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Économie Publié le vendredi 17 septembre 2010 | Le Mandat

Interview / Attey Philippe, directeur général de la Sotra : "La Sotra disparaîtra si…"

© Le Mandat Par Emma
Cinquantenaire de la Côte d`Ivoire: le président Laurent Gbagbo assiste à la prise d`armes au palais
Samedi 7 août 2010. Abidjan, palais présidentiel du Plateau. Photo: Attey Philippe, DG de la SOTRA
Un colloque international initié par la Sotra se tient depuis le mercredi dernier au Golf Hôtel d’Abidjan. En attendant les conclusions des différents ateliers, M. Attey Philippe, directeur général, dans une interview accordée à la presse nationale et internationale, redoute la disparition de sa structure au cas où l’Etat, principal bailleur de fonds, ne joue pas sa partition.

50 ans d’existence de la Sotra. Quel bilan ?
C’est le bilan que nous sommes en train de dresser. Je ne voudrais pas dévancer les conclusions de ce colloque. Pourtant, je peux vous parler des difficultés. Et vous les connaissez. Il y a des difficultés externes et internes. Je vais commencer par la critique interne. Comme le minsitre d’Etat (Ndlr : Bohoun Bouabré) l’a dit tout à l’heure, sans remettre en cause la compétence et l’expertise des travailleurs de la Sotra, il n’est pas facile de mettre l’ivoirien au travail. Heureusement, nous avons des travailleurs leaders que nous récompensons tous les mois, à travers un challenge des excellents. Tandis que d’autres sont des passagers clandestins. Cela fait baisser les revenus. Nous avons aussi des phénomènes de triche auxquels aujourd’hui, les syndicats se sont attaqués pour endiguer tout ce qui est vol, tout ce qui est fraude. Imaginez que les recettes soient volées ou que les pièces de rechanges des engins disparaissent. Ce sont autant de difficultés que ce phénomène crée. Nous sommes conscients de ces faiblesses internes. Aussi, avec la période de crise que nous traversons, n’avons-nous pas voulu, à l’instar de certaines sociétés privées, faire des ajustements brutaux d’effectifs qui mettent dans la rue certains de nos concitoyens. Nous sommes également conscients de ces charges liées à un relatif sureffectif. Mais nous ne voulons pas rajouter à la crise que la Sotra a connue ainsi que la Côte d’Ivoire.

Quelle est la périodicité de ce colloque ?
C’est le premier colloque en 50 ans. Je ne peux pas vous donner rendez-vous au prochain cinquantenaire. Votre génération pourra avoir la chance d’être présente, mais moi, non ! On ne peut pas s’arrêtrer à ce stade chaque année. Mais il est bon que, même si on ne peut pas l’organiser de façon grandiose chaque année, il serait bon que, périodiquement, une entreprise s’arrête pour réflechir sur son sort. C’est en fait, une sorte d’états généraux de l’entreprise. Aujourd’hui, pour ce cinquantenaire qui correspond à mes 10 ans de présence, je pense qu’une périodicité de 10 ans est bonne, idéale pour remettre tout en cause.

Quelles sont les difficultés que rencontre la Sotra ?
Je vais vous entretenir de quelques difficultés externes. D’abord, ce sont les infrastructures. Vous les voyez tous les jours. Avec la crise actuelle, lorsqu’il pleut, toutes les chaussées sont endomagées. Et aujourd’hui, un autobus surchargé, pose problème et contribue même à dimunier notre flotte. De la même manière, la Sotra est la cible des vandales en cas d’événements malheureux ou de colère. J’ai été sidéré par une image au cinquantenaire, à Yamoussoukro, le 5 Août dernier. Quelqu’un a placardé un poster qui m’a beaucoup encouragé, avec un casseur de bus. On lui pose la question de savoir pourquoi il casse les bus de la Sotra ? Et lui de répondre : « pourquoi la Sodeci a coupé l’eau ? ». Vous comprenez? Pour des affaires qui n’ont rien à voir avec la Sotra, c’est cette entreprise qui en paie le prix. Cela diminue énormement nos moyens à tous. Puisque la Sotra, c’est le patrimoine de l’Etat. Et l’Etat, c’est nous tous. Il faut donc respecter ce patrimoine. Il y a aussi les difficultés financières liées à la crise que l’Etat traverse. Ces difficultés partent du fait que les prix des tickets des autobus ont été fixés depuis 1994 et n’évoluent plus. Nous sommes en 2010. De 1994 à maintenant, le taux d’inflation est de 53%. Les charges de la Sotra ont aussi pris 50% de plus de leur montant d’alors. En ce qui concerne les prix des tickets, ils n’ont pas varié. Et c’est l’Etat qui paie la différence, pour le compte de ceux que nous transportons gratuitement. C’est l’Etat qui paie la part des 80% des élèves et étudiants. Cet argent ne vient pas à temps ou ne vient même pas du tout. C’est une difficulté majeure dont au cours de ce colloque, les autorités présentes, notamment les ministères de l’Economie et des Finances, des transports sont largement informées parce qu’elles participent à notre séminaire. Même les hommes de presse travaillent avec les commissions. C’est de là que nous allons dégager les perspectives. Nous voulons élargir les réflexions à l’ensemble de la communauté nationale et à nos invités internationaux pour partager leurs expériences.

