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Politique Publié le samedi 29 mai 2010 | Le Patriote

Interview / Yao Kouadio Séraphin (Pdt de la JUDPCI) : “La parole de Gbagbo n’a aucune valeur”

© Le Patriote Par Prisca
Relance du processus de sortie de crise : Gbagbo a rencontré Bédié
Lundi 10 mai 2010. Abidjan, Cocody. Résidence du Président Henri Konan Bédié. Le Président du PDCI-RDA reçoit le chef de l`état dans le cadre de la relance du processus de sortie de crise. Photo: le Premier ministre Guillaume Soro faisant le compte-rendu à la presse
La Jeunesse de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire, (JUDPCI), a organisé le mercredi 26 mai dernier, une Assemblée générale au siège de l’UDPCI à Cocody II Plateaux, pour se prononcer sur la situation socio politique. En marge de cette rencontre avec sa base, nous avons rencontré Yao Kouadio Séraphin. Dans cette interview réalisée avant les assemblées de la BAD, le jeune leader de la JUDPCI dit ses quatre vérités à Gbagbo. Dans un langage franc, il dénonce la gestion approximative du chef de l’Etat et exhorte les leaders du RHDP à ne pas prendre pour argent comptant, ses promesses. Pourquoi? Pour lui, «la parole de Gbagbo n’a aucune valeur»

Le Patriote: Vous avez tenu mercredi dernier ( 26 mai) une Assemblée générale de votre structure sur la situation socio politique. Quelles ont été les grandes décisions de cette AG?
Yao Kouadio Séraphin: Depuis le report de la marche (des jeunes du RHDP qui devait avoir lieu le 15 mai dernier, NDLR), nous avons décidé de ne pas nous exprimer. Parce que le président du Parti et le secrétaire général se sont déjà prononcés sur la question. Nous avons été sérieusement perturbés par le report de la marche parce que nous y avions fondé tout notre espoir. Nous avons travaillé nuit et jour pour y arriver. Quand elle a été suspendue, nous n’avions pas les mots pour justifier ce report à la base. Et comme il est de coutume que celui qui n’a rien à dire, se tait, nous nous sommes tus. Parce que moi-même, je n’étais pas convaincu par les arguments. Je profite de cette occasion pour présenter tous nos regrets et nos sincères excuses à toute la population ivoirienne qui ne voulait marcher que pour réclamer une date des élections. Nous avons donc organisé cette Assemblée générale pour remobiliser nos militants et leur dire que ce n’est que partie remise. La Côte d’Ivoire n’est pas sur la voie du développement. Tous les indicateurs sont au rouge. Et c’est une petite clique qui entraîne le pays dans cette situation difficile. Aujourd’hui, nous devons nous mobiliser pour faire en sorte de mener des actions concrètes pour nous permettre d’atteindre nos objectifs. Car nous sommes convaincus qu’avec Laurent Gbagbo, il n’y a que ça qui puisse marcher. Toute autre lecture serait fausse. Gbagbo n’ira aux élections que lorsqu’il sentira une forte mobilisation des populations qui voudront les lui arracher. C’est la seule voie. C’est la seule alternative qui nous reste. Et nous serons obligés de mener ce combat, tôt ou tard.

LP: Votre marche était-elle oui ou non insurrectionnelle ?
YKS: Je vais vous décevoir. Je ne voudrais pas revenir sur les raisons du report de cette marche. L’opinion nationale et internationale a constaté qu’au niveau de nos différents leaders, les incompréhensions ont été aplanies. A partir de ce moment-là, nous devons nous inscrire dans cette logique qui consiste à renforcer la cohésion au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Donc permettez que je ne fasse pas d’analyses particulières sur les propos de tout autre leader du RHDP. Parce que l’intérêt que nous avons c’est d’avoir une alliance forte, qui travaille dans le sens de la conquête du pouvoir d’Etat.

LP: La cohésion a été en tout cas, retrouvée. Les quatre leaders se sont retrouvés mardi dernier au domicile du président Bédié. Quels commentaires faites-vous de la déclaration qui a sanctionné cette rencontre?
YKS: Je ne peux que féliciter nos quatre leaders d’avoir su surmonter les difficultés pour se retrouver. On peut dire que ce sont les annexes de la plate-forme des houphouétistes qui seront travaillés, par la mise en place de deux comissions. L’une sera chargée d’élaborer les textes du futur parti houphouétiste et l ‘autre va travailler sur le programme de gouvernement. Cela est vraiment extraordinaire. C’est ce que nous avons toujours voulu et souhaité. C’est dans cette perspective que le RHDP sera une structure forte qui va permettre à la Côte d’Ivoire de retrouver sa stabilité parce que c’est l’union qui fait la force. Et c’est cette union qui va mettre hors d’état de nuire, Laurent Gbagbo. Si nos leaders ne l’avaient pas fait, ce serait grave. Ils ont compris que l’adversaire commun, c’est Laurent Gbagbo et non les querelles internes. Si cela est compris, tout le reste n’est que pur détail.

