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Politique Publié le lundi 13 décembre 2010 | Le Temps

Barack Obama à l’Assemblée générale de l’Onu, en 2009 :«La démocratie ne peut être imposée de l’extérieur»

© Le Temps
Le president des Etats Unis Barack Obama
Avec la crise que vit la Côte d’Ivoire aujourd’hui, les prises de positions de certaines puissances, y compris les Etats-Unis heurtent le bon sens. Entre le discours de Barack Obama, en 2009, à l’Onu, et le choix de son pays pour ce qui est de la crise post-électorale, il y a un hiatus. Larges extraits.

Monsieur le président,
Monsieur le Secrétaire général,
Distingués délégués,
Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un honneur de m’adresser à vous pour la première fois en ma qualité de 44e président des États-Unis. Je me présente devant vous en toute humilité, conscient de la responsabilité que les Américains m’ont donnée et de l’énormité des défis de notre époque. Mais je suis résolu à agir audacieusement et collectivement au nom de la justice et de la prospérité dans mon pays et à l’étranger.

J’ai pris mes fonctions, il y a seulement neuf mois, mais il me semble parfois que cela fait plus longtemps. Je suis très conscient de l’espoir qu’a soulevé mon élection dans le monde. Mais il ne s’agit pas de moi. Ces attentes - j’en suis convaincu - proviennent du mécontentement engendré par un statu quo qui nous a permis de nous définir de plus en plus par nos différences et a été dépassé par nos problèmes. Mais elles sont également enracinées dans l’espoir - l’espoir que le réel changement est possible, et que l’Amérique sera une puissance qui engendrera ce changement.

J’ai pris mes fonctions à un moment où de nombreuses personnes, dans le monde entier, avaient commencé à considérer l’Amérique avec scepticisme et méfiance. Cela s’explique en partie par certaines images et informations fausses au sujet de mon pays. Mais cela s’explique également par une opposition à certaines politiques, et par une conviction que sur certains dossiers clés, l’Amérique a agi unilatéralement, sans se préoccuper des intérêts des autres. Cela a alimenté un réflexe antiaméricain qui, trop souvent, a servi d’excuse à l’inaction collective.

Certes, tout comme vous, ma responsabilité est d’agir dans l’intérêt de mon pays et de mon peuple, et je ne m’excuserai jamais de défendre ces intérêts. Mais je suis profondément convaincu qu’en cette année 2009 - plus que jamais dans l’histoire de l’humanité - les peuples et les Nations ont des intérêts communs. Les convictions religieuses que nous chérissons dans nos cœurs peuvent forger de nouveaux liens entre les peuples ou elles peuvent nous amener à nous déchirer. La technologie que nous maîtrisons peut éclairer la voie de la paix ou la plonger à jamais dans l’obscurité. L’énergie que nous utilisons peut soutenir notre planète ou la détruire. L’espoir d’un enfant - où qu’il soit - peut enrichir notre monde ou l’appauvrir. (…) Notre organisation a pour fondation la conviction que les pays du monde peuvent résoudre ensemble leurs problèmes. Franklin Roosevelt, qui est mort avant de pouvoir voir sa conception de cette Institution se concrétiser, a déclaré : « La structure de la paix mondiale ne peut être l’œuvre d’un seul homme, d’un seul parti ou d’un seul pays (…) On ne peut pas avoir une paix de grands pays, ou de petits pays. Ce doit être une paix qui repose sur la coopération du monde entier. »

La coopération du monde entier. Ces mots sonnent encore plus justes de nos jours, alors que ce n’est pas seulement la paix, mais notre santé et notre prospérité mêmes que nous avons en commun. Nous savons aussi que notre organisation se compose d’États souverains. Il est regrettable, mais non pas surprenant, qu’elle soit souvent devenue un forum où l’on sème la discorde au lieu de trouver un terrain d’entente, un lieu où l’on pratique la politicaillerie et où l’on exploite les griefs au lieu de résoudre les problèmes. Après tout, il est facile de monter sur cette tribune, de montrer du doigt et de renforcer les divisions. Rien n’est plus facile que de jeter le blâme sur d’autres pour nos difficultés et de nous dégager de toute responsabilité pour nos choix et notre action. Tout le monde peut le faire. La responsabilité et l’exercice de l’autorité au XXIe siècle exigent plus que cela.

