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Politique Publié le vendredi 6 novembre 2009 | Le Repère

Coulibaly Nablé (candidat indépendant) : “Il n’y aura pas d’élection”

Médecin, Coulibaly Nablé est candidat à l’élection présidentielle ivoirienne. Dans cet entretien, il expose ses ambitions pour la Côte d’Ivoire, en même temps qu’il exprime ses doutes quant à la sincérité du pouvoir Fpi à aller aux élections.

Pour la curiosité de nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous rappeler brièvement votre parcours ?
Je suis médecin de santé publique. La santé publique, c'est la médecine de la population. Je ne soigne pas les individus, je soigne les populations. Tout ce qu'on appelait dans le temps grandes endémies, tout ce qui est pandémie, tout ce qui touche la population, c'est cela ma spécialité. J'ai fait ma spécialisation aux Etats-Unis, j'ai fait Johns Hopkins, Haward, Atlanta. J'ai fait l'économie de la santé en France, à l'Iap à Paris. C'est un peu cela mon parcours. Et je suis consultant international.

Consultant en matière de santé ?
Oui en santé publique. Je suis consultant pour l'Oms, l'Unicef, la Banque mondiale. Tout ce qui est système de santé.

Vous êtes aussi un ancien militant du Meeci ?
Ah, oui ! Nous avons été façonnés par le Meeci depuis le lycée jusqu'à la faculté. J'ai fait les lycées de Bondoukou, de Bingerville, de San-Pedro. Et partout, nous avons fait un parcours de militant.

Vous portez un nom, Coulibaly Nablé, mais je vous ai entendu dire une fois que vous ne vous définissez pas comme un homme du Nord.
Je suis de la Côte d'Ivoire. Parce que mon père est du Nord, ma mère est du Sud, celle qui m'a élevé est de l'Ouest et moi-même, j'ai vécu toute mon enfance à l'Est. On me connaît mieux à l'Est que partout ailleurs.

Il y a longtemps que vous faites de la politique. Pourquoi êtes-vous resté loin des caméras et des questions d'actualité ?
Parce qu'il y a un proverbe de chez nous qui dit que le serpent qui veut grandir doit savoir se cacher.

Vous cacher aux yeux de qui ?
Nous ne sommes pas engagés dans une campagne hautement médiatique parce que...

Je ne parle pas de la campagne, je parle de votre parcours. Vous êtes resté un homme discret. Et il y a trois ou quatre ans que vous avez révélé vos intentions présidentialiste. Pourquoi êtes-vous resté dans l'ombre jusque-là ?
Quand vous regardez notre parcours, vous verrez que nous avons assuré à un moment donné, l'intérim de la Délégation générale du Pdci pour les Etats-Unis. Nous avons un parcours de militant. Quand vous vous référez à la presse, c'est en 2003 que nous avons officialisé notre prétention d'aller à l'élection présidentielle. Mais en réalité, la décision a été prise depuis 1983, en première année d'université. A cette époque, j'avais dit que c'est une affaire de génération. Nous de la génération des enfants de l'indépendance, nous allons arriver au pouvoir en 2000. Donc nous nous sommes préparés pour venir aux présidentielles en 2000.

Vous avez dit que vous avez assuré l'intérim de la délégation générale du Pdci aux Etats-Unis. Alors qu'est-ce qui fait que vous êtes aujourd'hui candidat contre le candidat du Pdci ?
Je suis candidat indépendant. Parce qu'en 2000, le Président Bédié n'était pas le candidat du Pdci. Nous avons fait une Convention, il n'était pas le candidat et il s'est présenté. Donc nous ne croyons pas aux primaires au sein du Pdci. Nous avons pris nos responsabilités vis-à-vis de nous-mêmes, de notre génération et vis-à-vis de notre pays.

Alors vous avez créé un parti politique ?
Non. Je n'ai pas créé de parti politique. Je suis candidat indépendant.

