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Politique Publié le vendredi 3 décembre 2010 | Le Patriote

Témoignage/ Koné Ge Gbaffolo Boubacar (victime) - “Nous avons vécu l’enfer”

Miraculé de cette boucherie, le jeune footballeur Koné Ge Gbaffolo Boubacar raconte cette nuit effroyable où plusieurs de ses camarades ont été froidement abattus par des gendarmes.
Le Patriote : Que s’est-il exactement passé hier nuit ?
Koné Ge Gbaffolo Boubacar : Nous étions hier réunis au QG de campagne du RDR à Yopougon Wassakara. Nous étions assis tranquillement, certains autour du thé et d’autres en train de regarder la télé. Vers 22h, on a entendu des tirs dehors. Mais, nous sommes restés calmes. Certains de nos camarades, qui étaient postés sur la dalle nous ont informés que des gendarmes étaient en train d’encercler le siège. Nous nous sommes calmés. Puis, ils ont frappé à la porte pendant cinq minutes en criant : « ouvrez, ouvrez ». Personne n’a répondu. Certains d’entre nous ont couru pour entrer dans les bureaux, afin de s’abriter. Et quelques instants après, on a vu des gendarmes escalader la clôture pour descendre dans la cour du bâtiment. Et aussitôt, ils ont commencé à tirer, dans tous les sens avec des kalachs. Ils ont abattu ceux qui étaient dans la cour et se son dirigés vers le bâtiment dont nous avions fermé la porte. Ils ont cassé la porte et dès qu’ils sont entrés, ils ont commencé à tirer sur tout ce qui bougeait. Dans ma fuite, je me suis dirigé vers la cour arrière avec d’autres camarades qui fuyaient ces tueurs. Certains ont pris la clôture ont aussi essuyé des tirs. Finalement, j’ai pu m’abriter quelque part. Et après les tirs, ils ont débusqué ceux qui étaient en vie dans leur cachette. Et ils ont fait sortir du siège. Ils nous ont demandé de nous déshabiller et nous ont conduits sur la rue princesse où ils ont demandé de nous mettre à genoux. J’oubliais : en sortant du siège, un de nos camarades était couché dehors, il avait pris une balle, ils lui ont demandé de se lever et quand il se levait, ils ont encore tiré sur lui. Donc, sur la rue princesse, ils ont dit de ramper en direction de la pharmacie Bel Air. On rampait quand, une voiture de police a pris la voie au niveau de la pharmacie Bel Air, ils ont dit de nous coucher à plat ventre. Ce que nous avons fait et quand la voiture de la police est passée, ils ont fait ramper jusqu’au carrefour de la mairie ou des cargos, trois ou quatre, je ne sais plus exactement le nombre, avaient pris position. Nous étions tous blessés aux genoux. Ils nous ont intimé l’ordre de monter dans le véhicule. Et quand nous sommes montés. Ils ne cessaient de crier : « On va vous abattre. C’est vous qui voulez mettre ce Mossi au pouvoir ». Ils nous ont battus avec leurs cordelettes et les crosses de leurs kalaches

L.P : Où vous ont-ils emmener ?
K.G.G.B : Ils nous ont emmenés à la brigade de Toits-Rouges. Là, ils ont commencé à prendre nos noms. Et au fur et à mesure qu’on déclinait nos identités, ils ne cessaient de nous marteler qu’on était des étrangers comme le Président Alassane Ouattara et qu’il ne serait jamais Président de la Côte d’Ivoire. Avec mon gabarit 1,80 pour 88 kg, ils répétaient sans cesse que c’est des gens comme moi qu’ils recherchent et qu’ils vont m’égorger. Et fait grave, ils ont menti dans leur rapport que c’est nous qui avons tiré sur eux d’abord et qu’ensuite, ils ont riposté. Ce qui est archifaux car aucun de nous n’était armé et en plus personne n’était dehors à plus forte raison n’a tiré sur ces gendarmes. Ils ont aussi écrit dans les PV que nous avions des machettes, ce qui est faux. Ensuite, ils nous ont conduits au camp de gendarmerie d’Agban où nous sommes arrivés à 3h du matin. Là-bas, ils nous ont battus avec la crosse de leurs kalaches et leurs cordelettes.

L.P : Comment vous êtes-vous alors retrouvés au CHU de Cocody ?
K.G.G.B : Au petit matin, des gendarmes ont gardé ceux qui n’étaient pas blessés, et conduits ceux qui souffraient comme moi au CHU de Cocody. Nous étions six. Quand nous sommes arrivés au CHU de Cocody, nous avons trouvé sur place deux de nos camarades qui étaient aussi blessés. Nous sommes donc au total huit personnes hospitalisées. C’était effroyable. Nous avons vécu l’enfer.

L.P : On parle d’au moins huit morts dans cette attaque…
K.G.G.B : Je pense qu’il y a eu plus que ça. Des corps ont été transportés par nos agresseurs dans un corbillard. Nous étions 51 personnes, sans les chefs. Je pense qu’il y a eu plus de victimes, une trentaine environ.

L.P : De quoi souffrez-vous en ce moment ?
K.G.G.B : Je ressens d’énormes douleurs à la tête, où on m’a donné plusieurs coups avec la crosse de kalach. J’ai été aussi battu au dos avec des cordelettes.
Y. Sangaré

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