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Politique Publié le mardi 9 novembre 2010 | Le Patriote

ISSIA / Après avoir été chassés de leurs campements, Les planteurs Baoulé toujours persécutés

A l’instar de leurs frères des autres localités du Haut-Sassandra, les planteurs Baoulés d’Issia ne sont pas au bout de leurs peines. Eux qui chaque jours, et cela depuis l’annonce des résultats du premier tour de la présidentielle du 31 octobre dernier, sont l’objet d’attaques ciblées, de menaces de mort et de vandalisme orchestré par les supporters de Laurent Gbagbo. Une visite auprès des victimes de ces barbaries injustifiées, ensuite sur les lieux de ces attaques, nous a permis de nous rendre compte de l’ampleur des dégâts et l’atmosphère qui y règne. Voilà les témoignages sur des faits avérés que le FPI et le camp présidentiel veulent faire passer pour des rumeurs

Des planteurs baoulé martyrisés

Lorsque hier, aux environs de 13 h, nous arrivons au domicile de Nanan Yobouet Konan, chef central des Baoulés du département d’Issia, au quartier Sodeci, le décor était déjà planté ; une assemblée composée d’une vingtaine d’hommes, 12 chefs de tribu Baoulés sur les 15 que compte le département, et des notables nous y attendent depuis quelques heures. Après les civilités d’usage, c’est le chef adjoint des Aholi de Brobo, Yao Kouakou Joseph à qui l’on remet la parole pour nous faire la genèse de ce que les Baoulés du département ont vécu durant ces derniers jours. Selon le témoignage de Yao Kouakou Joseph, c’est dans la matinée du lundi, au lendemain du vote, qu’a débuté le calvaire des baoulés. Selon lui, plusieurs d’entre eux, vivants dans des campements aux alentours du village de Brokoua sur l’axe Issia-Daloa, village natal de Tapé Do et du fédéral FPI d’Issia, Séraphin Bahouan Gahi, ont été la cible de militants du FPI qui les ont menacés de mort, après les scores engrangés par le candidat du PDCI, Henri Konan Bédié. Suite donc à ces menaces et dans la soirée même, des jeunes armés de machettes et de gourdins s’en sont pris au domicile du nommé Boni Kouakou résident à Brokoua et frère du secrétaire général de section PDCI de Kiprégogoua. « Quand les résultats ont commencé à tomber, des jeunes du FPI sont venus au domicile de Boni Kouakou. En son absence, ils ont fracturé les portes et ont tout pillé. Quand nous avons été saisis par ce dernier, nous sommes allés rencontrer le préfet pour lui exposer la situation. Après quoi, nous nous sommes rendus à la gendarmerie qui nous a fait accompagner de 7 éléments sur les lieux… La tension était palpable lorsque nous somme arrivés, les jeunes brandissant des machettes menaçant de nous « braiser » si nous ne quittions pas le village. Lorsque nous sommes partis de là, les villageois sont revenus pour casser le reste de la maison… », précisera le chef adjoint des Aholis de Brobo. Mais la furia destructrice des partisans de Laurent Gbagbo ne s’est pas arrêtée qu’à la localité de Brokoua. Ainsi, aveuglés par la colère, dans leur élan de vengeance contre ceux qu’ils accusent d’être des ingrats et dont le seul crime est d’avoir librement exprimé leur choix, ces derniers s’en sont pris à plusieurs autres campements Baoulés. Ainsi, sous la menace, près d’une centaine de planteurs Baoulés des villages de Bèmadi, Dobia, Broman nouveau quartier, Zobia, Irogogoua, ont été contraints de quitter leurs plantations, leurs fermes et leurs habitations, pour se réfugier pour certains chez des parents et pour d’autres, la majorité d’entre eux, au domicile du chef central, Nanan Yobouet Konan à Issia. « Au total, selon ce dernier, 94 déplacés majoritairement des baoulés du village de Bèmadi à 5 kilomètres sur l’axe Issia-Man, ont élus domicile chez le chef Yobouet Konan», dira pour sa part, Yao Kouakou Ambroise, chef des Baoulés de Tiendékro, en nous remettant une liste de noms des victimes