LP: Il n’empêche, les militants reprochent au RHDP, son manque de stratégie. Leurs préoccupations sont-elles fondées?
YKS: Comme toute organisation du même genre, nous sommes à l’école de la pratique. Le fait que ce soit quatre grandes formations politiques qui sont ensemble entraîne nécessairement des lourdeurs dans le fonctionnement. Mais, ce sont des choses que nous allons corriger. Cela ne peut se faire d’un seul coup. Ce sont des questions structurelles. Les intelligences sont là. Nous allons trouver les moyens adéquats pour faire en sorte d’atteindre nos objectifs. Car, nous avons les ressources qu’il faut pour contrecarrer le camp présidentiel. Il s’agit de plusieurs partis, donc, les décisions qui se prennent, doivent par exemple avoir l’assentiment de tous. C’est cela aussi la démocratie. Or si le parti est unifié et que des textes qui le régissent sont disponibles, les choses vont aller comme sur des roulettes. Je vous donne un exemple. Si le parti était unifié, le problème de communication qui a été relevé et qui a entraîné le report de notre marche, ne se serait pas posé. Nos leaders nous auraient donné l’orientation nécessaire pour faire ce qu’il faut.

LP: Le communiqué final de la conférence des présidents du RHDP qui s’est tenu au domicile du président Bédié a exigé la publication de la liste électorale définitive, dans la première quinzaine du mois de juin. Et la fixation du premier tour de la présidentielle le 15 juillet. Pensez-vous qu’après la tenue des Assemblées annuelles de la BAD, Laurent Gbagbo puisse donner une réponse favorable à votre requête?
KYS: En toute sincérité et en ce qui me concerne, je ne crois plus aux promesses de Gbagbo Aujourd’hui, il fait exprès de ne pas parler. Mais c’est tout simplement parce qu’il tient quelque chose. Il est en train d’organiser les Assemblés annuelles de la BAD. Donc il joue au mort. Mais à partir du 1er juin, il va changer de langage. En tout cas, j’exhorte les uns et les autres à ne pas être naïfs. Gbagbo ne va pas accepter ce qui a été exigé par le RHDP. Si on pense le contraire, c’est qu’on fait une mauvaise lecture de la situation socio politique. Il a pris un prétexte pour le report de la marche, il tient le bon bout. Il organise sa manifestation et après, c’est la même chanson qui va venir. L’audit de la liste électorale se fera telle qu’il l’a voulu. Le contentieux électoral va se dérouler comme il le souhaite. Et il indiquera la date qu’il trouvera bonne pour les élections. En tout cas, il mènera les choses comme il le veut. Il ira même jusqu’à dire qu’il n’a jamais fait telle ou telle promesse à quiconque. A savoir aux présidents Bédié et Ouattara, parce que justement personne d’autre n’était à ces huis clos. Ce sera la parole de Gbagbo contre celle de Bédié et Ouattara. Et comme il le fait toujours, il va esquiver toutes les questions et se maintenir au pouvoir. Donc il est en train de gagner du temps. Notamment, nous amener jusqu’au 31 octobre et dès qu’on sera proche de cette date, il va trouver un autre argument pour rentrer dans l’année 2011. Donc ce sont ces stratégies qui sont connues. C’est d’ailleurs pour cela que nous en appelons à la vigilance de nos leaders pour que nous nous engagions dans la lutte, parce que ce pouvoir-là ne va jamais nous être donné. Il va falloir qu’on l’arrache. Car nous avons tous les moyens démocratiques en notre possession pour le faire. Le président du Conseil constitutionnel Paul Yao-N’Dré a dit lui-même que l’insurrection est un droit. Donc on n’a pas le choix. On est obligé d’en arriver là. Parce que Gbagbo n’ira jamais aux élections car sur la base de cette liste électorale, il ne peut pas les gagner.

L.P: Et vous allez le regardez mener la barque?
YKS: C’est pour cette raison que nous les jeunes, allons nous battre. Nous allons reprendre nos activités. Nous allons remobiliser nos structures. Nous allons travailler dans ce sens. Et je pense qu’un jour, nous aurons gain de cause.