Il y a trois ou quatre ans, une jeunesse était mobilisée à l'hôtel Ivoire pour vous. C'était une foule immense de jeunes gens qui cautionnaient votre candidature.
Ce n'était pas un parti. C'étaient des mouvements de soutien. Nous avons créé un mouvement citoyen qu'on appelait "Côte d'Ivoire, changeons". Ce n'est pas un parti politique. Quand je vois un peu le Rhdp, ça me fait sourire. Parce que c'est en 1996 (le 04 mars 1996) à Washington que nous avons lancé les bases du Rhdp que nous avons appelé en son temps, le FHB : la Fédération des héritiers de Boigny. Nous nous sommes dit, tant que ces deux morceaux ne seraient pas collés, la Côte d'Ivoire n'aura pas de stabilité. Et nous sommes contents aujourd'hui de voir naître le Rhdp dans sa forme actuelle.

Vous réclamez-vous toujours du Pdci en tant que candidat indépendant ou, vous ne vous reconnaissez plus dans le Pdci ?
Je suis candidat indépendant pour les élections présidentielles. Mon souci majeur, c'est que la famille houphouétiste puisse se retrouver. Et ce, de façon sincère. C'est notre combat.

Dans vos interventions politiques de manière générale, votre référence c'est Houphouët. Pensez-vous que Houphouët est une solution pour les problèmes que nous vivons aujourd'hui ?
Non. Houphouët n'est pas la solution pour les problèmes que nous vivons. C'est nous qui sommes la solution pour les problèmes que nous vivons.

Alors, pourquoi ces références incessantes à Houphouët ?
Il faut savoir d'où on vient. Vous savez, le nouveau leadership, c'est d'avoir une vision. Où nous voulons arriver ? A partir du moment où vous avez une vision, le passé vous sert de ressources pour pouvoir prendre des décisions dans le présent. Or l'ancien leadership, c'était en fonction du passé, on avait le présent et le présent déterminait le futur. Donc, Houphouët a rêvé pour une Côte d'Ivoire. Nous les enfants de l'indépendance, nous rêvons pour une autre Côte d'Ivoire. Et lorsque nous nous référons à Houphouët-Boigny, c'est parce que c'est dans ce creuset que nous avons été bercés. C'est en fonction des bases que nous avons que nous allons travailler pour corriger ce qu'il y a aujourd'hui pour pouvoir avoir le futur que nous voulons pour la Côte d'Ivoire.

Venons-en aux élections présentes. Vous avez déposé tous vos papiers, sauf la caution de 20 millions. Pourquoi ?
Nous avons déposé notre candidature et nous avons dit à nos militants, c'est une candidature de principe. Parce que nous ne croyons pas aux élections. Nous l'avons dit au sein de la Cei, qu'il n'y a aura pas d'élection. Qu'il fallait arrêter d'infantiliser le peuple de Côte d'Ivoire. Que c'est parce que nous avons toujours trompé le peuple que nous sommes dans cette situation. De contre-vérité en contre-vérité, nous nous trouvons dans cette situation. Il faut que les Ivoiriens aient le courage de se dire la vérité.

Si vous n'avez pas déposé les 20 millions dans le timing, c'est que vous êtes éliminé ?
Le décret a été pris pour les élections du 29 novembre 2009. Et nous savons que le 29 novembre, il n'y aura pas d'élection.

Est-ce à dire que vous allez payer votre caution quand l'élection présidentielle sera reportée ?
Effectivement. Je ne suis pas un parti politique. Les autres ont 800 millions des mains du contribuable. Ils savaient tous qu'il n'y aura pas d'élection et ils continuaient à tourner. Chacun essaie de mettre les présidents de bureau de vote, sachant très bien qu'il n'y aura pas d'élection. Je ne comprends pas. C'est comme si on est tombé sur la tête. Chacun sait qu'il n'y en a pas et chacun fait semblant de croire qu'il y aura des élections

Est-ce que les textes vous permettent de payer la caution plus tard si les élections sont reportées ?
L'article 52 du code électoral dit que, c'est trente jours avant le début du scrutin. A partir du moment où on ne sait même pas la date, nous ne pouvons pas immobiliser 20 millions pour une affaire dont on ignore les tenants et les aboutissants. Nous préférons prendre ces 20 millions pour travailler. L'élection, ça peut être en février, ça peut même être en octobre 2010. Chaque année, on nous donne une date. Et on nous dit si ce n'est pas cette date, on passe. Et il n'y a rien. Tout le monde est en train de dire le 29 novembre, et le 29 va passer, il n'y aura rien. Pourquoi donc, voulez-vous qu'on aille immobiliser comme ça, 20 millions pour une élection qui n'aura pas lieu ?

