Acte d`adoration, source de pouvoirs surnaturels… : Les mystères du jeûne

Depuis la nuit des temps, les hommes observent le jeûne sans toujours viser le même but.

Dans moins d'une semaine, le 10 ou le 11 août, en fonction de l'observation du croissant lunaire, les musulmans vont entamer le jeûne obligatoire du mois de ramadan. Pendant 29 ou 30 jours, ils s'abstiendront de manger, de boire et d'avoir des rapports sexuels de l'aube au crépuscule. Selon le Coran, cette période d'abstinence a été instaurée pour permettre aux musulmans d'adorer Allah intensément sans penser à autre chose que lui. Des enseignements du prophète Mohamed (hadiths) rapportés par ses compagnons Boukhâry et Mouslim, précisent que ce jeûne aide le fidèle à se purifier et à développer en lui la conscience de sa relation avec son créateur. Cet état d'esprit doit en principe lui faciliter la résistance aux tentations du Satan.

Jeûner pour parler avec Dieu

Chez les catholiques, les 40 jours de jeûne qui s'achèvent le vendredi de Pâques ont presque le même sens. Certes, le chrétien est appelé à se priver d'une partie de ses besoins d'alimentation ou de distraction pour donner aux pauvres ce que cela devait lui coûter. Mais, la pénitence qu'il observe est avant tout une invitation à se concentrer sur Jésus-Christ : garder les yeux sur lui et l'imiter dans la vertu.

On le voit, lorsqu'elle est accompagnée de piété, la diète peut permettre de communiquer et de communier avec un être supérieur, en l'occurrence Dieu. Ce rôle est cependant loin d'être l'unique raison qui pousse les humains à se soumettre volontairement à la faim et ou à la soif. Nous ne nous attarderons pas ici sur les grèves de la faim que certaines personnes observent pour influencer la conscience de ceux dont ils attendent la satisfaction d'une exigence donnée. Ou encore sur les privations que d’autres s'imposent à des fins diététiques. Ce serait vous priver de l'immensité et de la profondeur du mystère qui entoure le simple refus de manger ou de boire. Pour des objectifs avérés ou non, l'être humain s'est souvent soumis à la pénitence alimentaire.

75 ans de jeûne pour un homme

On se souvient encore de l'histoire de cet ascète hindou relayée au mois de mars par les médias internationaux. Surveillé 24 heures sur 24 dans un hôpital pendant deux semaines, Prahlad Jani, c'est son nom, n'a rien mangé, ni rien bu. Après deux semaines d'observation continue, des scientifiques ne comprenaient pas comment survit ce vieillard de 83 ans, qui prétend n'avoir ni bu ni mangé depuis l'âge de 8 ans grâce à la bénédiction d'une déesse (Amba Mata).

Selon lui, durant toutes ces décennies, sa seule nourriture a été une énergie métaphysique qu'il acquiert grâce à la méditation. Son jeûne est finalement passé de la renonciation à la nourriture à l'absence totale du besoin de s'alimenter. Pourquoi vit-il ainsi ? Seul lui et ses croyances hindouistes peuvent répondre à cette question. La dimension mystique du jeûne existe dans toutes les religions, des moins connues au plus répandues comme l'islam et le christianisme. Des marabouts ou des pasteurs ne s'imposent-ils pas des moments de jeûne en dehors du ramadan ou du carême pour satisfaire des personnes qui viennent les solliciter pour des besoins divers. Ces heures ou jours d'abstinence pendant lesquels des hommes de Dieu s'isolent parfois ne visent-ils pas l'acquisition d'une certaine puissance ? Voici la réponse de l'imam Cheik Abdoul Kader, aumônier de la gendarmerie : « dire que le jeûne procure des puissances mystiques ne relève pas de l'islam. La privation en islam ne vise que la purification interne pour être en harmonie avec Dieu. Une fois purifié, nos prières ont une grande chance d'être exaucées.

Des religieux se prononcent

Ainsi, un imam peut décider de jeûner, c'est-à-dire se purifier, avant d'implorer le secours de Dieu pour un fidèle. » La réponse de Aïcha, célèbre voyante à Yopougon, est un peu plus nuancée. « J'ai reçu mes dons de voyante de Dieu. Je suis musulmane et je jeûne pendant le ramadan. Il est rare que je fasse le jeûne lorsque je fais mes consultations ou quand je veux neutraliser un sorcier. Cependant, il arrive que, dans mon métier, je sois confrontée à des problèmes très compliqués à régler. Dans ces cas, je jeûne et je demande souvent aux personnes qui sont venues exposer le problème, de jeûner comme moi. Cela me permet d'être plus efficace pour régler le problème en question », avoue-t-elle. Pour l'abbé Jean-Baptiste Kouakou, ancien aumônier des jeunes à la paroisse St Bernard d'Attoban, dans la commune de Cocody, le jeûne permet de se rapprocher de Dieu, mais tout en priant. « Les exorcistes se préparent avant chaque grande veillée par des exercices spirituels et le jeûne fait partie de ces exercices. Mais sans prière, le jeûne n'a pas d'effet. Il faut être prêt spirituellement pour le combat. C'est comme le journaliste qui se prépare avant chaque émission. Il se prépare en faisant des recherches pour affronter celui qu'il va interviewer », ironise-t-il. Un membre de la Coordination des communautés religieuses catholiques, qui a requis l'anonymat, a fustigé, lui, le fait que certains pasteurs approchés par des malades en quête de guérison décident de jeûner pour ceux-ci, tout en leur demandant de jeûner à leur tour. « Plusieurs patients, surtout les diabétiques, ont été conduits à une mort précipitée par ces jeûnes secs qui les affaiblissent davantage », déplore le fidèle. A en croire la rumeur, c'est ce type de thérapie qui aurait accéléré le décès de la chanteuse Joëlle C, le 14 février 2008.

Tout en dénonçant cette pratique, le pasteur Alexandre Amazu, fondateur de l'Alliance biblique missionnaire de Côte d'Ivoire (Abmci), refait la louange du jeûne. « Tout chrétien normal doit jeûner. Il ne se limite pas à se priver de nourriture, mais à se priver de tout ce qui tend à nous éloigner de Dieu», estime-t-il.

Cissé Sindou