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Politique Publié le lundi 31 mai 2010 | Le Nouveau Réveil

Laurent Gbagbo sur Rfi, hier : “Ce qui reste à faire avant les élections”

© Le Nouveau Réveil Par Emma
1er mai - Les travailleurs présentent leurs doléances au président Laurent Gbagbo
Samedi 1er mai 2010. Abidjan, Palais présidentiel du Plateau. Le président Gbagbo assiste au défilé des travailleurs et à la présentation de leurs doléances
Le chef de l`Etat ivoirien Laurent Gbagbo était l`invité de Rfi, hier matin. Le président Laurent Gbagbo a livré son sentiment sur les assemblées générales de la Bad que la Côte d`Ivoire a accueillies et sur la crise que vit le pays depuis 2002. Il a encore une fois accusé le président Chirac et le premier ministre De Vellepin d`avoir tenté de renverser son régime. Ci-dessous, l`intégralité de son intervention.

M. le président bonjour et merci de nous accueillir. Merci d`avoir accepté cet entretien et bienvenue dans le débat africain. Nous sommes ici dans le cadre des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement qui, semble-t-il, se tiennent à Abidjan sept ans après le déménagement de la banque à Tunis. Quel sens cela a pour vous ? Vous avez dû entendre, comme nous tous, que certains estiment que le président de la Bad a voulu vous donner un coup de pouce juste avant les élections.
Pourquoi il ne m`en donnerait pas de coup de nectar à moi ? Non, c`est pas ça qui est l`essentiel. Ce qui est essentiel, c`est que beaucoup de personnes n`avaient pas envie de venir à Abidjan, n`avaient pas envie de venir en Côte d`Ivoire et nous sommes là. Ils sont tous venus parce que nous avons eu un record de participation. On a préparé ces assemblées en tablant au maximum sur 1500 personnes. Mais là, on est 2200. Il y a des raisons purement bancaires, mais il y a aussi des raisons extra bancaires. Il y en a qui voulaient voir l`état d`Abidjan, l`état de la Côte d`Ivoire, voir si c`est l`insécurité qu`on décrit et voir si la situation se normalise. Et nous sommes heureux. La ville d`Abidjan n`est pas plus dangereuse que beaucoup d`autres où il n`y a pas la guerre.

Donc pour vous, ces Assemblées annuelles, c`est une façon de montrer au monde que la Côte d`Ivoire est fréquentable.
C`est pour montrer au monde ce qu`est la Côte d`Ivoire, c`est tout. Etre ni meilleure, ni pire que les autres parties du monde.

M. le président, à quand pensez-vous que la Bad puisse revenir à Abidjan, à la maison comme le disent les gens ?
Nous politiques ivoiriens, nous sommes prêts, nous l`avons montré. Ce qui reste, c`est le problème des techniciens. Quand j`en ai discuté avec Kabéruka et d`autres, ils ont dit qu`ils vont reconstruire un autre siège de la Bad. Moi, je leur ai proposé un terrain à Yamoussoukro. Mon dada aujourd`hui, c`est de reconstruire Yamoussoukro. Mais vraiment, ça dépend d`eux.

Ça dépend des techniciens ou ça dépend aussi d`autres choses ?
Autres choses ? Si eux les techniciens font la politique sous prétexte de technicité, ça c`est leur affaire, ce n`est plus le nôtre.

M. le président, on sait qu`il y avait une marche qui devrait avoir lieu et qui n`a pas eu lieu. Tout le monde craignait qu`il y ait des tensions, mais on peut imaginer là que c`est juste pour une question de fierté nationale pour une période donnée. Or ceux qui parlent du retour de la Bad parlent d`un climat de sécurité de longue durée. Est-ce que vous pouvez leur affirmer qu`ils seront en sécurité ici ?
Madame, moi je crois que c`est insultant contre nous qu`on pose une telle question. Je disais à quelqu`un, il n`y a pas longtemps, qu`à Paris, les banlieues ont brûlé pendant à peu près un mois, un mois et demi. Pendant ce temps, on continuait les réunions à l`Unesco. Vous avez vu les scènes à la télévision à Athènes en Grèce, les gens continuent d`aller à Athènes ne serait-ce que pour voir comment il faut leur apporter de l`aide. Madame, vous savez qu`il y a eu dix-sept ans de guerre civile en Ethiopie, mais on n`a pas délocalisé le siège de l`Oua. La guerre civile a fait rage à Brazzaville, on n`a pas délocalisé le siège de l`Oms.