LP: C’est depuis 2005 que le mandat constitutionnel du chef de l’Etat est arrivé à expiration. Mais il est toujours à la barre. Alors Laurent Gbagbo est-il trop fort pour le RHDP? Ou bien le RHDP est-il trop faible pour Gbagbo?
YKS: C’est une question pertinente. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que le RHDP a été éduqué dans un environnement. C’est le RHDP qui a bâti la Côte d’Ivoire. Il sait ce que le président Houphouët-Boigny a fait pour le pays. C’est pourquoi, quelquefois il se met au sentiment. Il se dit que s’il veut suivre Gbagbo, il va contribuer à la destruction de la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, quand on veut entamer des actions d’envergure, on recule. Non pas parce qu’on a peur de Gbagbo ou qu’il est fort, mais tout simplement parce que le RHDP ne veut pas rentrer dans le même schéma que lui. Or c’est quelqu’un qui est fin, qui est rusé. Il a toujours trouvé l’occasion de tromper ou de rouler les gens dans la farine. Mais chaque chose a son temps. Et chaque chose a une fin aussi. Il arrivera un moment où il ne pourra pas rouler tout le monde et à partir de ce moment-là, vous verrez que le RHDP prendra ses responsabilités. Parce que le peuple de Côte d’Ivoire est fatigué de la gabegie, de la mauvaise gouvernance avec son corollaire de délestage, de pillage des ressources tirées de l ‘exploitation du pétrole. Aussi vous avez constaté qu’il existe des prisonniers de luxe qui sont détenus à la MACA depuis deux ans sans être jugés. Avec tout cela, le peuple de Côte d’Ivoire s’est rendu compte que la Refondation n’est qu’un leurre. Parce qu’elle n’est pas capable de sortir le pays de cette situation. Il faut que le RHDP prenne conscience de sa responsabilité historique pour donner espoir à cette génération qui est déjà sacrifiée. Des jeunes qui sont diplômés ont eu 10 ans de plus sur leur âge, mais sont toujours sans emploi et il n’y a pas de perspectives car un investisseur sérieux ne pourra pas venir investir ici parce que l’environnement économique ne s’y prête pas. Or nous avons besoin d’organisation des élections pour que la sérénité retrouvée, les investisseurs arrivent pour que les empois et les richesses se créent afin que le développement soit continu. Sous la Refondation, la Côte d’Ivoire est devenue un pays quelconque, elle a perdu sa notoriété, son image, et son crédit à cause des leaders qui ne tiennent pas parole. Et c’est pourquoi j’ai été scandalisé d’entendre Bohoun Bouabré dire, par rapport à la BAD, que la Côte d’Ivoire est un pays qui honore ses engagements, où la parole donnée est sacrée. Je me demande s’il parle de la même Côte d’Ivoire de Gbagbo dans laquelle nous vivons tous, ou s’il parle d’un autre pays? Parce qu’ici tout le monde est unanime que la parole de Gbagbo n’a de valeur qu’au moment où on l’écoute. Elle ne représente rien. Il dit une chose le matin, une à midi et une autre le soir. Même sa signature n’a pas de valeur. Donc, il faut que nous nous battions. On n’a pas le choix. La seule voie qui nous reste, c’est celle de la lutte. Nos parents se sont battus au prix de mille et un sacrifices pour obtenir l’indépendance. La nouvelle génération que nous constituons doit accepter le sacrifice, même le sacrifice suprême pour donner la liberté à la Côte d’Ivoire, assurer sa pérennité et garantir un développement aux générations futures. Sinon nous aurons vécu inutile durant cette période.

