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Politique Publié le samedi 20 mars 2010 | Nord-Sud

Dr N’Goran Gérard (Directeur exécutif du Pstcy) : “Nous cherchons 5 milliards pour déplacer et réinstaller les populations”

Dr N'Goran Gérard, directeur exécutif du Programme spécial du transfert de la capitale à Yamoussoukro (Pstcy) évoque les difficultés qui menacent de ralentissement de ce projet d'envergure, créé en octobre 2002. L'Etat devrait indemniser les propriétaires terriens, freiner les velléités politiques et mercantiles, et mettre fin aux litiges fonciers.

Monsieur le directeur exécutif, quelles sont les missions du Programme spécial de transfert de la capitale à Yamoussoukro et comment se traduisent-elles sur le terrain ?
Pour l'essentiel de nos missions, nous devons appuyer le mécanisme de clarification et de sécurisation foncière du district de Yamoussoukro, assurer la viabilisation des zones de construction des bâtiments des institutions et des ministères, appuyer les opérateurs économiques privés en vue d'investir dans les opérations induites par le transfert de la capitale, concourir à l'intégration économique des populations locales dans les activités induites par le transfert. Nous devons également contribuer à la mobilisation des ressources nécessaires à la mise en œuvre des activités induites par le transfert de la capitale, créer la synergie entre les différents acteurs impliqués dans le programme. Le Programme se traduit par la réalisation de projets programmés et planifiés consistant dans l'aménagement des espaces, la construction d'ouvrages, le déplacement des populations, la purge des droits coutumiers après délimitation et le morcellement des terroirs villageois… Nous avons entrepris l'opération technique de délimitation du périmètre d'urbanisation avec la collaboration du Bnetd/Cct (Bureau national d'études techniques et de développement / Centre de cartographie et de télédétection, ndlr). Tout terroir en Côte d'Ivoire appartient à une communauté donnée. Mais, relativement à Yamoussoukro, son érection en capitale politique et administrative et, conséquemment, la déclaration de son périmètre d'utilité publique par décret le 19 mars 1997, a rendu impérative la purge des droits coutumiers sur ledit périmètre. Et, éventuellement, dans la mesure où des populations détiennent des titres de propriété au sens moderne du terme, de procéder à leur indemnisation. Si pour les propriétaires au sens moderne du terme, notamment les détenteurs de titres de propriété, l'indemnisation est aisée parce que la consistance et l'étendue de ces titres sont connues, en revanche, les droits coutumiers posent problème. Car, parfois la détention des terres est problématique ainsi que les limites exactes assignées à chaque terroir. Il fallait procéder immédiatement à une délimitation et à un morcellement de ces terroirs pour préciser les droits des diverses communautés sur les différents terroirs. Mieux, déterminer les lignages et les personnes détentrices de ces droits, à l'intérieur desdites communautés.

Cette opération est prévue en 2 phases ; la première concerne la commune et la seconde le département. Nous sommes à la fin de la première phase ayant porté sur vingt-six villages dans le périmètre d'urbanisation. Les délimitations ont été faites pour vingt-deux villages. Cela signifie qu'il existe, encore quelques poches de résistance précisément quatre. Mais nous comptons les vider par le dialogue et ainsi boucler toute l'opération pour la première phase. Nous pourrons entamer alors la deuxième phase relative aux villages de la sous-préfecture.