Est-ce que vous voulez dire que la délocalisation de la Bad était un geste politique ?
Je pense que c`était injuste en tout cas. Et qu`il n`y avait aucune raison objective de quitter Abidjan pour aller ailleurs.

M. le président, l`appréhension des gens de la Bad est peut-être partagée par beaucoup d`Africains et non Africains qui se disent qu`après huit ans de crise, peut-être que tout n`est pas terminé. Est-ce que la crise est derrière vous ?
Mais madame, qu`est-ce que vous voulez que je fasse avec des sceptiques indécrottables ? Je ne peux rien faire pour eux. L`essentiel c`est de voir Abidjan, c`est d`aller à Yamoussoukro, c`est d`aller à Korhogo, c`est d`aller à Odienné, c`est de circuler en Côte d`Ivoire. je vous dis madame et je vous le redis.

Il y a de temps à autre quand même des flambées de violence
Est-ce que vous pouvez me citer un pays où cela n`existe pas ? Abidjan n`est pas la ville la plus dangereuse.

On ne parle pas d`Abidjan seulement, M. le président. Quand les gens entendent parler de morts à Gagnoa, ils se disent ce n`est pas totalement fini en Côte d`Ivoire.
D`abord, la Bad n`est pas à Gagnoa.

Il n`y a pas seulement que la Bad
Il y a eu cinq morts à Gagnoa. Vous voulez que je vous cite les villes où il y a cinq morts tous les jours ?

M. le président, quand vous posez la question "que voulez-vous que je fasse", on pourrait peut-être répondre les élections par exemple.
Oui, l`élection se fera par les Ivoiriens pour les Ivoiriens quand les Ivoiriens seront prêts. Moi, je suis toujours étonné quand des gens viennent et ils m`interrogent comme si eux, ils sont plus soucieux des élections ivoiriennes que nous. Ça me fait rire. Comment quelqu`un peut avoir la prétention de croire que lui, il plus soucieux des élections dans notre pays que nous.

Vous en tant qu`homme politique, en tant que président de la République, quel chronogramme souhaiteriez-vous pour ces élections?
Il n`y a pas ce que je souhaite. Il y a ce qui doit se faire. Et ce qui doit se faire est en train de se faire. On ne sortira pas de l`année 2010 sans faire les élections. Ça, je suis certain de cela. Mais s`il vous plaît, faites comprendre à tous ceux qui vous écoutent que eux, ils ne peuvent pas être plus soucieux de la sortie de crise en Côte d`Ivoire que les Ivoiriens. Ils ne peuvent pas être plus soucieux de la rentrée dans la paix officielle que le président de la République de Côte d`Ivoire. Ils ne peuvent pas aimer la Côte d`Ivoire plus que le président de la République de Côte d`Ivoire. Il faut leur faire comprendre.

Qu`est ce qui reste à faire ?
Pour le moment, le Premier ministre a commencé depuis le 27 mai à contrôler la liste provisoire. Il faut la contrôler. Il y a eu des cas de réclamations simples, il y a des cas de réclamation plus compliqués qui vont devant les tribunaux. Ensuite, il faut faire la réunification du pays en plaçant notamment des postes de douane sur toute la frontière, en donnant le pouvoir de gestion dans les départements aux préfets, etc…Ce sont ces deux choses qui sont les principales choses qui restent à faire. Nous sommes en train de les faire.

M. le président, vous dites qu`il faut contrôler la liste électorale. Est-ce que tout le monde est bien d`accord aussi bien dans l`opposition que dans la majorité présidentielle sur la manière de contrôler cette liste ?
Ça, je n`en sais rien. Le Premier ministre recueille les avis à droite et à gauche pour définir une manière. Il peut avoir une manière consensuelle d`établir la liste électorale. C`est cette manière que le Premier ministre est en train de chercher.

Va-t-on trouver ce consensus ?
Je n`en sais rien parce que ce n`est pas mon travail. C`est le travail du Premier ministre. Quand il l`aura trouvé, il le dira.

M. le président, il y a la question de la liste électorale, il y a la question de la réunification. Qui dit réunification dit aussi réunification de l`armée. Le désarmement, où en êtes-vous ? Parce qu`il semble que là aussi les choses n`avancent pas.
Madame, vous me posez la question, je ne suis pas en charge de la question. Bon, ça m`intéresse. J`ai fait ma part. j`ai signé le décret pour intégrer dans l`armée nationale, ceux qui étaient sortis avant 2000. Je les ai déjà intégrés. Je leur ai même fait un rappel de solde et je les ai alignés sur leurs frères d`armes. Ça, ça relève de moi et je l`ai fait. Et j`avance dans la réunification de l`armée. J`attends que le travail soit fait sur le terrain pour passer à une autre étape.