LP: Vous êtes à la tête de la Jeunesse de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire, (JUDPCI) depuis bientôt trois ans. Quel est votre bilan?
YKS: Je pense avoir fait beaucoup de choses. Nous avons travaillé sur la remobilisation en termes d’organisation de notre structure. Quand je prenais la tête de la jeunesse, il n’y avait que110 coordinations. Aujourd’hui, nous en sommes à 300. Au niveau des structures de mobilisation, nous avions en son temps, la Commission Technique féminine (CTF) qui devait nous permettre de former les jeunes filles leaders pour le parti. Cette structure a fait son chemin et s’est étendue sur presque toute l’étendue du territoire. Nous avons dit que dans la lutte politique, les étudiants constituent un maillon essentiel. Nous avons mis sur pied, la Commission estudiantine et scolaire qui nous donne une grande satisfaction. Parce que nous avons des représentations qui sont fortes dans les cités universitaires, les universités et grandes écoles, et cela nous donne de l’espoir. Nous avons également mis l’accent sur certains détails comme la formation des jeunes, afin que ceux-ci soient imprégnés des réalités du parti. Le travail de mobilisation quant à lui, suit son cours. C’est un travail perpétuel qu’on ne finira jamais de sitôt. Dans une formation politique, il faut toujours travailler à accroître le potentiel. C’est ce que nous allons continuer de faire. La JUDPCI doit être le fer de lance de la politique d’implantation de notre parti. La preuve, c’est la Jeunesse qui a été le précurseur de l’implantation du parti dans certaines localités. C’est ici le lieu de dire merci à tous ces jeunes qui ont cru en Guéi Robert. Mais aussi qui ont cru aux valeurs incarnées par le président Albert Toikeusse Mabri, qui, par ses prises de position, demeure une alternative crédible pour la Côte d’Ivoire de demain. Aujourd’hui il a décidé de se porter candidat à la présidence de la République malgré les menaces de toutes sortes. Vous avez suivi tout ce que notre parti a vécu avec les départs multiples et autres. Parce que le camp présidentiel, le président Laurent Gbagbo n’a jamais voulu que le président Albert Toikeusse Mabri soit son adversaire politique. Donc il a créé des crises artificielles par personnes interposées pour faire en sorte de le dissuader. Mais c’est sans compter sur la détermination de notre président et des militants. Ces derniers, avec tout ce que parti a vécu ne pouvaient pas comprendre que leur leader ne soit pas candidat. Le président Mabri a donc décidé de prendre ses responsabilités. C’est pourquoi les militants sont restés soudés derrière lui. Ceux qui sont partis se croyaient importants. Mais dès qu’ils sont partis et ont décidé de rejoindre Gbagbo, ils ont été abandonnés par les militants. Parce que les Ivoiriens ont vécu et connu des moments terribles le 19 septembre 2002, et nous savons que Gbagbo y est pour quelque chose. Dans la mesure où son Premier ministre d’alors, Pascal Affi N’Guessan a dit que le président Robert Guéi partait à la télévision pour faire un coup d’Etat. Nous avons été aussi heureux de voir que le chef de l’Etat se soit rendu aux obsèques de Guéi alors que selon ses partisans, c’est lui que Guéi voulait tuer. Donc l’histoire nous situera. Mais il arrivera un jour où nous allons réhabiliter la mémoire de Robert Guéi.

LP: A propos justement de l’assassinat du général Robert Guéi, que savez-vous exactement sur la question? Et comment avancent les enquêtes?
YKS: Tout ce que nous savons, c’est ce que le commun des mortels sait. Nous avons tous vu à la télévision le président Guéi en jogging, dans le sens inverse de la Corniche. Affi N’Guessan nous a déclaré qu’il partait à la télévision pour faire un coup d’Etat, et qu’il serait tombé dans une embuscade. Nous avions en son temps, eu des rencontres avec Monseigneur Agré. Et à ce niveau, il nous a donné quelques informations. Il a été effectivement indiqué que le président Guéi a été pris à la Cathédrale. Il est parti et il n’est plus revenu. Ce sont les termes que Monseigneur Agré a utilisés. Nous savons que son assassinat a été planifié par le camp présidentiel. Nous en avons la certitude. Mais il va arriver un moment où nous saurons exactement ce qui s’est passé. Pas pour nous venger, mais pour une question de mémoire. Il faut que le peuple ivoirien sache ce qui s’est passé le 19 septembre 2002. C’est important pour nous. Si c’est pour cela que les gens ne veulent pas aller aux élections et qu’ils continuent à se maintenir au pouvoir, ce serait peine perdue parce dans tous les cas, Dieu a son combat. Le président Gbagbo n’est pas éternel. Une nouvelle génération va venir et nous allons travailler dans le cadre de l’éclatement de la vérité. Pour qu’on sache qui a fait quoi le 19 septembre 2002. Cela est une fois de plus important pour nous, car c’était un drame que nous avons vécu. Mais malgré cela, l’UDPCI a survécu, et a pu maintenir le cap. Parce que nous croyons fermement en notre conviction et Robert Guéi est un homme qui porte des valeurs essentielles de rassemblement, d’humilité. Ce sont ces valeurs-là qu’incarne le président Albert Toikeusse Mabri. C’est pourquoi, il a eu de l’ascendance dans le parti. Et nous les jeunes, nous lui apporterons toujours notre soutien pour que le choix que nous avons fait, soit un choix qui nous permette de remporter l’élection présidentielle.

réalisée par Yves-M. ABIET
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