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Économie Publié le samedi 6 mars 2010 | Nord-Sud

Impact des délestages sur les PME : Des imprimeries au bord du gouffre

La crise de l’électricité fait des vagues dans plusieurs secteurs d’activités dont les imprimeries. La situation prend des proportions inquiétantes à telle enseigne que certains patrons sont obligés d’instaurer le travail de nuit. Là encore, il faut souvent négocier avec les employés.

La crise de l’électricité qui frappe la Côte d’Ivoire, depuis un peu plus d’un mois, perturbe fortement l’activité de plusieurs secteurs d’activités. Si le programme d’interruption du courant, tel qu’annoncé par les autorités, devrait épargner la ville d’Abidjan, centre névralgique des activités économiques, la réalité est tout autre. C’est du moins ce que laissent entendre les opérateurs du secteur de l’imprimerie, gravement touchés et déstabilisés par les coupures récurrentes du courant. «On nous a fait croire que la capitale économique ne sera pas trop touchée par les délestages. Mais, ce n’est pas ce que nous constatons. Nous n’arrivons plus à travailler véritablement. Parce que le programme d’interruption du courant (de 8heures à 18h) n’est pas rigoureusement respecté », déplore M. T., propriétaire d’une imprimerie à Treichville. Selon lui, les coupures interviennent trois fois par semaine, au lieu de deux fois, comme le prévoit le programme. Conséquence : sa structure n’arrive plus à tourner à plein régime.

Résorber le retard, la nuit

«De plus en plus, nous demandons à nos employés de rester à la maison pendant la journée. Nous avons changé de programme en instaurant le travail de nuit. Mais là encore, il faut négocier avec les employés qui n’acceptent pas cela de gaieté de cœur. Nous vivons des moments pénibles», s’offusque le responsable de l’entreprise, le jeudi 4 mars. Avant d’ajouter qu’il est obligé de trouver un arrangement avec ses travailleurs pour qu’ils puissent accepter de travailler la nuit. «Nous sommes contraints de quémander le travail de nuit avec les ouvriers pour faire tourner nos machines. Vous direz que c’est extraordinaire, mais, c’est cela la réalité », soutient M.T. A l’en croire, seule l’administration de l’entreprise est en place le matin pour réceptionner les commandes et conduire la gestion. Cependant, les agents administratifs tournent bien souvent les pouces puisque le réseau téléphonique est parfois hors de service, à cause de l’absence du courant. «C’est comme si nous étions coupés du monde. Aujourd’hui, il est difficile de respecter les commandes. Nos activités connaissent une chute vertigineuse. Il faudrait étaler les effets de ce délestage, sur trois mois pour faire un bilan exhaustif des préjudices que nous avons subis », explique l’imprimeur. Pour lui, envisager le dégraissage comme mesure d’austérité n’est pas la solution. « Si la situation perdure, ce qui serait mieux pour nous, c’est de fermer l’entreprise, le temps que la situation se normalise. Car il est délicat d’opter pour le dégraissage pour des ouvriers qui travaillent à la chaîne. Si vous avez dix machines, elles ne jouent pas forcément le même rôle dans le processus de production. La solution, c’est de suspendre le travail ou opter pour la sous-traitance », prévient le patron de l’imprimerie. Coulibaly M., un autre opérateur du secteur, fait remarquer que dans sa zone, il a été privé de courant cette semaine de lundi à jeudi de 8h à 18h. Toute situation qui crée un tassement des activités. «On interrompt la distribution du courant n’importe comment. Donc, pour résorber le retard, nous avons demandé à nos employés, de venir au travail à partir de 18 h pour descendre à 5 h du matin », fustige-t-il. Pour lui, l’imprimerie fonctionne avec de grosses machines et il faut par conséquent des groupes électrogènes très puissants pour les faire fonctionner normalement. En clair, cela suppose de gros investissements financiers.

