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Afrique Publié le jeudi 18 mars 2010 | Le Patriote

Politique Internationale - Le Togo après les années Eyadema

Le nouveau visage de l’Alternance
Le jeudi 4 mars dernier, les Togolais se sont rendus aux urnes, dans le cadre de l’élection présidentielle. La deuxième, de l’après Etienne Gnassingbé Eyadema, qui a régné sur cette ancienne colonie allemande, avant de tomber dans le giron francophone, pendant 38 ans d’un pouvoir sans partage. Après le scrutin du 24 avril 2005, qui a occasionné plus de 500 morts, avec les nombreux affrontements entre partisans du pouvoir et ceux de l’opposition, le Togo vivait la peur au ventre, cette nouvelle élection. La psychose était de mise chez les populations traumatisées par les douloureux évènements de 2005. Beaucoup, parmi elles, ont choisi de s’exiler au Bénin voisin, pour revenir après les tourments électoraux. Ceux qui n’avaient pas les moyens de quitter le Togo, ont eu l’ingénieuse idée d’inscrire ces mots sur leurs maisons : « Déjà frappés » ou encore «Maison à louer », pour dire que l’habitation n’est pas occupée. Deux tendances s’affrontaient à cette consultation. Le Rassemblement du Peuple Togolais, avec pour candidat le fils de « Papa Eyadema », Faure Essozimna Gnassingbé, qui représentait aux yeux de l’opinion nationale et internationale, la survivance de l’ordre ancien. En face, l’opposition, en rangs dispersés et bien souvent disparates, qui prônait le changement sans pouvoir présenter une candidature unique.

La non-candidature
de Gilchrist Olympio a plombé le changement

Sur la question, l’échec de la réunion de Paris entre les ténors de l’opposition que sont Jean-Pierre Fabre de l’Union des Forces du Changement, Agboyibo Yawovi et Agboyomé Kodjo Mensah Gabriel, en disait long sur la volonté réelle d’alternance.
Au terme donc du scrutin, le président sortant, Faure Gnassingbé s’est succédé à lui-même. Pour les cinq années à venir, il va diriger la République togolaise. Sur sa victoire, qui n’est pas acceptée par le candidat de l’UFC et député de Lomé, Jean Pierre-Fabre, on a dit beaucoup de choses. Notamment, les nombreuses candidatures au sein de l’opposition qui auraient donné un surcroît de chances au président sortant. Cet argument est bien discutable, dans la mesure où toutes les voies réunies des six adjuvants de l’opposition, à savoir Fabre, Agboyibo, Agboyomé, Adjamagbo Brigitte Kafui, Kagbara Bassavi et Nicolas Lawson (moins de 800.000) sont largement en dessous des 1.200.000 voix de Faure Gnassingbé. Pour sûr, les raisons de la débâcle de l’opposition sont à trouver ailleurs. De prime abord, pour la plupart d’entre eux, les adversaires de Faure, mis à part Jean-Pierre Fabre, sont des produits de la gouvernance Gnassingbé Eyadema. S’ils n’ont pas été Premier ministre comme Agboyibo Yawovi et Agboyomé Kodjo, ils ont été naguère des hommes du sérail comme Nicolas Lawson et Adjamago Brigitte Kafui. Comment des hommes qu’on a vu sous le règne de « Papa Eyadema », comme les Togolais nomment le troisième président de leur pays, peuvent-ils incarner « le changement » ou « la vraie solution » ? Certes, Jean Pierre-Fabre était un candidat de poigne, qui plus est, portait les couleurs de l’UFC, dont le leader charismatique n’est autre que Gilchrist Olympio. Cependant, il se susurre que sa candidature n’a pas eu l’aval de son mentor qui s’est senti floué par la démarche de son poulain qui a décidé de faire acte de candidature dès que Olympio a annoncé son incapacité à briguer la Magistrature Suprême. Avant le scrutin, il y a eu comme une véritable cacophonie au cœur de l’UFC. Toutes choses qui ont certainement dérouté leurs nombreux inconditionnels. En effet, Gilchrist Olympio n’a pas apporté un soutien assez ferme à Fabre. Dès son arrivée à Lomé, en provenance d’Accra, à quatre jours du scrutin, le premier fonctionnaire africain du FMI a plutôt vanté les mérites d’Agboyibo Yawovi, le leader du CAR, au détriment du candidat de son propre parti. Ce n’est que le mardi 2 mars, au cours d’un meeting au stade municipal de Lomé, qu’Olympio a tenté de réparer cet impair. Tout le monde avait déjà compris que le ver était dans le fruit de la cohésion de l’UFC. A dire vrai, c’est la non candidature de Gilchrist Olympio qui a véritablement plombé le désir de changement des Togolais. L’homme qui avait remporté la présidentielle de 1998 devant Gnassingbé Eyadema, avant d’être spolié de sa victoire, était fortement attendu par son peuple. S’il n’a pu être candidat en 2005, la majorité de ses compatriotes espéraient le voir compétir cette année. Pour eux, il était la seule et unique possibilité de rupture d’avec l’ordre ancien. Malheureusement, pour des raisons de santé et de non présence au Togo, Gilchrist a encore raté ce rendez-vous avec son peuple et avec l’Histoire. A 74 ans révolus, il en aura certainement 79 ans après le second mandat de Faure Essozimna Gnassingbé, la messe semble dite. Autant affirmer que le vin est tiré sur une possibilité d’accession à la Magistrature Suprême. Ce qui laisse transparaître beaucoup d’amertume et de regrets chez ses inconditionnels du quartier Bè de Lomé et en général pour la majorité des Togolais, qui espéraient voir le troisième fils terminer l’œuvre inachevée du père Sylvanus Olympio.