Pillage systématique des biens

A Bèmadi, tout comme dans les localités de Dohia, Broman Nouveau quartier, Zobia ou à Irogogoua, le calvaire vécu par les planteurs Baoulés reste le même. A coté des menaces verbales des militants du FPI, le plus difficile pour ces déplacés a été de voir leurs biens pillés et leurs habitations détruites et brûlées. Prenant la parole à la suite du chef Yao Kouakou Ambroise, le chef adjoint des Nananfoués de Yamoussoukro à Issia, Kouamé Amani Francois, a dit ne rien comprendre des motivations des agresseurs. Pour lui, l’argument électoraliste ne saurait justifier ce déchaînement destructeur des partisans de Laurent Gbagbo contre les Baoulés. « C’est vrai que nos parents, pris dans le tourbillon des menaces verbales et physiques, ont décidé de déserter leurs habitations et leurs plantations. Mais le plus difficile pour eux, est de savoir que ces habitations et ces plantations ont été soit pillées, soient détruites ou brûlées. A Bèmadi par exemple, lorsqu’ils ont réussi à chasser les Baoulés, ils ont investi tous les champs et plantations de Cacao, d’igname, de manioc pour les piller». Ainsi, poursuivra le chef Kouamé Amani François, « à Irogogoua , un groupe d’une trentaine de jeunes du FPI, conduit par les enfants du nommé Logbo Zako Gabriel, dont Bolou Banadé et un certain Marcellin, ont investi plusieurs champs de cacao dans le campement d’Antoinekro, dans la matinée du mardi dernier, pour y récolter les produits. L’argument avancé selon eux pour justifier leur forfait est que, selon la radio locale, les champs leur appartiennent désormais», expliquera le chef Amani Francois. La situation ne sera pas moins clémente pour Konan Aoutou Emile, propriétaire d’une ferme de plus de 500 unités de volailles, située dans le village de Zobia à quelques encablures de la ville d’Issia sur la route de Man, ce dernier a tout perdu par la faute des vandales du parti au pouvoir qui, dans la soirée du mercredi passé, ont pillé et mis le feu à son domaine. C’est les larmes aux yeux qu’il nous explique ses déboires. « Depuis le lundi dernier où ils ont commencé à nous menacer, ma famille et moi sommes venus nous installer à Issia par mesure de sécurité. Par la suite, je me suis rendu à la ferme dans la matinée du mardi pour constater qu’elle a été entièrement cambriolée et saccagée. Par la suite, je suis allé déposer une plainte à la gendarmerie d’Issia. Après mon départ, ils sont allés pour achever leur sale besogne. Ils ont mis le feu à ma ferme et à ma maison après avoir écrasé la centaine de poussins que j’avais pris soins de cacher dans la cuisine», affirmera Aoutou Emile, qui dit avoir tout perdu : vêtements et biens personnels, incendiés, lors de cette expédition punitive des jeunes de la mouvance présidentielle. Il nous brandit les photos de son domaine détruit en guise de preuves. Le plus déplorable dans tous ça, «c’est que les autorités prétendent qu’il n’y a rien qui se passe ici et que ce ne sont que des rumeurs. Dites leurs que nous sommes menacés ici», se plaindra t-il.

Menaces d’expropriation des terres

La rencontre convoquée vendredi dernier par l’émissaire du ministre Désiré Tagro auprès des chefs Baoulés du département d’Issia, le directeur des cultes N’Guéssan Kouakou Djuingué Pascal, ancien sous-préfet d’Issia, au domicile du ministre à Issia selon une source bien introduite, avait pour but de convaincre les chefs Baoulés à battre campagne en faveur du candidat Laurent Gbagbo. « Ils nous ont présenté une carte de la Cote d’Ivoire avec les régions où sont représentés tous les partis. Ils nous ont demandé de voter Gbagbo parce qu’Alassane est un mossi, un étranger. Ils veulent nous contraindre à dire oui à Gbagbo, même s’il y a des différends. Plus grave, ils demandent aux chefs d’appeler la communauté à voter Gbagbo pour préserver nos forêts, pour la survie de nos champs. ‘‘ Si Gbagbo n’est pas élu, ce qui va arriver, c’est votre problème. Ne vous trompez pas pour voter autre que lui sinon’’, a prévenu Djuingué Pascal, selon notre informateur qui a souhaité garder l’anonymat.
Les chefs que nous avons pu rencontrer sont tous formels, leur dignité et leur neutralité ne seront pas vendues sur l’autel des ambitions de qui que ce soit. Ce qu’il faut retenir d’eux, c’est que le vote est personnel et chacun, sans contrainte ni menace, a le droit de choisir celui qu’il souhaite, sans que l’autorité coutumière, de par son devoir de neutralité, n’intervienne pour influencer ce choix. Ainsi, aux dires de notre informateur, une forte somme d’argent a été proposée par l’émissaire de Désiré Tagro, le directeur des Cultes aux chefs Baoulés pour convaincre leurs parents ; chose qu’ils disent avoir refusée. Cette thèse a été corroborée par le chef central Nanan Yobouet Konan qui, dans une réflexion pleine de sens, a exprimé l’état d’âme des populations Baoulés d’Issia : « Nous sommes venus pour chercher de l’argent. Si nous n’avons pas pu en avoir à la sueur de notre front, ce n’est pas quelqu’un qui va nous le donner». Avant d’ajouter : « ce n’est pas un problème de parti politique… Tant que des Baoulés ont des problèmes, je suis obligé de m’investir, c’est pourquoi j’ai hébergé des frères chassés de leurs plantations. Aucun politicien du FPI n’est venu nous réconforter depuis». Une sage réflexion qui sans nul doute donnera à réfléchir aux émissaires du camp présidentiel pour qui, tout ce qui se passe en ce moment à Issia n’est que rumeur.

D. KONATE, Correspondant
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