Que prévoit la politique d'intégration, pour les villageois expropriés?
Pour les besoins de la construction de la capitale, il faut appliquer le Plan d'urbanisme directeur et exécuter les projets de développement. Ceci ne va pas, à raison parfois, sans grincements de dents du côté de certaines communautés. D'autant qu'elles peuvent être installées sur les zones prioritaires d'implantation des projets de l'Etat liés au transfert, notamment la Zone administrative et politique (Zap). C'est le cas des communautés de Kpangbassou et de Bézrô. Pour réaliser les bâtiments devant abriter les Institutions, présidence de la République, Assemblée nationale, sénat, ministères…etc., Il faut déplacer ces populations. Mais comme nous le disons souvent, ces populations étant installées sur ce site depuis des décennies, il y a lieu de prendre des précautions pour les faire partir. Et, quand bien même leur départ serait acquis, leur point de chute devrait être à la mesure de ce qu'elles attendent. C'est pour cela que nous avons conçu avec le Bnetd, un plan de déplacement et de réinstallation des populations pour organiser rationnellement ce départ en tenant compte de tous les paramètres. Ce plan se chiffre à environ cinq milliards de Fcfa. Nous recherchons activement les moyens de l'exécuter.

Il semble qu'à ce jour ni indemnisation, ni purge des droits coutumiers ne sont faites?
La purge des droits coutumiers est arrimée à la déclaration d'utilité publique, laquelle signifie, en expression imagée, que l'Etat pose sa main sur un espace donné parce qu'il entend y réaliser un projet précis. En ce qui concerne Yamoussoukro, c'est une superficie d'urbanisation de vingt sept mille sept cent cinquante hectares qui est objet de déclaration d'utilité publique. Ce qui veut dire que tout le périmètre d'urbanisation est en principe gelé au moment où nous vous parlons. C'est le décret N° 97-177 du 19 mars 1997 qui déclare d'utilité publique le périmètre d'urbanisation de la ville de Yamoussoukro. Il en résulte que toute transaction, construction nouvelle…ou tous travaux tendant à l'aménagement du sol sont interdits sur l'espace déclaré d'utilité publique, en dehors des projets de l'Etat central pour les besoins du transfert de la capitale. A moins, et le décret le stipule en son article 3, d'une dérogation accordée par le ministère chargé de la Construction et de l'urbanisme. Le corollaire de cette déclaration d'utilité publique est que les biens ainsi frappés font retour au domaine de l'Etat. Aux populations qui perdent ainsi leurs biens, il faut trouver une juste compensation. Mais pour dire les choses telles qu'elles sont, depuis 1997, année de la déclaration d'utilité publique, aucune purge n'a été faite, ni indemnité payée.

Pourquoi ?
De nombreux concours de circonstances défavorables ont prévalu. En épluchant les différents budgets annuels trouvés sur place, nous avons vu qu'en 2005 et 2006, le Pstcy a obtenu deux dotations cumulées de cent soixante cinq millions de Fcfa destinés aux opérations de purges, qui auraient pu servir à purger effectivement les droits sur l'espace d'implantation de l'Hôtel des députés. Malheureusement, les lourdeurs de mise en œuvre de la procédure de purge des droits en ont compromis la réalisation et les crédits n'ont pu être utilisés à temps. Ils ont donc été perdus. Ce n'est pas la faute au Pstcy si les purges n'ont pas été faites. En tout état de cause, nous nous battons aujourd'hui pour de nouveaux crédits en espérant que les procédures seront suffisamment allégées (nous avons fait des propositions) pour permettre leur utilisation. Cela pourrait soulager les populations et les remplir d'un espoir qui est aussi facteur d'adhésion au projet d'urbanisation de Yamoussoukro.

L'Etat doit donc encore de l'argent aux propriétaires terriens de l'espace qui abrite l'Hôtel des députés.
Oui, ce n'est un secret pour personne, l'Etat doit dans l'immédiat cent soixante deux millions de Fcfa pour l'espace d'implantation de l'Hôtel des députés. Par ailleurs, l'Etat de Côte d'Ivoire doit encore beaucoup d'argent au regard de l'étendue du périmètre d'urbanisation de 27.750 ha. Nous pensons que la somme est énorme. Mais rassurez-vous, nous avons des solutions alternatives.