Vos attentes M. le Directeur.
Nos attentes sont évidemment, les remèdes aux maux que la société connaît, des remèdes à pérenniser; notre objectif au cours de ce colloque, c’est de permettre à chacun de nous, d’apporter sa pierre à l’édifice. Pour cela, il faut diagnostiquer le mal sans complaisance, proposer des solutions dont l’application permet de pérenniser le transport public. Parce que sans transport public, Abidjan, serait une galère infernale. On a vu les pays où les sociétés de transport sont tombées en faillite. Aujourd’hui, ces pays viennent nous solliciter, nous, Sotra, pour s’imprégner du secret de notre survie. Mais ce secret-là, est lui-même menacé aujourd’hui, si on ne trouve pas de solutions à nos problèmes, à travers ce colloque. Je le répète encore, si jamais la Sotra venait à disparaitre comme ses équivalents dans d’autres pays, et qu’il fallait la recréer, l’Etat de Côte d’Ivoire aura à mettre au moins 200 milliards de F Cfa sur la table. Vous avez vu qu’il y a eu un projet de création d’une société de transport urbain. Mais les promoteurs qui étaient de bonne volonté, n’ont jamais imaginé la charge que peut représenter la création et le maintien d’une société de transport urbain. Ça n’a pas pu voir le jour. Pas parce que quelqu’un les a gênés. Mais parce que la réalité est très lourde, au niveau des transports publics.

Que répondez-vous aux syndicats de transporteurs privés qui souhaitent venir à vous pour un partenariat ?
C’est un partenariat que nous appelons tous les jours. Parce que dans l’état actuel du transport urbain, la Sotra ne peut pas, à elle seule, transporter tous les Abidjanais. C’est donc un partenariat que nous voulons. Mais dans l’ordre. Parce que, l’Etat de Côte d’Ivoire qui est un Etat de droit, a bien réglementé les choses. C’est dans l’application qu’il y a un désordre. Voyez-vous aujourd’hui, un taxi compteur a droit de circuler et n’aura pas de concurrence à faire à la Sotra. Un taxi communal communément appelé wôrô-wôrô, qui a obtenu une autorisation délivrée par les autorités municipales, a aussi le droit d’exercer le transport à l’intérieur de la commune. C’est en fait ce qui est. Mais il y a des débordements. Donc, si celui qui est assigné à transporter des personnes à Abobo, veut transporter des usagers jusqu’à Port-Bouët, par exemple, cela n’est pas permis parce que les règles existent. Si cette règle est respectée, il n’y aura pas le désordre que nous observons aujourd’hui à Abidjan. Au délà de ceux-là, même les taxis compteurs, sont concurrencés par ceux qu’on appelle les clandestins. C’est-à-dire des voitures des particuliers qui ne sont pas déclarés comme des transporteurs et qui ne paient pas les charges et les impôts comme les transporteurs. Cela crée du désordre et met en danger ceux qui sont transportés.

N’est-ce pas un colloque de trop ?
Avez-vous déjà organisé ce colloque pour la Sotra ? De mémoire de citoyen et j’ai plus de 50 ans, je n’ai jamais entendu, ni vu de colloque de la Sotra. C’est la première fois que nous en organisons un. Et croyez-moi, je ne le fais pas pour le plaisir de le faire, par effet de mode. Si nous l’avons fait, c’est parce que nous l’avons jugé utile. Les conclusions seront remises à qui de droit. C’est-à-dire, à chaque acteur. Nous, Sotra, nous nous engageons à réaliser la part de thérapie qui nous revient. Et il appartiendra aux autres acteurs pour lesquels je ne peux pas répondre, de réaliser leur part. Mais si cela n’était pas fait, vous connaissez la sentance. C’est le risque de disparition de la société.

Propos récueillis par Evariste Nguessan
nguevas@yahoo.fr
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