Ça veut dire ?
L`autre étape, c`est la réintégration réelle et l`affectation dans les unités existantes de ceux qui n`y sont pas encore. J`attends qu`on me fasse des propositions. Et le premier ministre travaille à ça.

Autrement dit, c`est le Premier ministre qui aurait pris le temps.
Non, non, non, je ne parle pas dans ce sens là. Ce n`est pas ça. Je veux dire qu`il y a là un travail technique, un travail administratif et un travail psychologique. La donnée la plus importante, c`est le travail psychologique. Ce sont des gens qui sont restés huit ans avec des armes dans le maquis. Quand on leur dit "revenez à la vie normale", ce n`est pas simple pour celui qui le leur dit et ce n`est pas simple pour celui qui doit revenir à la vie normale et laisser tomber son fusil. Donc, on travaille doucement. La donnée psychologique est très importante.

Justement M. le président, cette crise a créé des situations de rente pour certaines personnes, des nouvelles occupations pour d`autres. Est-ce qu`aujourd`hui il y a des blocages qui sont d`ordre purement économique pour en finir avec cette crise ?
Si c`est d`ordre économique seulement, ce n`est pas grave. Parce que tout ce qui est d`ordre économique, on trouve une solution. Je préfère dire d`ordre psychologique. Parce que même celui qui gagne sa vie avec le petit fusil qu`il a dans sa gibecière avec les quelques balles, cartouches qu`il a, ce n`est pas l`ordre économique seulement qui le guide. Parce que l`ordre économique, on peut lui donner ce qu`il gagne par jour ou par mois. On peut lui donner ça. Ça, c`est simple.

Mais il n`y a pas que les militaires, il y a les politiques aussi
Mais enfin, je veux dire, on peut lui donner ça. Même les politiques, s`il ne s`agit que d`argent, on peut leur donner l`argent. Mais c`est l`ordre psychologique de savoir qu`ils ne sont plus ce qu`ils sont, et qu`ils deviennent des citoyens normaux. C`est-à-dire souvent anonymes. Ça, c`est important.

Donc à vous écouter, on n`est pas tout à fait sorti de la crise, les séquelles sont encore là.
Je n`ai jamais dit que les séquelles ne sont pas là. Je dis que nous sommes en train de régler le problème de la liste électorale et le problème de la réunification. Si ces deux problèmes étaient réglés, ça se saurait, on aurait déjà fini les élections.

M, le président, l`encasernement des premiers volontaires pour l`armée nouvelle, issus de l`ex-rébellion, doit débuter le 15 juin. Il est prévu de créer 4 groupements d`instruction en lieu et place des 10 autres précédents commandés par des Com-zones. Donc, on va passer de 10 à 4. Il y a 6 Com-zones qui vont devoir disparaître. Que vont-ils devenir ?
Puisque ce sont des hommes, des citoyens ivoiriens, ils vont devenir ce que deviennent tous les autres citoyens ivoiriens.

J`ai une question presque d`ordre régional. Certains analystes ont trouvé que la guerre de Côte d`Ivoire n`était pas seulement une guerre pour des raisons politiques, qu`il y avait une question de partage de ressources entre le Nord et le Sud, d`une part, partage de ressources entre la Côte d`Ivoire et d`autres pays voisins, d`autre part. Aujourd`hui, vous avez des pays qui exportent le cacao sans être producteurs, des pays qui exportent du bois. Est-ce qu`il faudra une sorte de conférence régionale ?
Ecoutez madame, nous on avance comme on doit avancer. On fait trop d`analyses, trop de spéculations qui, à mon avis, ne mènent pas souvent loin. Il y a certains qui me disent souvent, vous savez tel pays exporte maintenant du cacao. Je dis, qu`est-ce que ça fait ? Le jour où la guerre sera finie, où la crise sera finie, où on aura placé les douaniers, ce sera fini de ça.

