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Politique Publié le lundi 23 août 2010 | Le Nouveau Courrier

Les grands défis de demain

L’année du Cinquantenaire des indépendances de nombreux pays d’Afrique en est déjà à son huitième mois. De part et d’autre, on a fait bombance. Et on a tenté d’esquisser un bilan du demi-siècle en se posant un certain nombre de questions. D’hier à aujourd’hui, sommes-nous réellement indépendants ? Qu’avons-nous fait de notre liberté politique ? Que signifie l’indépendance d’un petit pays africain dans le contexte de la mondialisation ?
Nous n’avons malheureusement pas beaucoup évoqué, en termes prospectifs, les cinquante prochaines années. Certes, nous avons multiplié les vœux pieux, mais cela saurait-il suffire ? Des chantiers énormes nous attendent et nous pressent. Et si nous ne savons pas identifier leur ampleur et les conditions de leur réussite, de nombreuses nations du Continent sombreront dans un chaos dont un pays sans Etat comme la Somalie constitue la sinistre prophétie.

La démographie, opportunité ou piège ?
Dans 20 ans, la Côte d’Ivoire sera un pays peuplé d’environ 40 millions d’habitants. Il semble impossible de contrarier un doublement de la population dans un contexte où la moitié de la population a moins de vingt ans et va naturellement entrer dans sa phase de fécondité incessamment.
40 millions d’habitants, c’est un atout en termes de taille du marché et de force de travail cumulée. Mais cela peut être un vrai handicap si nous ne sortons pas du paradigme actuel. En effet, au-delà des slogans sur le «miracle ivoirien» d’antan, le moteur tousse depuis trop longtemps pour que les conséquences ne deviennent irréparables assez vite. Depuis 1981, le pays d’Houphouët-Boigny est sous ajustement structurel. De 1988 à 2009, il a vécu une longue période de blocage des salaires, des avancements et des reclassements dans la Fonction publique. Depuis 11 ans (c’est-à-dire 22% de sa vie d’Etat indépendant), la Côte d’Ivoire est dans un tourbillon maudit qui la rend «infréquentable» pour les investissements directs étrangers.
Pendant ce temps, la population ne cesse de grandir. Ce sont des bouches de plus à nourrir, des corps à soigner, des esprits à éduquer. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fait peur !

Changer totalement notre type de gouvernance
Dans un pays sous-peuplé, verdoyant et doté d’une ou deux matières premières stratégiques au point de vue mondial, comme l’était la Côte d’Ivoire d’il y a quarante ans, la mauvaise gestion, les déperditions financières voire des détournements récurrents d’une partie des ressources de l’Etat n’ont pas les mêmes conséquences politiques, sociales et économiques que dans un pays «rempli» de jeunes. Et pourtant, l’élite ivoirienne d’aujourd’hui reproduit les modèles du temps jadis, si elle ne se montre pas plus gourmande. Or, l’Afrique doit désormais se montrer cigale. Pour financer les investissements liés à un accroissement démographique effrayant, elle devra cesser d’être cigale et adopter la sagesse de la fourmi. Le pourra-t-elle ? Jusqu’à présent, la politique de la terre brûlée a toujours été le réflexe des nôtres, qui semblent habités par la certitude qu’aucun futur n’est possible sur le berceau de leurs ancêtres.

Immobilier : bientôt des capitales-bidonvilles ?
Bientôt, Abidjan et sa région seront peuplées de dix millions d’habitants. Comme la région parisienne d’aujourd’hui. Quel univers infernal cela sera si le système reste en l’état ? Si l’on continue à avoir des moyens de transport en commun rustiques comme les «wôrô-wôrô» et les «gbakas» là où il faut des lignes de tramway, des dizaines de bateaux-bus sur un plan d’eau enfin «nettoyé», des routes praticables permettant la circulation de vrais bus dans les différentes communes?
L’abandon paresseux de l’aménagement urbain par l’Etat central au profit de petites sociétés immobilières a déjà accouché d’un certain nombre de bidonvilles de luxe dans l’agglomération d’Abidjan, y compris dans des communes considérées comme «chics». Et pour cause : pas de travail d’assainissement en amont, un choix suicidaire d’étendre la ville à l’infini là où les exigences démographiques d’aujourd’hui exigent de construire en hauteur. Qui dit appartements viables dans de grands immeubles dit petites structures familiales, donc émancipation économique rapide des jeunes.

Agriculture et industrie : là où ça passe ou ça casse
Pour nourrir à des prix acceptables une population qui ne cesse de gonfler, il faut urgemment mécaniser l’agriculture. Or il est évident que le monde paysan ivoirien, dans sa structure actuelle, ne peut pas relever ce défi. Les initiatives de l’Etat dans ce sens durant les années 1970 ont quasiment toutes échoué, sans que l’on sache trop pourquoi. Faut-il se préparer à voir de grosses multinationales occidentales ou chinoises récupérer nos «terroirs» pour en tirer le meilleur parti et nous éviter de prochaines émeutes de la faim ? Faut-il obliger les groupes locaux qui font de l’agriculture de rente (hévéa, huile de palme) à développer des projets modernes d’agriculture vivrière à forte intensité ?
En tout cas, si le nombre de «braves paysans» diminue en raison de la modernisation de leur métier, ils viendront rejoindre la jeunesse urbaine sans emploi dans les ghettos des grandes villes. A moins que le pays commence sérieusement à transformer ses matières premières et à diversifier le nombre de produits manufacturés qu’il fabrique, créant ainsi des emplois dans l’industrie et les services.
Les plus pessimistes se demanderont – et ils auront raison – pourquoi faire demain des choix qu’on a refusés de faire aujourd’hui alors qu’on en avait largement les moyens. On pourrait leur répondre, avec toutefois un léger doute : par instinct de survie.
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