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Économie Publié le lundi 13 décembre 2010 | Le Patriote

Interview / Jean-Louis Billon (Président de la Chambre de commerce et d’industrie) - “Nous ne payerons pas une même taxe à deux Etats”

© Le Patriote Par DR
Equipe nationale de football de Côte d`Ivoire - M. Jean-Louis Billon, président du Comité national de soutien aux Eléphants
La Côte d’Ivoire se trouve aujourd’hui dans une situation inédite et critique. Après avoir tiré la sonnette d’alarme sur les dérives constatées lors de la campagne présidentielle, dans cette interview, M ; Jean-Louis Billon, président de la Chambre de commerce et d’industrie exprime ses inquiétudes quant à l’avenir de l’économie ivoirienne.
Dans l’entre-deux tours des élections, nous avons tous lu vos messages d’interpellation au monde politique pour une sortie de crise définitive permettant de préserver l’activité économique. Comment le monde économique a-t-il vécu les 2 mois qui viennent de s’écouler ?
Jean-Louis Billon : Ces deux derniers mois de campagne électorale ont été vécus dans une ambiance au caractère plutôt festif, qui amusait tout le monde. Mais, au plan économique, il y a quand même eu ralentissement. Vous le savez, les périodes électorales ont toujours été des périodes de troubles dans les pays africains. Conscients de cela, les acteurs économiques prennent généralement les devants en réduisant leur activité par soucis de protection. Contrairement au 1er tour, le ton de la campagne au 2ème tour nous a inquiétés parce qu’il ne s’agissait pas d’un débat d’idées, de programme ou de présentation d’une vision de la société ivoirienne, mais plutôt d’un débat orienté vers la personne, avec des propos qui fragilisent la cohésion sociale.
Il nous a alors paru essentiel de relancer notre appel au calme, au bon sens et à la grandeur d’âme. Enfin, comme tout le monde, l’issue des élections et la situation dramatique dont nous héritons aujourd’hui n’est évidemment pas faite pour nous plaire ou nous convenir.

Parlez-nous un peu plus du coût et des conséquences du couvre-feu en place depuis une quinzaine de jours pour les opérateurs économiques et quelles sont les dispositions qui sont prises par votre institutions au plan administratif et fiscal ?
JLB : Malheureusement, ce sont une fois de plus les entreprises et les travailleurs ivoiriens qui vont payer les frais des conséquences du couvre-feu et du climat socio-politique général actuel :

De nombreux marchés sont fermés depuis le 28 novembre 2010.
Une inflation importante galopante frappe les produits essentiels (charbon, huile, riz, viande…) ainsi que les vivriers.
Il y a perturbation d’approvisionnement et donc manque de produits « import/export ». La fermeture des frontières a automatiquement engendré une augmentation du prix de la viande qui vient de trois pays (Niger, Mali, Burkina Faso), la Côte d’Ivoire n’étant pas traditionnellement productrice de viande. Le mois de décembre, qui représente la période la plus prospère de l’année voit des commandes arrêtées ou annulées, et les fournisseurs enregistrent bien sûr des défauts de paiements de clients. Nombreux également sont ceux qui se plaignent du manque d’activités de ce mois de décembre, de la baisse drastique de leur chiffre d’affaires, et du chômage technique qu’il a fallu décider. Pour l’industrie, qui marche 24 h sur 24h ou en 3/8, malheureusement, elle a elle aussi été contrainte de fonctionner en 2 équipes de 12 heures, avec la conséquence du paiement de 8 heures supplémentaires. Malgré cela, le couvre-feu ne permettait pas aux personnels d’être en place en raison des horaires restreints. Tout cela représente un coût qui est répercuté sur les produits. Le consommateur ivoirien a pu constater une inflation de près de 30 % parfois sur certains produits! L’arrêt de certaines chaînes de TV ou le blocage de certains services de technologie de l’information est un problème. Aujourd’hui, les technologies de l’information nous permettent également d’avoir l’information des marchés à l’international, or nous sommes le pays des matières premières et ces informations de marchés nous rendent réactifs. On sape l’activité et la bonne marche de la Côte d’Ivoire. Il ne faut pas oublier que les SMS sont aussi des moyens de paiement en plus d’être des moyens d’information ! En outre, nombreuses également sont les entreprises qui dépendent et vivent des SMS. S’agissant du volet administratif et fiscal, nombreux sont les opérateurs qui appellent à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire pour savoir quelle doit être leur position quant à leurs obligations fiscales des 10 et 15 décembre 2010. Il faut savoir que sur un plan purement juridique, si l’on considère que la Côte d’Ivoire est un Etat de droit, comme on aimerait le croire, où un contribuable a des obligations, il a avant tout des droits. Notamment celui, si techniquement il y a problème, de ne pas payer une même taxe à deux Etats. Nous avons dû conseiller à l’ensemble des entreprises de suspendre leurs obligations fiscales jusqu’à ce que nous ayons un seul et unique interlocuteur en face de nous. Le débat ne nous appartient pas mais il est hors de question qu’en cette période de fêtes, le secteur privé soit le dindon de la farce !!! Il faut bien comprendre que depuis des années nous avons bel et bien rempli nos obligations fiscales ; tout cela pour finalement assurer le train de vie de l’Etat et bien sûr des politiques. Aujourd’hui, il y a un Etat de trop et nous ne participerons pas au maintien de cette situation intolérable!

