x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le vendredi 30 avril 2010 | Nord-Sud

Spécial fête du travail : 50 ans de syndicalisme en Côte d’Ivoire / Soro Mamadou (SG du Synesci) : “Pour de meilleurs salaires, des fonctionnaires ivoiriens sont devenus étrangers”

© Nord-Sud Par Serge T
Communication - Le site de la Ligue ivoirienne des secrétaires, désormais sur la toile
Jeudi 8 avril 2010. Abidjan. Hôtel Pullman, Plateau.
Premier secrétaire général adjoint de la Fédération des syndicats autonomes de Côte d’Ivoire (Fesaci), il est pressenti pour remplacer, ce 1er mai, le secrétaire général, Traoré Dohia, appelé à d’autres fonctions. En attendant, Soro Mamadou a préféré s’exprimer dans le cadre de ce dossier au nom du Syndicat national des enseignants du second degré de Côte d’Ivoire(Synesci) dont il est le sécrétaire général.


Comment est né le syndicalisme en Côte d’Ivoire ?
Avant la naissance du Syndicat agricole africain, il y avait des syndicats clandestins. Mais, il faut saluer le rôle de puriste que le parti communisme a joué dans la naissance des syndicats en Afrique, à la création de beaucoup de syndicats, pour les revendications sociales, pour l’indépendance.

Comment s’est fait cette influence ?
Vous savez, les partis communistes ont ceci d’assez agréable, c’est qu’ils soutiennent toutes les masses laborieuses dans leur lutte pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Et, en la matière, ils ont démontré que les meilleurs outils de combat véritables pour arracher les victoires au patronat, ce sont les syndicats. Ils aident à la formation, et par des technique structurelles, à ce que les embryons soient mis sur pied et plus tard à lutter pour qu’ils soient officialisés. Ils l’ont fait avec Houphouet-Boigny. C’est pour cela que Houphouet-Boigny dira plus tard qu’il faut faire le désapparentement avec les partis communistes. Parce que ces partis communistes ont réussi clandestinement à mettre en place les embryons des différents syndicats. Mais, il faut le saluer parce qu’il a réussi à fédérer tous ces embryons.

Le syndicat agricole était le premier véritable syndicat.
C’est un syndicat qui a lutté tant pour les travailleurs de Côte d’Ivoire que pour l’indépendance. C’est le premier syndicat qui est né et qui avait un caractère national. Il a permis de former les uns et les autres.

Comment est-on arrivé aux syndicats suivants ?
Le syndicalisme a évolué dès l’instant où Houphouet va annoncer le désapparentement avec le parti communiste. Il est clair qu’il y a deux idéologies dans le monde : l’idéologie de communisme et l’idéologie de capitalisme. Dès l’instant où Houphouet demande le désapparentement, c’est la rupture avec le socialisme et désormais, il a choisi le libéralisme. A partir de là, c’est une nouvelle période. Et le syndicat agricole africain va aboutir à la création du Pdci-Rda. Entre-temps, certains vont essayer de créer un certain nombre de syndicats. Cela fait qu’au moment de l’indépendance, il y avait trois centrales syndicales. Dont une proche du Pdci-Rda. Après l’indépendance, le régime a dissous les centrales syndicales. En 1964 Houphouet-Boigny a créé alors l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire qui était une structure spécialisée du Pdci-Rda. C’était un syndicat de participation.

Quel sens pouvait-on donner au syndicalisme de ce temps ?
Que ce soit hier, au moment des indépendances, ou aujourd’hui, il y a plusieurs ramifications dans le syndicalisme. On peut les regrouper en quatre. La première, ce sont les syndicats de participation. Dans notre pays, on parle de participation responsable ; aujourd’hui on parle syndicalisme de résultat. Mais, c’est la même nature. Ce sont les syndicalistes qui sont là pour aider l’employeur, au privé, et l’Etat au public pour pouvoir faire passer ses mots d’ordre. Mais, jamais ils ne feront de pression quelconque pour amener l’employeur à céder un certains nombre d’avantages. Tout peut être fait, pourvu que ce soit dans la négociation. La deuxième catégorie, ce sont les syndicats qui font plus ou moins peu de revendications. Ils se disent : je ne dois me concentrer que sur ceux qui sont militants, mais sur tous ceux qui ont les mêmes droits que moi. (…). Il y a le syndicalisme qui dépasse tout ce qui est libertés individuelles et collectives. Ce sont les syndicats réformistes. Ils se battent aussi bien pour leur corporation, que pour tous les citoyens afin qu’ils aient des droits qui leur permettent de vivre en égalité. La quatrième catégorie, ce sont les syndicats évolutionnistes. Ils ont démontré que tout syndicat, quand tu accules le patron, qu’il est en position de faiblesse, il cède, mais, comme l’employeur va travailler à affaiblir le syndicat, quand il découvre que tu es devenu faible, il prend ce qu’il a donné. Pour le Synesci, nous avons vécu cela en 1976, nous avons fait pression sur l’Etat pour l’amélioration de nos salaires avec le décret 76/22. Mais, en 1987 il y a eu un putsch organisé par l’Etat qui a enlevé Akoun Laurent et mis Darius qui a changé la ligne. Mais, en 1991, quand on a voulu arracher la ligne, il y a eu deux fragments. Un fragment pro-Etat, un fragment pour l’indépendance. L’Etat a vu qu’on était diminué et qu’il pouvait frapper. Il a pris les décrets 91/817, 91/818, portant réduction de 51% du salaire des enseignants, nous ramenant à la situation d’avant 1965. Le syndicat n’a pas pu répondre à cela, parce qu’on était affaiblis. Il a fallu attendre 5 ans après pour se reconstituer pour qu’en 1996, la lutte puisse reprendre.
Ce que je veux dire, c’est que selon cette catégorie au-delà de nos luttes sociales et des revendications, il faut porter plus loin cette question, parce que si elle n’est pas revenue au niveau de l’Etat, la question des travailleurs sera toujours une question cruciale. On aura à tout moment des mouvements sociaux. C’est pourquoi tout en luttant pour améliorer nos revendications sociales, il faut lutter pour le changement de régime. L’exemple qu’on pouvait donner, c’est celui de la Fédération de Solidarité en Pologne qui, pendant la lutte, avait subi assez de répression, et qui, finalement, avait donné l’assaut pour prendre le pouvoir. Voici les quatre grandes variantes.