M. le président, est-ce une question taboue ? Ma consœur a raison. On a l`impression que vous avez un peu de mal à parler clairement de cette question. Pour quelle raison ? Est-ce que c`est un tabou ?
Mais, il n`y a aucune question taboue. Dès l`instant où j`ai accepté de parler avec vous, c`est que j`ai accepté de répondre à toutes vos questions. Mais je vous dis que la piste sur laquelle vous vous aventurez, moi elle ne m`intéresse pas comme piste. Parce qu`elle ne m`amène à aucune solution. Des gens ont pris des armes. Pour moi, c`est une prise d`armes politiques. Ce n`est pas la première tentative de coup d`Etat. On a eu 1999. Ensuite quand j`ai été élu à la fin d`octobre 2000, il y a eu autre tentative. En 2001 et enfin celle de septembre 2002 qui s`est muée en rébellion. Pour moi, tout ça, c`est la même chose. C`est le même coup d`Etat décliné en plusieurs phases.

Donc la motivation principale d`après votre analyse est ?
Pour moi, c`est politique ! C`est pour le changement de régime par la force. Je pense que la Côte d`Ivoire vient de démontrer que cette manière ici n`a pas prospéré.

Donc, toutes les questions à la fois économique, identitaire qui étaient évoquées tout au long de cette crise sont un prétexte sur lequel il ne faut pas revenir dessus.
Moi, je veux bien que chacun parle de ce qu`il veut. Mais je vous parle de ce que moi, je vois. Et de ce que je sens et de ce que je sais.

Sauf qu`en tant que président et futur candidat, vous allez rencontrer ces problèmes encore une fois.
Mais quel problème ?

M. le président, je voudrais bien comprendre. Est-ce qu`on peut dire que le fait générateur de cette crise était politique. Mais est-ce qu`aujourd`hui, les blocages ne sont d`ordre économique ?
Je ne vois pas de blocage économique. Si vous en voyez, vous les déclinez, mais moi je n`en vois pas.

Madeleine a évoqué tout à l`heure des pays qui sont exportateurs de cacao alors qu`ils n`en produisent pas.
Pour moi, ce sont des thèmes marginaux. Ça, c`est marginal qu`on exporte…Je ne sais pas si vous savez ce que nous produisons en cacao. Que, à la marge, quelques pays exportent quelques tonnages qui sont minimes par rapport à ce que gagne la Côte d` Ivoire avec son cacao

Si on insiste sur cette question, c`est parce que moi j`ai en mémoire votre discours il y a deux ans à Katiola où vous chiffriez à l`époque en dizaines de milliards le manque à gagner pour l`Etat de Côte d`Ivoire de tous ces trafics. On a un peu le sentiment aujourd`hui en 2010 que votre discours a changé. On veut savoir quelle est la bonne version. Est-ce que c`est celle de 2008 à Katiola ou celle d`aujourd`hui ?
Prenez les deux.

Est-ce que ça veut dire qu`il y a un manque à gagner pour les Ivoiriens à travers ces trafics de cacao et du bois et vous l`acceptez comme telle. Est-ce que c`est le prix à payer pour s`entendre avec ses voisins ?
Moi, je pense que vous êtes trop arcbouté sur un problème qui, pour nous, n`est pas un grand problème.

Et la question de l`immigration ? Parce que ça fait partie d`une certaine forme de partage des ressources.
L`immigration, est-ce qu`il y a un pays en Afrique de l`Ouest où l`immigration est aussi forte qu`ici ? Il y a deux pays que je trouve à peu près similaires en Afrique, l`Afrique du Sud et la Côte d`Ivoire. Bon, c`est une donnée de la nature, c`est une donnée aussi de notre relative réussite économique. On la prend. Je disais tout à l`heure à des amis qu`après les élections, il faudra qu`on fasse un débat sur la nationalité. Parce que beaucoup d`enfants…des gens oublient…Faire ce débat aujourd`hui, ce serait irresponsable. Mais après les élections, il faudra pouvoir le faire. Parce qu`il y a beaucoup de cas de fraude qui sont des cas des gens qui sont nés ici. Comme nous avons la loi du droit de sang et non pas le droit du sol, ceux qui naissant ici dans nos hôpitaux, ont l`extrait d`acte de naissance de nos registres d`état civil, mais ne sont pas pour autant Ivoiriens.

Est-ce que vous aimeriez changer la loi sur la nationalité ?
Je n`aimerais rien du tout, madame. Je vous dis qu`il faudra qu`on en discute pour voir ce qu`on fait.

C`est-à-dire, après les élections, envisager de passer au droit du sol ?
Je n`en sais rien, monsieur. Je vous dis qu`il serait temps qu`on en discute. Depuis 1960, quand on prend les journaux officiels, on voit le nombre de naturalisation.