À une période où notre destin est commun, le pouvoir n’est plus un jeu à somme nulle. Aucun pays ne peut ni ne doit tenter de dominer un autre. Aucun ordre mondial qui place un pays ou un groupe de pays au-dessus d’un autre ne réussira. Aucun équilibre du pouvoir entre les pays ne tiendra. Les divisions traditionnelles entre les pays du Sud et ceux du Nord n’ont aucun sens dans un monde interconnecté, tout comme les alignements d’États fondés sur les divisions d’une guerre froide révolue depuis longtemps.

Il est temps de prendre conscience du fait que les anciennes habitudes, les anciens arguments n’ont guère de rapport avec les problèmes auxquels se heurtent nos peuples. Ils poussent les pays à agir contrairement aux buts mêmes qu’ils prétendent poursuivre et à voter, souvent au sein de la présente organisation, contrairement aux intérêts de leur population. Ils érigent des barrières entre nous et l’avenir auquel nos peuples aspirent, et il est temps d’abattre ces barrières. Il nous faut former ensemble de nouvelles coalitions qui aplanissent les anciennes divisions, des coalitions de religions et de convictions différentes, du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, de Noirs, de Blancs et de Bruns de peau.

C’est à nous de décider. On pourra se souvenir de nous comme d’une génération qui a choisi de remettre sur le tapis au XXIe siècle des arguments du XXe siècle, qui a différé des choix difficiles, qui a refusé de penser à l’avenir, qui a été dépassée par les événements parce que nous nous définissions par ce à quoi nous étions opposés et non ce à quoi nous étions favorables. Ou bien nous pouvons être une génération qui choisit de voir la côte au-delà des eaux agitées, qui s’unit dans l’intérêt de tous les êtres humains et finalement qui donne un sens à la promesse enchâssée dans le nom donné à notre Institution : les Nations unies.
C’est là l’avenir que les États-Unis souhaitent, un avenir de paix et de prospérité que nous ne pourrons connaître que si nous reconnaissons que tous les pays ont des droits, mais aussi des obligations. C’est là le compromis qui permet d’obtenir des résultats et qui doit être le principe directeur de la coopération internationale.

Aujourd’hui, je tiens à faire état des quatre piliers qui sont, à mon avis, fondamentaux pour l’avenir que nous souhaitons pour nos enfants : la non-prolifération et le désarmement ; la promotion de la paix et de la sécurité ; la protection de notre planète ; enfin, une économie mondiale qui offre des possibilités à tous. (…)Les pays riches qui ont causé tant de dégâts à l’environnement au cours du XXe siècle doivent accepter la responsabilité qui nous incombe de jouer un rôle primordial pour y remédier. Mais celle-ci ne s’arrête pas là. Bien que les réponses à ce problème soient différentes pour chacun de nous, toutes les initiatives visant à réduire les émissions de carbone doivent inclure la participation des pays qui en produisent des quantités de plus en plus accrues ; et ces pays-là devront adopter des mesures pour atténuer la pollution de l’air sans pour autant entraver la croissance de leur économie. Et toutes les initiatives pour contrer le réchauffement de la planète qui ne tiendront pas compte de la nécessité d’aider les pays les plus pauvres à s’adapter aux problèmes que les changements climatiques leur ont déjà infligés - et de les aider aussi à avancer sur la voie du développement propre - ne porteront pas fruit.

Il est difficile de changer quelque chose d’aussi fondamental que notre façon d’utiliser l’énergie. Et c’est encore plus difficile quand nous nous trouvons au milieu d’une récession mondiale. Il est certainement tentant de ne rien faire et d’attendre que les autres fassent le premier pas. Mais nous ne parviendrons à destination que si nous avançons tous ensemble. Alors que nous nous rapprochons de (la conférence de) Copenhague, prenons la résolution de nous concentrer sur ce que chacun de nous peut faire pour le bien de notre avenir commun.
Ceci m’amène au dernier pilier qui devra fortifier notre avenir : une économie mondiale offrant des possibilités à tous les êtres humains.

