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Politique Publié le mardi 29 décembre 2009 | Notre Voie

Alpha Blondy, star du reggae : “L’ivoirité n’est pas morte”

Nomination comme ambassadeur de la paix de la CEDEAO, situation sociopolitique en Guinée, élection présidentielle en Côte d’Ivoire, concept d’ivoirité… Alpha Blondy se déchaîne. La star ivoirienne du reggae interpelle les Ivoiriens sur le péril tribal et établit la responsabilité de l’ONUCI dans l’attentat manqué contre le Premier ministre, Guillaume Soro.

Notre Voie : Vous avez été nommé ambassadeur de la paix de la CEDEAO le 14 novembre dernier, au cours d’une cérémonie officielle au Nigeria. Sans oublier que vous êtes aussi ambassadeur de la paix de l’ONU pour la Côte d’Ivoire. Qu’est-ce que ces distinctions ont-elles changé en vous ? Alpha Blondy : Le fait qu’on me confie de si lourdes responsabilités signifie qu’il y a un besoin pressant de personnes pouvant encourager la paix dans la sous-région ouest- africaine et sur le continent. Je crois que le fait que je dénonce régulièrement les guerres et les coups d’Etat ne laisse pas les observateurs indifférents. Vous savez, je ne peux pas faire semblant. Mon objectif n’est pas de me faire voir. Il s’agit simplement de réussir ma mission de sensibilisation de l’opinion publique. Moi, je ne suis pas un politicien. Retenez que je prends ces nominations très au sérieux. J’ai d’ailleurs de petits projets de grande envergure. N.V. : Lesquels ? A.B. : Je prévois déjà des concerts au niveau de la Côte d’Ivoire. Je ne serai pas prolixe sur cette question, puisque le financement n’est pas encore bouclé. La dynamique qui m’anime, c’est d’identifier avec précision tous les problèmes susceptibles de causer l’instabilité dans la sous-région. Ces problèmes qui ont certainement fait trop de mal aux populations afin que les politiques voient comment les éviter. N.V. : La Guinée-Conakry traverse une crise aux multiples visages. En tant qu’ambassadeur de la paix de la CEDEAO, avez-vous songé à vous rendre en mission dans ce pays ? A.B. : Il faut préciser que je ne suis pas surpris par ce qui arrive en Guinée. Lorsqu’il y a eu cette histoire de junte militaire, j’ai envoyé, lors d’une émission sur la radio Africa N°1, un message direct à Dadis Camara. Evidemment en toute courtoisie. Le 28 septembre 2009, on a tiré dans un stade sur le peuple qu’il présente comme sa raison d’être à la tête de la junte. Il nie toute implication. Soit, mais c’est grave. Je lui ai dit : «M. Dadis, organisez des élections présidentielles mais ne vous présentez pas. Faites plus tard comme ATT au Mali. Rendez votre démission de l’armée et soyez candidat indépendant, si vous le souhaitez. Le peuple que vous dites défendre verra en vous un homme de parole. Mais, avant tout, présentez des excuses publiques au peuple guinéen pour le drame du 28 septembre. Que vous soyez coupable ou non, celui qui a posé cet acte vous a discrédité. Si vous ne le faites pas, le jour où vos amis militaires et vous allez vous tirer dessus, personne ne vous défendra». Quand j’ai appris qu’on lui a tiré dessus, j’ai dit voilà… N.V. : Vous n’irez donc pas en mission en Guinée parce que vous aviez prédit ce qui devrait arriver ? A.B. : Non, ce n’est pas ce que j’insinue. Voyez-vous, l’implosion était prévisible. Elle était grosse comme un nez sur le visage. N.V. : Un rapport d’enquête de l’ONU sur les événements du 28 septembre en Guinée accable la junte militaire et son chef, Moussa Dadis Camara. On parle même d’une saisine de la Cour pénale internationale (CPI). Comment jugez-vous cette option ? A.B. : Mais quand on a tiré sur les populations civiles et fait de nombreux morts et blessés, ainsi que des femmes violées, il faut bien répondre de tous ces crimes-là. Le peuple guinéen, ce n’est pas du bétail. On ne tire pas impunément sur des citoyens parce qu’on a des idées divergentes. Vos gars font des manifestations de soutien, on trouve ça normal. Les autres font les leur, on va leur tirer dessus. Ce n’est pas démocratique et c’est inacceptable. Il faut qu’on sache qui a fait quoi et qui a donné l’ordre de faire quoi. N.V. : L’ONUCI, en Côte d’Ivoire, vous reproche de violer votre statut d’ambassadeur de la paix de l’ONU qui vous astreint à l’obligation d’impartialité par rapport aux acteurs ivoiriens. La rumeur abidjanaise soutient que votre statut vous a été retiré. Qu’en est-il exactement ? A.B. : Je vais vous demander, M. Depry. Est-ce que l’ONUCI est impartiale ? N.V. : Nous n’en savons rien. C’est à vous de nous éclairer puisque vous êtes ambassadeur de la paix de l’ONU. L’êtes-vous toujours ? A.B. : Je le demeure. Dès ma nomination, je l’ai dit. Je ne serai la marionnette de personne. Ni de l’ONUCI ni de qui que ce soit. Je ne suis pas là pour me taire. Par exemple, quand on a tiré sur l’avion de