Vous avez vous-même beaucoup naturalisé.
Beaucoup, énormément. Je suis avec Houphouët-Boigny, peut-être un peu plus que lui, celui qui a, par an, signé le plus de décrets de naturalisation.

M. le président, est-ce qu`avec l`état actuel de l`économie ivoirienne, vous avez la capacité d`accueillir tous ceux prétendant à l`immigration dans votre pays ?
Ça fait aussi partie de ce pour quoi il faut qu`on discute. Mais il faut qu`on discute après les élections parce que maintenant, la politique politicienne, la campagne électorale va s`emparer de ce sujet et puis, on n`aboutira à rien de sérieux. Le problème, c`est le sol, la terre. C`est sur la terre que se focalisent toutes les contradictions, d`abord à l`intérieur même de la Côte d`Ivoire entre migrants intérieurs. Et deuxièmement, entre Ivoiriens et ceux qui viennent d`autres pays.

M. le président, on assiste à une sorte de retour de la Côte d`Ivoire sur la scène internationale avec ces Assemblées annuelles de la Bad. En même temps, on se souvient qu`en 2003, vous étiez un peu extrorsisé. Alors je vous demande de dire…
C`est mieux de dire que j`étais extrorsisé. Les gens croyaient déjà que j`étais tombé. Donc je voudrais préciser ça. Ceux qui ont des oreilles entendront.

Vous pensez à qui ?
A ceux qui croyaient que j`étais déjà tombé.

Justement, il y a eu des contentieux avec vos voisins comme le Burkina Faso que vous avez accusé officiellement de soutenir les rebelles. Vous avez des problèmes avec la France. On a l`impression qu`avec le Burkina, vous vous entendez mieux maintenant.
Oui mais parce qu`on a parlé. C`est tout. On a discuté et bon, on a avancé.

Et la France ?
Vous savez, on ne choisit pas ses voisins comme on ne choisit pas ses frères. Mais quand un problème naît et qu`on est capable de s`asseoir pour discuter et qu`on le discute à fond, on trouve les solutions et on avance.

Et avec la France parce que c`est un autre pays avec lequel vous avez des problèmes ?
Oui mais, on n`a jamais discuté. Donc, on n`a pas encore trouvé de solutions. Avec la France, on n`a jamais discuté, on ne s`est jamais assis pour disucter.

Ça veut dire qu`il y a un contentieux entre vous et la France aujourd`hui.
Ecoutez, moi je n`ai jamais fait mystère de l`implication de l`Etat français à travers les personnes de Jacques Chirac et Dominique De Villepin. Je n`ai jamais fait mystère de leur implication dans la tentative de renversement de mon régime. Ce n`est pas aujourd`hui que je vais dire le contraire. Mais on ne s`est jamais assis avec l`Etat français pour discuter de toutes ces questions-là.

Etes-vous en train de dire que vous avez été victime d`une tentative de coup d`Etat par la France ?
J`en suis sûr.

En avez-vous les preuves ?
(Rires) Continuez. Passez à une autre question.

M. le président, avant de passer à un autre sujet, vous évoquez tout à l`heure le rôle qu`auraient joué le président Chirac et le Premier ministre De Villepin dans une tentative de renverser votre régime. Aujourd`hui, ils ne sont plus au pouvoir. Est-ce que…
C`est dans les journaux en France ;

Aujourd`hui avec un autre président, Sarkozy, est-ce que vous avez renoué le dialogue ?
Oui, chaque fois qu`il y a le besoin, chaque qu`on se rencontre, on se salue, on cause. Mais, on n`a pas encore discuté du différend entre la Côte d`Ivoire et la France. Donc je ne peux pas dire que (hésitations)… bon. Sinon, ce n`est pas Sarkozy. C`est Chirac, De Villepin. Sinon, ce n`est pas Sarkozy. Mais pour moi, c`est l`Etat français. On n`a pas encore discuté du fond.

Le sommet de Nice aurait peut-être été une excellente occasion pour que vous et votre homologue français puissiez vous rencontrer. Vous ne trouvez pas ?
Je ne trouve pas que ce soit une bonne solution d`aller au sommet de Nice pour discuter d`un différend que j`estime fondamental. Il faut qu`on discute d`abord et après, je pourrai faire un déplacement. Sinon…

Concrètement, qu`est-ce que vous attendez de la France ?
Qu`on discute.