On a assisté plus tard à la naissance de syndicats qui tenaient un discours autre que celui de l’Ugtci. Que reprochaient-ils à cette centrale ?
Ce que nous pouvons dire, c’est qu’en 1964, quand l’Ugtci a été créée, de 1963 à 1964, il y a eu des prisonniers, qui ont été libérés en 1966. C’étaient les Djéni Kobena et autres. Et, quand ils ont été libérés, ils ont embrassé la carrière d’enseignant. Ils étaient habités par un souci de liberté d’opinion. C’est ainsi que Djeni a eu l’idée de créer un syndicat autonome indépendant qui pouvait revendiquer. Et c’est ainsi qu’une grande partie de ces prisonniers de 1963 ont lancé les jalons d’aller à la création d’un syndicat indépendant qui est le Synesci. Ce qu’ils ont fait le 5 juillet 1970. Effectivement, après la création de ce syndicat, ils ont été sommés de s’affilier à l’Ugtci, ce que le premier secrétaire général fondateur Djeni Kobena a refusé. Six mois après, en février 1971, il a été arrêté. Sept ans plus tard, ils ont créé le Synares, en 1975. Il faut dire, qu’il y avait le principe de la libre opinion.

Le Synesci a-t-il été le premier syndicat de l’enseignement ?
Il y a eu d’abord le Syndicat national de l’enseignement primaire public de Côte d’Ivoire (Sneppci), créé en 1964. Mais, comme ils avaient accepté l’affiliation à l’Ugtci, et qu’en interne les mécanismes qu’ils ont mis en place ne permettaient pas aussi facilement de lever le verrou, naturellement, devant les changements, ils ont pensé qu’il était bon de s’affirmer et de prendre rendez-vous avec l’histoire.

On constate que la lutte se faisait plus pour des principes idéologiques que pour des revendications corporatistes.
A côté des raisons de liberté d’opinion, d’exigence de la démocratie, il y avait des raisons objectives au niveau des enseignants du second degré. A cette époque, l’enseignant certifié touchait 85 mille francs, mais les expatriés, qu’ils soient Béninois, Togolais ou Français, touchaient plus de 500.000 Fcfa, pour un même diplôme. Déjà là, il y avait une injustice interne. À cette époque, il n’y avait aucun cadre ivoirien qui gérait l’administration scolaire. Imaginez-vous que des Ivoiriens préféraient aller enseigner pendant deux ans au Bénin, acquérir la nationalité béninoise et revenir en Côte d’Ivoire pour se faire embaucher comme Béninois afin de bénéficier du salaire des expatriés. Les Ivoiriens se reniaient. Au bout de cinq ans, jusqu’en 1980, on a commencé à avoir des cadres Ivoiriens dans l’administration scolaire. Après la naissance du syndicat, il y a eu des résultats. Il y a eu cette grille indiciaire nouvelle que nous avons obtenue cinq ans plus tard, la loi de la réforme que nous avons arrachée en 1977, etc. Même en 1983, nous avons eu des indemnités de logement, grâce au syndicat.

A la fin des années 1980, le Synesci s’est rétrouvé sur le terrain en posant des revendications qui s’apparentaient en son temps à celles de l’actuel parti au pouvoir. Ce qui a fait dire à certains observateurs que ce syndicat et d’autres du secteur de l’éducation étaient des outils politiques du Fpi. Qu’en est-il?
C’est ce qu’on pense mais c’est faux. Djéni Kobena, au moment où il créait le Synesci était membre du bureau politique du Pdci-Rda, mais il a refusé d’affilier le Synesci à l’Ugtci. Au soir de sa vie, il n’était pas au Fpi, il était au Rassemblement des républicains (Rdr). Quand on l’a arrêté en 1976, c’est Mme Angèle Gnonsoa qui a assuré l’intérim. Elle était au Parti ivoirien des travailleurs (Pit). Peut-être que vous allez me dire que Akoun Laurent est au Fip, et que Kakou Darius est aujourd’hui au Fip, Tapé Kipré également. En donnant ces exemples, cela peut vous donner l’impression que quand on fait le syndicalisme, c’est pour aller dans un parti politique après. Je vous dis que tout individu, fût-il militant d’un syndicat ou pas, étant donné qu’il a un cerveau, par rapport à la situation politique, il n’est pas neutre. S’il vous le dit, c’est faux. C’est qu’il est hypocrite, parce que le jour où on lui dit va voter, il ira voter quelqu’un. Tout individu a une position politique, mais, quand tu es dans des positions comme la position du secrétaire général du Synesci, tu dois avoir le droit de réserve.

Interview réalisée par Cissé Sindou et Raphaël Tanoh
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