Votre institution est en permanence en contact avec ses homologues de la sous-région mais aussi du monde entier. Comment vos partenaires perçoivent-ils la situation qui prévaut actuellement en Côte d’Ivoire et quelle est votre position?
JLB : On se trouve aujourd’hui, aux yeux du monde, avec deux présidents, deux premiers ministres et deux gouvernements dont un qui n’est pas reconnu à l’international. A l’Etranger, on s’étonne de cette situation atypique. Cela n’a jamais existé sauf au Zaïre, à l’époque de Mobutu. La seule différence, c’était que les deux présidents n’étaient pas dans la même ville ! Nos partenaires internationaux commentent notre situation avec beaucoup d’humour mais également avec beaucoup de tristesse. Soyons francs, il serait bon pour nous que la Côte d’Ivoire sorte rapidement de cette impasse si nous voulons encore être crédibles. Tout l’exercice électoral de la sortie de crise devait nous amener à retrouver notre crédibilité et l’aura de la Côte d’Ivoire ; il est fort dommageable qu’aujourd’hui nous nous retrouvions dans une position radicalement contraire!

Vous avez maintes fois déclaré que le monde économique créait la richesse permettant à notre pays d’assumer son développement. Le grand public n’est pas toujours au fait de cette affirmation. Pouvez-vous nous expliquer comment le secteur privé peut contribuer au développement durable ?
JLB : C’est le secteur privé qui est véritablement créateur de richesses, l’Etat étant là pour assurer la providence, la sécurité, la paix et la justice. Tout cela ne fonctionne qu’avec des recettes fiscales. En ralentissant et même en arrêtant l’activité économique, il est évident que l’on compromet gravement le fonctionnement général du pays, dont malheureusement les victimes seront une fois de plus les économiquement faibles et la jeunesse dont l’avenir ne fera que s’obscurcir si cette crise dure. Un secteur privé fort, compétitif, innovateur, entreprenant est à mon sens l’acteur principal d’une croissance économique soutenue, d’un développement durable, seul garant d’un renforcement de la cohésion sociale et d’une paix durable. Plus nous aurons de salariés, plus nous aurons de bien-être et mieux le pays se portera !

Après le résultat du deuxième tour et les conséquences sur la vie du pays, quelles sont les perspectives aujourd’hui pour les opérateurs économiques ivoiriens ? En tant que Président de l’Institution qui représente le monde économique, comment voyez-vous l’avenir ?
JLB : Je crois toujours au potentiel de notre pays. Pour l’immédiat, nous devons sortir de cette impasse. Il faut cependant avouer que nous avons des craintes quant aux oppositions de nos leaders et quant à la fracture que cela engendre dans le pays et qui fragilise la paix sociale.
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