Vous en tant qu'Ivoirien et candidat, lorsqu'on donne une date et qu'on ne la respecte pas, qu'est-ce que cela vous inspire ?
Ça ne nous inspire pas, ça nous conforte dans notre conviction que ceux qui nous dirigent manquent de sérieux. Parce que depuis 1990, la Côte d'Ivoire a cessé d'être gouvernée. De 1990 à 1993, elle a été gérée. De 1993 à 1999, elle a été administrée. Et depuis 1999, elle roule en roue libre. Il n'y a jamais deux sans trois. Il y a déjà eu deux décrets qui n'ont pas été respectés, pourquoi le troisième devrait-il être respecté ? Depuis longtemps, nous savions que ça n'allait pas être respecté. Donc, on attendait. Certains de nos militants disaient, "on ne vous voit pas." On leur dit, il n'y a pas d'élection, le jour qu'il y aura les élections, vous allez nous voir.

Ça n'empêche pas les candidats d'aller sur le terrain et d'expliquer leur vision aux populations. Est-ce pour des difficultés financières que vous ne le faites pas ?
Ce qui serait intéressant d'expliquer aux Ivoiriens, c'est de leur dire d'abord que le 29 novembre, il n'y aura pas d'élection. C'était ça la grandeur des hommes politiques. De dire d'abord la vérité au peuple. Mais on fait des tournées en faisant croire au peuple que le 29 novembre, il y aura élection alors qu'on sait pertinemment que le 29 novembre, il n'y aura pas élection.

Vous faites allusion à quel leader ?
A tous ceux qui tournent.

Ceux qui tournent demandent que les élections se tiennent le 29 novembre, mais ce n'est pas eux qui décident. Je pense que c'est la pression qu'ils mettent.
Le problème n'est pas de mettre la pression. Le problème, c'est d'être sincère et honnête. Depuis 2005, la pression y est chaque année, on dit qu'on met la pression. Le problème, c'est d'être véridique vis-à-vis du peuple. Tant qu'on ne va pas se dire la vérité, on ne sortira pas de l'impasse.

Quel est le point de vue de Dr. Coulibaly sur "l'injustice" qu'il y a entre les dépôts de candidature. Il y a des candidatures qui ne sont pas soumises à certaines exigences administratives et il y en a, à qui on demande des papiers que nous savons. Est-ce que vous vivez cela comme une injustice ?
Non. Ça nous conforte dans le fait que la Côte d'Ivoire doit tourner une page. Parce que quand on aime son pays, on ne peut pas accepter cette attitude.

Quelle est votre lecture de la situation actuelle, de la gestion de l'accord de Ouagadougou ?
L'accord de Ouaga a fait beaucoup de progrès. Mais aujourd'hui Ouaga est étouffé. Il ne faut pas qu'on se focalise sur l'accord de Ouaga, il faut se focaliser sur le processus de sortie de crise.

La Côte d'Ivoire va aux élections sans désarmement.
Tout cela fait partie des insuffisances de l'accord de Ouaga.

Selon vous, on doit aller aux élections sans désarmement ou alors on doit désarmer avant les élections ?
Il faut poser la question autrement. On veut des élections pour faire plaisir à Pierre ou à Paul ? Ou on veut des élections pour la Côte d'Ivoire ? Le Président Gbagbo a dit quelque chose de très important. Il a dit que cette élection devrait marquer la fin de l'ère houphouétienne. Effectivement, c'est une nouvelle ère. Mais l'ère houphouétienne, c'est avec tous les héritiers d'Houphouët. Il y a le Président Bédié, il y a le Premier ministre Alassane Ouattara, il y a le Président Gbagbo, il y a Konan Banny.