Qu'est-ce qui coince véritablement dans l'évolution de la procédure de purge ?
Il existe une Commission des purges dont nous sommes membre sans influence particulière. Or, les questions de purge sont au centre des activités du Programme. Il faudrait que notre rôle au sein de cette commission soit revu dans le sens d'influencer positivement les opérations. Puisque l'Etat nous fait suffisamment confiance pour nous allouer le budget destiné aux purges, il serait judicieux de nous octroyer un rôle de nature à booster le processus. Par ailleurs, la non signature du projet d'arrêté d'indemnisation soumis aux autorités ministérielles depuis 2008 est un autre élément qui fait coincer la procédure, quand on sait que l'utilisation des ressources affectées à la purge en dépend.

Selon certains, la déclaration d'utilité publique ne couvrirait pas Guiglo, la plantation du président Félix Houphouët-Boigny ; qu'en est-il exactement ?
Nous n'entrons pas dans le détail, parce que le diable y est, dit-on. Ce que nous savons, c'est que la plantation dénommée Guiglo est sur le périmètre d'urbanisation déclarée d'utilité publique. Cela nous suffit pour en tirer toutes les conséquences qui en découlent. Mieux, cet espace est inclus dans un de nos projets de Plan de détails en cours d'approbation. C'est dire que l'Etat de Côte d'Ivoire décide de ce qu'il entend faire de cette plantation, sous réserve d'indemnisation des ayants-droit, au cas où la preuve est formellement établie que le président Houphouët n'aurait pas cédé cette propriété à l'Etat. L'Etat, en exécutant le Plan d'urbanisme de détail décidera de son exploitation et de sa gestion. Aujourd'hui, nous disposons de projets de plans de détail qui organisent et proposent un aménagement dont deux concernent Guiglo, sur les six qui avaient été initiés par le district autonome de l'époque. Et, pour être dans le sens de la marche vers la modernisation et le développement que le district autonome avait imprimée à Yamoussoukro, nous avons simplement décidé avec le concours de tous de faire approuver ces projets.
Pour notre part, nous préconisons que tous les acteurs créent la synergie, en s'associant à l'effort de l'Etat central nécessaire à l'aboutissement de cette œuvre commune. Parce que ce n'est pas par des actions dispersées, parfois aux limites de l'antagonisme, que nous réaliserons une capitale cohérente. Toute la Côte d'Ivoire nous regarde, avec une implication particulière de son président dans le transfert. Cessons donc les querelles et donnons-lui la capitale dont elle rêve.

Des velléités politiques feraient-elles obstacle à la réalisation du Pstcy ?
Dans ce cas, ces velléités ne seraient pas républicaines. Au nom de la politique personne ne peut faire obstacle à l'exécution d'un plan décidé par l'Etat. Le président Laurent Gbagbo a lui-même, nonobstant sa qualité de détenteur exclusif du pouvoir exécutif, simplement décidé de poursuivre l'œuvre de Félix Houphouet-Boigny dans le moule du Plan d'urbanisme directeur de Yamoussoukro. Il ne s'en cache pas. Il a même dit qu'il poursuivra l'œuvre entamée par son illustre prédécesseur et fera en sorte que tous ceux qui viendront après lui, continuent.
Personne ne peut sous le couvert de ses activités politiques, modifier quoique ce soit. Nous sommes très vigilants. Bien au contraire, nous encourageons tous ceux qui réclament la sympathie ou quelques faveurs des Ivoiriens, à emprunter la voie du Président Félix Houphouet-Boigny et celle de Laurent Gbagbo.