Qu`elle vous envoie un émissaire ou … Vous dites, on discute d`abord et j`irai après.
Ou bien s`il veut que moi j`envoie un émissaire, je peux envoyer un émissaire. Mais qu`on discute. Quand j`ai discuté avec Compaoré, je ne suis pas allé à Ouagadougou. Moi, j`étais ici. C`est quelqu`un qui a été à Ouagadougou. C`est deux personnes qui se sont rencontrées ailleurs. Plus progressivement, ça été à Ouagadougou puis à Bobodioulasso, etc. On discute. Il y a des modalités de discussion.

Est-ce que ça veut dire clairement, M. le président, que tant qu`il n`y aura pas cette démarche, soit on vous envoie un émissaire, soit vous envoyez un pour discuter, vous ne mettrez pas les pieds en France ?
Il n`y a pas de raison, madame, pour que j`aille en France tant qu`on n`a pas discuté du différend qui continue d`opposer l`Etat français à l`Etat de Côte d`Ivoire. Il n`y a pas raison que j`aille en visite en France.

Le différend porte sur quoi exactement ?
La tentative pour un pays qui est de renverser un chef d`Etat légalement élu, légitime, légitimé par une élection démocratique et populaire. Lorsqu`on envisage les relations comme ça, je ne suis pas d`accord. Je ne suis pas d`accord avec cette manière de voir les relations entre deux Etats.

Est-ce qu`aujourd`hui, la France ne vous traite-t-elle pas avec toute la dignité due à votre rang comme chef de l`Etat souverain ?
Mais bien entendu. Bien entendu que si, elle traite bien. Bon, je n`attends pas d`elle…, mais je dis, il y a un différend qui a été créé, qui est né de l`attitude de ceux qui dirigeaient l`Etat français. Ces différends-là, on en parle ou on n`en parle pas. J`attends que ceux qui doivent prendre les initiatives les prennent. Sinon, moi je suis chez moi.

Quand on vous écoute, on voit que cette crise, notamment le rôle que vous attribuez à la France, c`est quelque chose qui vous a beaucoup marqué.
Oui, parce que je ne comprends pas que des dirigeants d`un Etat s`arrogent le droit de vouloir faire partir de là où le peuple l`a mis, un dirigeant d`un autre Etat. Je ne conçois pas du tout, je ne conçois pas du tout.

Est-ce qu`à titre personnel, l`homme Laurent Gbagbo qui a été élu président en 2000 est le même aujourd`hui après cette crise?
On ne peut pas rester le même après une crise qui a duré si longtemps. On peut rester le même homme dans ses convictions, dans sa démarche. Mais je veux dire, on accumule beaucoup de connaissances nouvelles pratiques, on accumule beaucoup d`analyses nouvelles, on accumule beaucoup de connaissances des hommes, des êtres humains, des hommes politiques. On accumule beaucoup de choses et naturellement, on évolue, on change. Le tout, c`est de tout faire, c`est de prier pour ne pas changer dans le mauvais sens.

Et vous avez l`impression que vous avez changé dans le bon sens ?
Je ne crois pas avoir changé dans le mauvais sens. Je suis devenu même plus tolérant avec les autres.

M. le président, après une crise pareille, on se demande, comment ai-je géré ?
Comment ?

Vous en tant président, est-ce que vous vous dites que vous avez géré cette crise comme elle devrait être gérée ? Est-ce que vous avez des impressions d`avoir commis des erreurs ?
Beaucoup commettent des erreurs quand on est homme et qu`on travaille. Mais pour l`essentiel, ce que je m`étais fixé comme objectif quand j`ai vu la crise commencer, c`est que l`Etat reste debout. Madame, je puis vous dire que l`Etat de Côte d`Ivoire est resté debout. Il ne s`est pas effondré. Et c`est parce que l`Etat ne s`est pas effondré qu`aujourd`hui, on parle d`élections. Donc sur ce point qui est pour moi le point capital, j`ai bien géré la crise.

Est-ce que vous pouviez l`éviter cette crise ?
Je n`en sais rien. Puisque…

La question se pose souvent. D`aucuns vous ont dit que vous pouviez l`éviter.
Ho, ho, madame, laissez-les …Posez-moi des questions.

Si c`était à refaire ?
Cette crise n`est pas née avec moi. Je vous dis que la crise a commencé par le coup d`Etat du 24 décembre 1999. Je n`étais pas président de la République. Et on est dans la continuité de ce coup d`Etat de 1999 qui s`est prolongé en septembre 2000 et qui a continué en janvier, février 2001 puis en septembre 2002. Donc ce n`est pas à moi qu`il faut poser la question. Il faut vous poser la question sur comment la Côte d`Ivoire était. Mais moi, mon travail n`est pas d`aller demander à mes prédécesseurs comment ils ont fait pour qu`on en arrive-là. Mon problème, c`est que je suis là, la crise se présente, je dois faire face.

