieux. Et pour moi, elle n`a pas évolué. Je suis même déçue qu`il n`y ait pas de centres, de bars pour faire éclore cette musique-là. Il y a de grandes voix, de grands musiciens en Côte d`Ivoire. Et avec tout le brassage ethnique qu`on a, on peut faire de grandes choses. Je suis aussi déçue qu`on n`arrive pas à vivre de notre art, ici. Les artistes sont obligés d`aller ailleurs. Maintenant, pour parler musique moderne, le couper-décaler et autres, ça tourne en rond. A un moment, la Côte d`Ivoire était vraiment dans le gouffre et il fallait ça pour amuser les gens, les faire danser. C`est venu à point nommé. Mais il ne faut pas rester dans ça. Parce qu`au bout d`un moment, ça me fatigue l`oreille. J`ai envie d`entendre autre chose. Il y a vraiment de la monotonie dans l`affaire. Et en tant que musicienne africaine qui valorise la musique de son pays, j`ai moi aussi envie de prendre un CD ivoirien afin de le faire écouter à quelqu`un et de lui dire : «Ecoute ce son-là, c`est beau!» Mais, malheureusement...

le couper-décaler est aussi une richesse pour le DJ. Regardez David Guetta en France, il a réussi à sortir de son pays, à conquérir de nouveaux marchés avec son métier. Pourquoi pas les nôtres ?

•••

- Il y a un truc qui me fascine quand même dans cette... musique. Il y a un mélange pas...honnête, pas clair (rires). Un DJ, en général, ce n`est pas que de l`attalaku, il fait du mix. Il a aussi quelque chose de bon à prouver. Ce n`est pas un mélange de données seulement. Il faut de bons mixes, des thèmes sensés maintenant, des voix aussi, pour ceux qui veulent vraiment faire carrière et peut-être représenter valablement la Côte d`Ivoire à l`extérieur. C`est possible. Mais, j`aiune mauvaise expérience du couper- décaler. J`ai partagé une scène avec la Jet-set , je crois. Il y avait plein d`artistes africains. Tout le monde a fait du live. Sauf eux ! Il y avait du monde...et j`ai été déçue. L`image qu`on donne de la Côte d`Ivoire, c`est ça, c`est la sape, les derniers cris de Dolce gabbana et autres... On peut faire tout ça, mais il faut songer à mettreune autre conscience dans la tête des mélomanes et surtout des enfants qui voient des adultes faire ce genre de choses...Montrons qu`on peut faire des choses bien avec le travail ou dans le travail.

• Quels sont les albums que tu pourrais faire écouter avec fierté à l`extérieur ?

- Reine Pélagie, c`est une voix! Meiway, c`est une musique ivoirienne, de variété. Il y a aussi les Patrons que j`adore, parce qu`il y a du texte. Malheureusement, la musique de fond est souvent programmée. On a des tambours, on a des musiciens bassistes, des pianistes...alors ? Il faut arriver à faire du live avec le zouglou. C`est pour ça que le groupe Cèki`sa, je kiffe. Si on arrive à valoriser notre musique, à y croire, je pense que ça peut décoller. Et c`est un truc à long terme. Il ne faut pas qu`on pense que dès qu`on sort un album, c`est gagné. Il y a du boulot. Faut pas se décourager. Plus on va vouloir faire comme les gens de l`extérieur et plus on n`y parviendra pas. Restons nous-mêmes.



Par Stéphie Joyce
stephiejoyce1@yahoo.fr
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