Des opérateurs inquiets

Justement l’un des gros imprimeurs de la place, le groupe Olympe a même adressé des courriers (le 22 février) à ses clients (en majorité des organes de presse), dans lesquels, il les invite «à déposer les films (pour l’impression des journaux) tous les soirs, au plus tard à 21 heures, jusqu’à la fin des délestages. Outre les imprimeries, le secteur informel (coiffure, couture,…) paie également un lourd tribut pendant cette période marquée malheureusement par des interruptions quasi-récurrentes du courant. Mme Koffi Antoinette, propriétaire d’un salon de coiffure à Cocody-Angré ne décolère pas.
«Nous sommes indignés par ces délestages qui risquent de nous appauvrir parce que nos activités dégringolent chaque jour. On ne travaille plus à cause de l’absence de courant. Quand nos clientes arrivent, elles se retournent ou elles vont plus loin pour se faire coiffer. C’est vraiment dommage », s’irrite la jeune dame, visiblement écœurée par cette situation. Elle est de plus en plus inquiète, dit-il, du fait de la baisse de recette, car les salaires de février de ses trois employées, sont hypothéqués. «La location de mon magasin me revient à 80.000 Fcfa. Or, depuis le début des délestages, je n’arrive pas à coiffer plus de cinq personnes par jour. La situation est plus inextricable du fait des coupures d’eau qui viennent se greffer. Le courant et l’eau sont essentiels pour notre activité. A la différence de certains secteurs, nous ne pouvons pas travailler toute la nuit pour rattraper le temps perdu», maugrée-t-elle. La jeune coiffeuse, critique par ailleurs, l’inertie des pouvoirs publics devant cette crise du courant électrique. «Nous pensons que nos autorités ont été négligentes par rapport à cette question. Car, nous suivions l’actualité depuis longtemps et les opérateurs du secteur ont maintes fois, interpellé l’Etat des dangers qui guettent le secteur, si rien n’est fait. Malheureusement, les autorités sont restées inactives », fait-elle remarquer. A Adjamé (forum des marchés), c’est quasiment la désolation chez les opérateurs du secteur informel. Kadi Doumbia, responsable de deux grands salons de coiffure jumelés, est à son deuxième groupe électrogène en l’espace de trois semaines. «On ne sait plus à quel saint se vouer maintenant. Le courant est devenu un produit rare dans notre commune. Pour m’adapter à cette situation, je viens d’acquérir mon deuxième groupe électrogène puisque le premier appareil est tombé en panne, il y a quelques jours», soutient-elle. Elle partage son espace avec des couturiers qui ne se font pas prier pour se mêler à la discussion. «Nous avons de grosses commandes que nous n’arrivons pas à terminer parce que les coupures de courant sont trop régulières ici. Je suis vraiment perturbé par cette situation. Des clients doivent convoler en justes noces au mois d’avril. Leurs proches ont commandé plusieurs tenues que je n’ai pas encore achevées», précise-t-il, apparemment affolé par le retard accusé. Il entend s’appuyer sur un de ses amis, installé à Treichville, pour honorer ses engagements. «Si d’ici le 15 mars, la situation ne change pas, je demanderai le soutien de mon ami. Car, les clients ont déjà réglé la moitié de la facture», poursuit le couturier. A l’image de ces opérateurs économiques, nombreux sont ceux qui sont au creux de la vague à cause de la grave instabilité du réseau électrique. Pour eux, il est plus qu’urgent de trouver une solution à cette crise de l’électricité, afin que les activités économiques déjà fragilisées par sept années de crise, ne tombent davantage dans le gouffre. Rappelons que les délestages ont débuté au début du mois de février à Abidjan et à l’intérieur du pays. La cause : une avarie sur le parc de production de la centrale thermique d’Azito qui provoque des difficultés d’approvisionnement. Une des turbines à gaz d’une capacité de 150 Méga Watts (MW) est en panne et sa réparation va durer quatre mois (février-mai). Depuis lors, le pays est confronté à un déficit d’électricité de 150 MW.

Cissé Cheick Ely
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