Faure Gnassingbé :
La rupture qui a fait
la différence

Pour l’opinion togolaise, le premier vecteur de la victoire du fils d’Etienne Gnassingbé Eyadema, est la non- candidature du leader charismatique de l’Union des Forces du Changement (UFC). En ne briguant pas le sommet du pouvoir, Gilchrist Olympio a ouvert un boulevard au leader du RPT. S’il a montré un soutien d’abord pour Me Agbiyibo, ensuite pour son poulain, Fabre, celui-ci n’était pas assez fort pour changer la donne, étant entendu que le charisme ne se transmet pas par héritage. Cependant, il convient d’ajouter que nombre d’atouts ont milité pour le succès du président sortant. Dans un Togo déchiré par les clivages ethniques, Faure Gnassingbé était perçu par bien des électeurs comme l’homme de la jonction, de la réconciliation entre les filles et fils du pays. Point d’ancrage entre le Nord par son père et le sud par sa mère, Faure était visiblement l’homme de l’assurance et de la confiance. Il y a aussi la rupture qu’il a opérée d’avec son père, Gnassingbé Eyadema. Il n’est pas un adepte du culte de la personnalité. On le voit rarement à la télévision. Il n’envahit pas comme certains Chefs d’Etat, le quotidien de ses compatriotes. Avec un courage extraordinaire, Faure a reconnu les dérives du régime de son père et lance régulièrement des messages à la cohésion nationale. Dans cette dynamique de réconciliation, il a décrété le 13 janvier 1967, date de l’assassinat du président Sylvanus Olympio, fête nationale. Mieux, il a ordonné le rapatriement des restes de cette illustre icône nationale. Même si cela n’est pas encore effectif, l’annonce a ému les populations.
Assurément, les grands acquis qui ont valu à Faure Essozimna Gnassingbé, le suffrage de 61% de ses concitoyens, restent sans nul doute, les grandes réformes entreprises. Au plan économique, il a fait tripler pratiquement le budget de son pays qui est maintenant à plus de 500 milliards. A son actif aussi, les grandes activités qui ont cours au port de Lomé, devenu très compétitif dans la sous-région. Au niveau social, pour le bien-être de son peuple, de grands travaux routiers sont en finition à Lomé et dans certaines villes de l’intérieur. Le citoyen lambda parle à profusion des 6000 jeunes qu’il a engagés récemment à la Fonction publique. Sans oublier, les structures de micro-finance institués pour faire des prêts à moyen et long terme à la jeunesse. Par ailleurs, les Togolais, notamment les jeunes qui constituent plus de 60% de la population, tombent d’admiration devant ce jeune président aux allures de jeune premier, qui affectionne les costumes « près du corps » et les souliers « pointinini ». En définitive donc, la présidentielle du jeudi 4 mars dernier a adoubé le président Faure Gnassingbé, pour les cinq années à venir. Sa réélection consacre le choix de la jeunesse au détriment de la vieille classe politique. Elle ferme davantage une parenthèse, sonne la fin d’un cycle politique qui durait depuis les années Etienne Gnassingbé Eyadema.
Bakary Nimaga (Envoyé spécial à Lomé
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