Guillaume Soro (le Premier ministre, ndlr), qui était à la tour de contrôle ? Parce que Bouaké n’est pas montagneux. Ce n’est pas la forêt dense, non plus. Ma question était simple et je n’ai pas obtenu de réponse. J’ai dénoncé l’irresponsabilité coupable de l’ONUCI. Pour moi, ils sont les vrais responsables, parce qu’ils ont failli à leur mission de protection de l’aéroport de Bouaké. Voire de sécurisation du processus de paix. N.V. : Comment peut-on comprendre votre engagement en faveur de la réélection du Président Laurent Gbagbo ? A.B. : C’est facile à comprendre. Avant d’être ambassadeur de la paix, je suis d’abord un citoyen ivoirien. Et puis, le fait d’être un artiste célèbre ne constitue pas un embastillement pour moi. Johnny Hallyday a soutenu Sarkozy à l’élection présidentielle française. Les fans de Johnny qui soutenaient Ségolène Royal ne lui ont pas fait la guerre pour cela. Stevie Wonder, Beyonce… ont fait la campagne de Barack Obama. N.V. : Votre choix est donc irréversible… A.B. : Je ne suis pas un va-nu-pied qui change d’avis à tout moment. On dit «que ton OUI soit un OUI et ton NON, un NON». Lorsque j’ai soutenu Houphouet, c’était une décision mûrie. Aujourd’hui, je soutiens Gbagbo, ça l’est également. Quand, en 1995, j’ai fait la campagne de Bédié, j’estimais qu’il était dans le droit chemin tracé par Houphouet. A cette époque, son concept d’ivoirité n’était pas aussi nocif. Nous avons fait la caravane de l’unité nationale, tout le monde en a été témoin. Pourquoi, on ne veut pas que je supporte Gbagbo. Qu’on m’en donne les raisons. N.V. : Quel rôle allez-vous jouer dans la campagne de Laurent Gbagbo ? A.B. : Je suis en contact avec le public, grâce à mes concerts, à travers le monde. Partout, je défends mon candidat. Mon rôle n’est pas d’animer des meetings. Mais je suis actif. N.V. : Que pense le fils de Korhogo que vous êtes de la guéguerre qu’Amadou Gon Coulibaly veut engager avec son oncle Issa Malick Coulibaly sur fond d’adversité politique ? A.B. : Je connais très bien Malick et Amadou. J’ai, pour les deux messieurs, un très grand respect. Je suis également l’une des rares personnes de ma génération qui a connu le patriarche Gon. Alors permettez-moi de ne pas m’ingérer dans cette affaire familiale. Cela dit, pour moi, le problème n’est que je sois pour Gbagbo, Pierrot ou Adama Dahico. Le problème, c’est l’ivoirité. N.V. : En quoi l’ivoirité est-elle le problème ? Ce concept n’est-il pas mort. A.B. : Pas du tout. Le concept de l’ivoirité n’est pas mort. N.V. : Mais Bédié, le créateur de l’ivoirité, et Ouattara qui s’est dit victime de ce concept, ne sont-ils pas aujourd’hui des alliés ? A.B. : Je ne parle pas de cas particuliers. Je parle de cet amalgame qui est à l’origine de la guerre que nous avons connue. Il faut désamorcer cela. Tout comme pour la pandémie du sida, il faut des campagnes de sensibilisation contre l’ivoirité. Ce concept a ébranlé les fondements de la Côte d’Ivoire, il a mis notre pays en danger. Il faut abolir l’ivoirité. N.V. : Parce que, selon vous, elle subsiste toujours. Comment se manifeste-t-elle dans le corps social ? A.B. : Je le constate dans les écrits. En plus, c’est une ivoirité multidimensionnelle. N.V. : C’est-à-dire ? A.B. : Je voudrais dire qu’au départ, c’était une histoire d’héritage politique. Quelqu’un a sorti une arme nommée Ivoirité. C’est un couteau à quatre tranchants. Des ivoiritaires tapis dans l’ombre ont récupéré ce soit disant concept culturel et en ont fait une arme politique. Ils ont humilié des ressortissants du Nord et même des ressortissants du Sud, de l’Ouest, du Centre et de l’Est qui avaient des liens matrimoniaux avec des personnes du Nord. L’ivoirité a créé une onde de choc et la rébellion est partie de là. Aujourd’hui, les nostalgiques de l’ivoirité sont aux aguets. Il faut tuer l’ivoirité et je compte sur mon candidat pour le faire. N.V. : Comment doit-on tuer l’ivoirité ? A.B. : Par des campagnes assidues de sensibilisation à travers tout le pays. Les populations doivent comprendre que l’ivoirité est un concept diviseur, une bombe tribale. Chaque ivoirien a le droit de choisir son candidat. Il faut le faire, non pas sur des bases tribales, mais en tenant compte des idées. C’est pour cela que j’ai choisi Laurent Gbagbo. Ma croisade contre l’ivoirité sera marquée par des concerts «Peace and Unity» (paix et unité) à Abidjan et Bouaké. Blé Goudé, KKB, Karamoko Yayoro et Konaté Navigué, ainsi que les différents partis politiques, seront invités à ces concerts. Je voudrais qu’on me laisse rêver ma Côte d’Ivoire, celle qui m’a fait. Qu’on me laisse ma liberté, celle d’être moi. Je voudrais assumer pleinement mon rôle d’ambassadeur de la paix. Que les armes bouclent leur gueule!

Interview réalisée par Didier Depry ddepry@hotmail.com
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