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Société Publié le vendredi 6 novembre 2009 | Le Temps

Kahé Eric à Ado : Monsieur le Premier ministre et cher aîné (1)

C'est de Guitrozon, où nous nous rendons régulièrement, pour apporter assistance et réconfort aux populations traumatisées par la désormais tragique nuit de juin 2005, que nous avons eu écho des morceaux choisis, dont vous nous avez honorés à l'occasion de votre dernière conférence de presse. En effet, répondant à une question d'un journaliste qui nous a prêté des propos sur vos "chiffres virtuels", propos qui ne sont pas à l'origine nôtres -même si nous les partageons- car tenus par le ministre Kabran Appia au 1er congrès de l'Alliance ivoirienne pour la République et la démocratie (Aird), vous indiquiez, "Je ne connais pas ce Kahé Eric? C'est qui? ministre du Commerce vous dites. J'espère qu'il a une formation en économie. Parce que vous savez, tous ceux qui disent que ce sont des milliards virtuels ou que c'est trop d'argent, c'est parce qu'ils ne comprennent rien à l'économie et aux finances. C'est aussi simple que cela… Nous avons réglé ces problèmes en quelques mois avec le programme du Fmi…S'ils ne comprennent rien à l'économie, ce n'est pas ma faute. Je suis désolé, je ne connais pas ce monsieur, je ne l'ai jamais vu. Je ne sais pas quel est son background." (in le Patriote n° 3011 du 28/10/2009). Monsieur le Premier ministre, si cette réponse n'avait pas été reprise par plusieurs journaux, nous l'aurions attribuée à une mauvaise transcription de vos propos. En outre, une semaine après cette déclaration, aucun conseiller n'a cru devoir en relativiser le mépris.
Toutefois, nous voudrions saluer votre honnêteté intellectuelle quand vous précisez que les solutions appliquées pendant votre passage à la Primature ne sont pas de vous, ni des Ivoiriens mais du "programme du Fmi". Et c'est à ce niveau qu'apparaît la première divergence entre votre approche et la nôtre quand nous préconisions à ce même congrès, le financement de notre développement en comptant sur nous-mêmes d'abord, et en particulier sur notre jeunesse.
A la lumière de vos propos, l'on se demande si le background est plus important que la valeur de l'idée! Si oui, aucun jeune n'aura d'avenir avec vous. Toutefois, pour éviter que l'on nous fasse, un jour, le procès de n'avoir pas su répondre à une "simple" question de background, sachez que le nôtre commence avec notre naissance à Guitrozon, sur une feuille de bananier, suivi 8 ans plus tard du décès de notre père. C'est donc orphelin que nous sommes inscrits à l'Epp de Boundiali avant d'être orienté au Lycée Houphouët-Boigny de Korhogo. La grâce de Dieu se manifestera à celui qui s'offrait difficilement l'unique repas quotidien en obtenant en 1977 son bac série C avec mention Bien. Nous serons avec notre ami Soro Levolotian (à ce jour ingénieur textile formé en Allemagne), les deux seuls admis de la région à ce bac C.
Fasciné par la réputation d'éminents professeurs ivoiriens tels que Touré Saliou (Mathématiques), Bogui (Physique Nucléaire), Nezit (Mécanique des Milieux continus), nous optons pour l'inscription à la Faculté des Sciences de l'Université nationale de Côte d'Ivoire malgré l'offre de deux bourses pour des études à l'étranger. Titulaire d'une maîtrise en mathématiques après un Dues en Mathématiques-Physiques, le Sgi de Jean Marie Akeboué, sous l'inspiration du ministre d'Etat Mathieu Ekra, nous offre la possibilité de présenter et de réussir le concours du cycle ingénieur concepteur en Informatique à l'Inig de l'Ifg (Institut français de gestion). Notre soutenance est sanctionnée par la mention Bien. Nous pouvons alors être recruté à la Direction de la Solde du Ministère de l'Économie et des Finances. Pendant une bonne partie de la douzaine d'années passées dans ce ministère, outre de stratégiques logiciels à notre actif (après notre opposition à l'achat de progiciels, soutenue par le ministre Gnamien N'goran à qui nous sommes reconnaissant de cette confiance), nous avons eu l'insigne honneur, Monsieur le Pm, de participer à de nombreuses et longues discussions avec le Fmi. Aussi, Sous-Directeur chargé de l'Informatique, nous avons par exemple dû bâtir un modèle mathématique basé sur une fonction affine, sous tableur Excel, pour étudier l'impact de la dévaluation sur la masse salariale, simuler la revalorisation discriminatoire des salaires en faveur des souches défavorisées et en établir le barème résultant. Ces travaux ont permis à la Côte d'Ivoire d'éviter le naufrage social et économique qui aurait résulté d'une augmentation de salaires avec une fonction en escaliers, donc discontinue et source d'injustice, proposée par nos partenaires. Ces travaux ont même conduit à une révision par le Fmi de la lettre d'intention préalablement acceptée par le gouvernement. C'est dans ce ministère, dont nous sommes toujours un agent en détachement, que se sont forgées bon nombre de nos convictions. Celles-ci se sont renforcées avec la liberté de parole et de propositions à nous laissée par le Président Laurent Gbagbo dans le gouvernement Affi. Monsieur le Pm et cher aîné, tous ces modestes résultats n'ont fait que confirmer l'expérience ramenée de notre séjour de formation au Japon: notre dépendance de l'extérieur n'est qu'un complexe qui n'exploite pas les compétences de notre jeunesse.