Il y a donc des obstacles au transfert de la capitale…
Nous ne croyons pas, du moins du point de vue politique. De l'autre côté, nous estimons que nous sommes en présence de textes que nous devons appliquer et nous veillons à ce que le politique ne dévie pas nos actes de leur destination objective. Nous sommes vigilant parce que nous ne voulons pas que l'histoire retienne qu'un juriste est passé à la tête du Programme et qu'il n'a pas daigné appliquer les textes qui organisent l'occupation de l'espace, le transfert des institutions bref, l'exécution cohérente du Programme. Nous sommes profondément convaincu qu'en portant son choix sur notre humble personne pour diriger le Pstcy le président Laurent Gbagbo n'attend pas que nous venions faire de la complaisance pour contenter X ou Y à cause de nos liens familiaux ou amicaux, au détriment de la construction de l'œuvre éternelle dont rêvent tous les Ivoiriens. Donc, j'applique les textes qui sont prévus pour le transfert de la capitale à Yamoussoukro. Si ceux-ci présentent des lacunes, nous faisons des propositions pour les améliorer dans le sens de la bonne exécution du Programme.

Quels sont vos projets ?
En matière de sécurisation du foncier, nous venons d'achever la première phase de l'opération de délimitation et de morcellement des terroirs et nous engageons la deuxième phase qui couvre la sous-préfecture. La convention avec notre structure d'appui technique le Bnetd/Cct, est signée et le démarrage des travaux est pour bientôt. Mais comme en marge de ces avancées, nous sommes régulièrement confrontés à de nombreux litiges fonciers dont nous pensons que les causes résident dans l'ignorance de la déclaration d'utilité publique et ces incidences qui frappent le périmètre d'urbanisation : expropriations mal négociées, déclassements irréguliers d'espaces, lotissements non approuvés, occupations sans titres développant des quartiers précaires, etc.…, nous avons élaboré un document qui expose notre entendement de la déclaration d'utilité publique, support juridique de nos missions. Nous l'avons soumis aux différents acteurs du transfert : district, commune, ministères… Et nous attendons leurs observations, pour qu'in fine nous ayons la même compréhension de cette mesure et de ses incidences au plan de l'aménagement de l'espace, et que nous l'appliquions tous sans équivoque. Si tous les esprits sont suffisamment imprégnés de cette réalité, nous pensons que cela contribuerait à réduire les tensions sur le terrain.
Dans la même logique, nous nous sommes engagés dans l'approbation des Plans d'urbanisme de détail existant et dans l'élaboration de ceux qui restent pour couvrir entièrement le périmètre d'urbanisation. Ce qui nous permettrait de contrôler la régularité et la cohérence des lotissements, les implantations et les aménagements.
Nous entendons constituer une base de données foncières, fiables, en relation avec toutes les administrations concernées. Figurez-vous que notre capitale administrative et politique ne dispose d'aucune base de données foncières.
Pour ce qui concerne les travaux d'assainissement, le Pstcy a fait démarrer l'actualisation du Schéma, directeur d'assainissement par le Bnetd, préalablement aux travaux y afférents et entrepris des contacts très avancés avec des opérateurs économiques suédois pour la construction d'un réseau d'assainissement moderne et fiable y compris la réhabilitation des stations d'épuration existantes et la dépollution des lacs.
Relativement à la viabilisation de la Zap, le Pstcy est en attente de l'approbation du marché conclu à cet effet en vue du démarrage des études et travaux consécutifs.

De quel moyen dispose le Pstcy pour réaliser la capitale politique et administrative ?
Nous disposons de moyens humains, de l'appui technique du Bnetd, mais au plan financier, nous ne sommes pas des nantis. Concrètement, nous n'avons pas d'argent ; il faut le comprendre vu les difficultés que traverse notre pays. Pour le moment, nous essayons de faire avec le budget à nous octroyé. Toutefois, ce programme est ambitieux et il lui faut des moyens à la mesure de ses ambitions. Nous avons fait des propositions, en nous inspirant d'exemples d'ailleurs où l'Etat a voulu se donner une Capitale digne de ce nom. Nous sommes donc convaincus que lorsque les finances de l'Etat s'amélioreront, le Pstcy en profitera. Parce que ce Programme est une priorité pour le président de la République et pour tous les Ivoiriens, il faut se donner les moyens de le réaliser.

Interview réalisée par Bidi Ignace
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