M. le président, c`est vrai que la Côte d`Ivoire a bien résisté, l`Etat ne s`est pas effondré et même l`an dernier pour la première fois depuis que vous êtes élu, le taux de croissance en Côte d`Ivoire qui a été spectaculaire, a été plus important que le taux de croissance démographique. Alors bientôt, vous allez faire campagne et il va falloir que vous présentiez un bilan. Quel est le bilan de la refondation après dix ans au pouvoir ?
Je n`ai pas commencé campagne donc ce n`est pas sur Rfi que je vais commencer à faire campagne. Je voudrais quand même signaler que quand je faisais campagne en 2000, Rfi m`a royalement ignoré. Mais je ne suis pas rancunier, je rappelle les faits. Je veux dire simplement que quand on fait campagne, il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte. Il y a son bilan et le mien, il est loin d`être négatif. D`abord, j`ai fait résister l`Etat et l`Etat est en place. Et l`Etat fonctionne. Et quand on dit aujourd`hui qu`on fait de la réunification, c`est qu`on fait progresser l`Etat dans les régions d`où il était parti. Donc l`Etat est là, ça c`est le premier point. Ensuite sur les autres points, il y a la décentralisation. Ceux qui ne voulaient pas voter la loi sur la décentralisation sont aujourd`hui nombreux à être présidents de Conseils généraux. Mais on n`a pas terminé ça. On a quand même fait voter la loi sur l`assurance maladie. A cause de la guerre, on n`a pas mis en pratique.

Justement M. le président, là on est dans un nouveau contexte. Est-ce que vous avez de nouvelles priorités qui n`étaient pas celles de 2000 ?
Non, les priorités sont les mêmes. Aujourd`hui, il faut faire l`assurance maladie universelle en Côte d`Ivoire comme dans la plupart des pays pauvres. Si on ne fait pas, on expose les habitants de son pays à la maladie et à la mort. Je crois que ça c`est une priorité. Il faut faire l`école gratuite et obligatoire. Je le disais en 2000, je la dis aujourd`hui, il faut le faire. La crise nous a bloqué, mais il faut le faire.

Vous avez prononcé le mot, la pauvreté a fortement progressé. Il y a deux ans, le taux de pauvreté qui était affiché atteignait 49%, ce qui est très important. Est-ce que vous pensez que ce taux va décliner inéluctablement et que comptez-vous faire pour le faire décliner ?
Je veux dire que vous ne savez pas ce que les Ivoiriens attendent. Moi, je sais ce qu`ils attendent. C`est pourquoi, quand on les interroge, ils disent que c`est Gbagbo que nous voulons. Parce que nous sommes un panel de candidats. Regardez-nous tous et demandez aux Ivoiriens qui pour eux est plus apte à faire reculer la pauvreté. Ils vous répondent sans sourciller que c`est Gbagbo. C`est ça qui est l`essentiel. Parce que nous avons une chance énorme en Côte d`Ivoire dans cette campagne, c`est que les principaux candidats ont gouverné déjà. Ils ont déjà gouverné. Donc ce n`est plus une élection où quelqu`un qui n`a jamais gouverné va venir vendre…Tout le monde a gouverné, et les Ivoiriens ont vu chacun à l`œuvre.

Vous voulez dire que la pauvreté était aussi importante qu`au temps de vos prédécesseurs ?
Elle était bien là, mais maintenant, il y a la guerre en plus. Aucun d`entre eux n`a connu la guerre. Moi, je l`ai connue. Donc il y a des choses dont je peux parler et qu`eux, ils ne peuvent pas parler.

M. le président, il n`y a pas que la pauvreté. Là vous affrontez une coalition assez forte avec un ancien Premier ministre, un ancien président. Et si on se fie à ce que l`on dit sur la Côte d`Ivoire, il y a aussi les identités qui jouent. D`où vous vient cette confiance de dire, " je vais gagner, si vous demandez aux Ivoiriens celui qui est capable de réduire la pauvreté, ils vont dire, c`est Gbagbo " ?
Venez le jour des résultats des élections et vous allez voir. Venez. Moi je dis, une élection, ça se joue sur sa valeur propre. C`est ça aussi la comparaison avec les autres. On a la chance que chacun d`entre nous a déjà gouverné. Les Ivoiriens savent ce que chacun fait et ce que chacun a fait. C`est ça que je vous dis.