Nourris à la sève de la culture et de l'éducation du peuple sénoufo qui ont constitué avec nos origines Wê, un extraordinaire confluent de reconnaissance à Dieu, nous estimons futile de parler de nous, conscient que tout ce que nous sommes ne provient d'aucun mérite personnel si ce n'est pure grâce. L'intelligence est un don de Dieu. Dans une famille les "sans background" participent de la gloire de Dieu au même titre que les plus brillants. Cela est d'autant vrai parce que je partage cette vison du monde avec Jean Guehenno quand il dit : "Enfant du peuple. j'ai puisé dans les humanités une puissance de libération, un accroissement de conscience humaine, dont il n'est pas de jour que je ne sente la valeur; j'ai décidé qu'un tel viatique ne resterait pas, pour ceux de ma classe, le lot de quelques uns, mais que je me consacrerais à faire qu'il fût donné, sinon à tous, au moins au très grand nombre, n'admettant pas que les fruits que j'en ai tirés, fussent les effets d'une vocation exceptionnelle." Que le Seigneur nous pardonne donc d'avoir cédé à ce jeu puéril. Monsieur le Premier ministre, je conviens avec vous qu'un tel background est certainement en deçà de celui de vos représentants au gouvernement dont certains ont été nos collègues dans la honteuse parenthèse de Marcoussis, mais les droits que confèrent la Constitution au citoyen que nous sommes ne nous autorisent-ils pas à critiquer les propositions de celui qui aspire à nous gouverner?
Autre exemple, le budget annuel actuel de la Côte d'Ivoire dépasse les 2000 milliards. Pour 5 ans que vous demandez aux Ivoiriens, vous avez proposé à la convention de votre parti, à Yamoussoukro, 10.000 milliards. Nous avons tous applaudi. Mais à notre réveil au petit matin, nous nous sommes rappelés que 10.000 = 5x2.000. Donc rien de nouveau sous les tropiques.
M. le Pm, le citoyen Kahé Eric, votre potentiel électeur, n'aspire qu'à comprendre pour bien choisir. Or, pour vous, les problèmes économiques doivent être l'affaire des seuls économistes. Et pourtant, la grave crise financière que traverse le monde -du fait de certains de vos collègues banquiers - est trop présente sous nos yeux pour nous interdire l'hypothèse du contraire.
L'Afrique regorge d'économistes respectables dont certains sont nobélisables. Pourtant, elle peine à décoller et à nourrir sa population et le peu de résultats que permettent ses braves paysans et ouvriers sont chaque jour, remis en cause par des politiques économiques importées et faites de détournements et d'ajustements. Ces ajustements que vous revendiquez si courageusement dans la même conférence. L'on n'a pas besoin d'être un génie pour savoir que pour financer son développement, l'Etat a globalement recours à plusieurs sources, notamment ses ressources propres (fiscales, douanières, etc.), l'aide publique au développement (aide bilatérale des pays de l'Ocde et coopération multilatérale à travers Banque mondiale, Bad, Fmi, Union européenne), le financement direct étranger par le secteur privé et les banques.
A suivre
Eric Kahé
Mathématicien, Ingénieur Informaticien
Ancien ministre
Président de l'Aird
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