Et il y a vous-même. Vous vous définissez comme un héritier d'Houphouët-Boigny ?
Non. Nous ne sommes pas les héritiers d'Houphouët. Nous capitalisons cette ère pour une nouvelle ère. Nos pères ont rêvé d'indépendance. Nos aînés ont rêvé de démocratie ; nous les enfants de l'indépendance, nous rêvons de l'unité africaine. Nous avons une autre vision.

Vous pensez que la Côte d'Ivoire est suffisamment démocratique pour ne plus rechercher la démocratie et rechercher l'unité africaine ?
La démocratie a plusieurs facettes. La Chine vous dira qu'elle est démocratique. Les Etats-Unis vous diront qu'ils sont démocratiques.

La Chine est un état communiste.
Oui, mais ils font des élections à leur manière. Les Etats-Unis ont leur manière d'élire leur président, la France a sa manière d'élire son président. La Côte d'Ivoire…donc chacun vous dira qu'il est démocrate ou pas. Aujourd'hui, le problème de la Côte d'Ivoire, c'est de savoir que nous avons fini une ère. Il faut pouvoir rêver pour les cinquante prochaines années de la Côte d'Ivoire.

On vous imagine président d'ici quelques mois, le pays reste toujours coupé en deux. Que faites-vous ?
Si je suis élu président de la Côte d'Ivoire, je vous garantis que le pays sera réunifié.

Et comment ? De force ou par le dialogue ?
Je laisse cette carte, sinon nos adversaires vont l'utiliser.

Dr. Coulibaly, quelle est votre vision pour la Côte d'Ivoire ?
Notre vision pour la Côte d'Ivoire ? D'abord je vous remercie. C'est l'une des rares fois où on me demande qu'elle est ma vision. Habituellement, on me demande mon programme de gouvernement. Je leur réponds pour dire que je ne suis pas Premier ministre. Un programme de gouvernement, c'est pour le Premier ministre. Un chef d'Etat, un leader, c'est une vision. Nous avons une vision pour la Côte d'Ivoire sur 50 ans. Notre vision est de faire de notre pays, un pays émergent. Peut-être que nous ne serons pas là pour voir les fruits de ces 50 ans. Mais c'est cela notre rêve, notre vision pour la Côte d'Ivoire.

C'est la vision de tous les leaders, c'est pour cela que je vous donne des points spécifiques.
Quand vous dites ça, vous nous invitez à la récitation. Nous allons construire des écoles, des hôpitaux…Nous ne rentrons pas dans cela.

Mais vous pouvez avoir une vision pour l'école ivoirienne.
Notre vision, c'est de faire de la Côte d'Ivoire un pays émergent. Pour pouvoir avoir un pays émergent, il faut pouvoir réconcilier les Ivoiriens. Il faut une Côte d'Ivoire aimante et une Côte d'Ivoire aimée. Une Côte d'Ivoire réconciliée avec la morale d'abord, ensuite une Côte d'Ivoire réconciliée avec l'Etat, et enfin une Côte d'Ivoire réconciliée avec elle-même. Aujourd'hui, le véritable problème de l'Ivoirien c'est son rapport avec l'argent. Pour de l'argent, on est prêt à tout. On paye pour aller dans les grandes écoles, on paye…C'est le rapport de l'Ivoirien avec l'argent. Il faut donner de nouvelles valeurs aux Ivoiriens. A partir de ce moment-là, l'Ivoirien peut avoir confiance en l'Etat.

Vous sentez-vous apte à gagner ces élections face à des ténors, des monstres politiques comme Gbagbo, Alassane ou Bédié ?
Le Président Gbagbo a répondu à la question. C'est Dieu qui donne le pouvoir. Il le donne à qui il veut, quand il veut et comme il veut. Ceux qui ont lu la bible connaissent l'histoire du petit David. Dieu l'a sorti pour lui donner le pouvoir.

Interview réalisée par
Tiburce Koffi et Jules Claver Aka
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