Mais et la guerre, M. le président ?
Mais ce n`est pas moi qui ai fait la guerre. C`est contre moi qu`on a fait la guerre. Moi justement, pendant que j`étais dans l`opposition, je n`ai jamais fait la guerre.

Est-ce que vous ne craignez pas que vos adversaires vous disent, vous brandissez la guerre comme une excuse pour tout expliquer ou pour tout justifier ?
Ils ont déjà commencé à le dire, je ne crains pas si c`est la vérité. Sinon pourquoi est-ce que je n`ai pas fait la loi sur l`école gratuite obligatoire ? Pourquoi je n`ai pas mis en pratique une loi qui est déjà votée sur l`assurance maladie universelle ? Pourquoi je ne l`aurais pas fait si ce n`était pas la guerre ?

A vous écouter, la fracture provoquée par cette guerre va peser dans le choix des électeurs.
On va s`expliquer. La guerre va peser dans la campagne électorale. Chacun va expliquer de quel côté il était, chacun va dire où il était, de quel côté il s`est rangé. Du côté du peuple ou du côté de ceux qui nous ont agressé.

Si j`insiste, M. le président, sur ces questions de guerre, de prétexte comme le disent vos adversaires, il y a aussi une question de gouvernance. La preuve en est que vous avez commencé à nettoyer un peu les écuries d`Augias dans la filière café cacao. Vous avez envoyé les dirigeants en prison, on attend d`ailleurs les procès. Est-ce que ce n`était pas aussi une question de gouvernance qui faisait que la pauvreté a augmenté en Côte d`Ivoire ?
Monsieur Novaro, moi je vais vous dire une chose, ceux qui sont en prison sur la filière café cacao, les vols dans la filière café cacao ont commencé exactement après le mois de janvier 2003, c`est-à-dire après la réunion de Linas-Marcoussis quand Gbagbo a été donné comme partant, comme tombé. Les vols sur lesquels ceux qui doivent être jugés vont l`être, ont commencé après la fin de 2003. Donc là encore la guerre. Et là, les adversaires ne peuvent pas parler de ça. Parce que quand eux, ils étaient au pouvoir, les gens qui étaient soupçonnés d`avoir détourné des fonds publics, on ne les mettait pas en prison. Sous moi, ceux qui sont soupçonnés, on les arrête.

Aujourd`hui M. le président, avez-vous des soupçons sur d`autres secteurs ?
Il y a d`autres secteurs, je ne veux pas en parler maintenant parce que si je n`ai pas encore saisi le procureur, c`est parce que les soupçons ne sont pas encore suffisamment étayés. Dès que les soupçons sont étayés, je saisis le procureur.

Le coup de balai va continuer
Oui, je veux dire, on ne peut pas gouverner un pays en laissant au dehors les gens qui pillent l`économie nationale.

M. le président, on termine cette émission. L`Afrique vous a-t-elle soutenu, vous a-t-elle déçu pendant cette crise ?
Moi, j`ai un combat à mener, je le mène. Je le gagne ou je le perds, mais je le mène. Je n`attends pas que les autres viennent à mon secours avant de mener le combat que je dois mener.

Dans ce combat, quelle a été votre principale arme ?
La tranquillité, la lecture de la Bible, la vigueur dans la résistance.

Le peuple dans tout ça ?
Ah non le peuple a fait son devoir. Le peuple a élu quelqu`un et il voit des gens qui veulent dégager ce quelqu`un-là. Mais le peuple est dans la rue. Le peuple a fait son devoir. Il a suivi son bulletin de vote. Il voit qu`il a élu quelqu`un et qu`on veut le dégager, il vient, il s`interpose entre ceux qui veulent dégager et celui qu`on veut dégager.

Est-ce que ce n`est pas jouer avec le feu ?
Mais jouer quoi ? Jouer, quel jeu ?

Est-ce vraiment à un peuple de protéger un régime ?
Mais qu`est-ce que vous voulez ? (Rires) Je vous demande encore qu`est-ce que vous voulez ? Si c`était quelqu`un de très impopulaire qui avait fui, vous allez dire voilà, vous arrivez au pouvoir, vous truquez les élections et personne ne vous soutient. Vous vous trouvez en face de quelqu`un qu`on veut enlever et pour lequel le peuple descend dans la rue, et puis vous lui reprochez cela. Qu`est-ce que vous voulez au juste, madame ?

Merci, M. le président.
Propos recueillis sur Rfi par Paul Koffi



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