Le monde se remet encore de la pire crise économique qui l’ait frappé depuis la grande dépression des années 1930. Aux États-Unis, nous voyons les rouages de la croissance se remettre en marche, mais beaucoup de gens n’arrivent toujours pas à trouver un emploi ou à payer leurs factures. On observe de par le monde des signes prometteurs, mais peu de certitudes sur ce qui nous attend. Et bien trop de personnes dans beaucoup trop d’endroits du globe traversent les crises quotidiennes de notre humanité commune : le désespoir d’un ventre vide, la soif due à la raréfaction de l’eau potable, l’injustice d’un enfant qui se meurt d’une maladie pourtant traitable ou d’une mère qui succombe au moment d’accoucher.

À Pittsburgh, les plus grandes économies du monde se concerteront pour dresser un plan de croissance à la fois équilibrée et soutenue. Il faudra de la vigilance, afin de ne pas nous relâcher tant que nos citoyens chercheront encore du travail. Il faudra prendre des mesures pour revigorer la demande de manière à ce que la relance mondiale soit durable. Il faudra enfin appliquer de nouvelles règles de conduite et une réglementation renforcée à tous les centres financiers, afin de mettre fin à la cupidité, aux excès et aux abus qui nous ont conduits à la catastrophe et d’empêcher que pareille crise jamais se renouvelle.

À l’époque d’une telle interdépendance, nous avons intérêt, sur le plan tant moral que pragmatique, à nous attaquer aux questions plus générales de développement. Aussi poursuivrons-nous notre effort historique visant à aider les populations à se nourrir. Nous avons mis de côté 63 milliards de dollars pour continuer la lutte contre le Sida, pour réduire la mortalité due à la tuberculose et au paludisme, pour éradiquer la polio et pour renforcer les dispositifs de santé publique. Nous nous joignons à d’autres pays pour envoyer des vaccins contre le H1N1 à l’Organisation mondiale de la santé. Nous allons intégrer d’autres économies dans un système commercial mondial. Nous soutiendrons les Objectifs de développement du millénaire et aborderons le sommet de l’année prochaine armés d’un plan mondial pour qu’ils se réalisent. Enfin, nous chercherons à éliminer la pauvreté extrême à notre époque.

Le temps est venu, pour nous tous, de jouer le rôle qui nous revient. La croissance ne sera ni soutenue ni générale que si toutes les Nations assument leurs responsabilités. Cela signifie que les pays riches devront ouvrir leurs marchés à davantage de biens et tendre la main à ceux qui ont moins, tout en réformant les Institutions internationales de manière à accorder une voix plus importante à davantage de pays. Les pays en développement, pour leur part, devront éradiquer la corruption qui est un obstacle au progrès, car les possibilités de progrès ne peuvent s’épanouir là où les individus sont opprimés et où les entreprises doivent verser des pots-de-vin. C’est pour cela que nous soutenons les États dotés de policiers honnêtes et de juges indépendants, d’une société civile et d’un secteur privé dynamique. Notre but est simple : une économie mondiale où la croissance est soutenue et où il existe des possibilités pour tous.
Certes, les changements dont j’ai parlé aujourd’hui, ne seront pas faciles à accomplir. Et ils ne s’opéreront pas par le seul rassemblement de dirigeants comme nous dans des forums tels que celui-ci, aussi utiles puissent-ils être. En fait, comme c’est le cas de toute assemblée, le vrai changement ne peut se réaliser que par les peuples que nous représentons. C’est pourquoi, il nous revient d’accomplir la tâche difficile de préparer les fondements du progrès dans chacune de nos capitales. C’est là que nous bâtirons le consensus qui mettra fin aux conflits et qui appliquera la technologie à des fins pacifiques, qui changera notre manière de consommer l’énergie et qui favorisera une croissance durable et partagée.

Je suis convaincu que tel est l’avenir que veulent les peuples du monde pour leurs enfants. C’est pourquoi, nous devons défendre les principes qui garantissent qu’un gouvernement reflète la volonté du peuple. Ces principes ne sauraient s’instaurer après-coup : la démocratie et les Droits de l’Homme sont essentiels à la réalisation de chacun des objectifs que j’ai énoncés aujourd’hui, car un gouvernement appartenant au peuple et émanant du peuple a plus de chances d’agir dans l’intérêt général de la population que dans l’intérêt étroit des personnes au pouvoir.
Nos qualités de dirigeant ne se jugeront pas à la mesure dans laquelle nous aurons attisé les peurs et les vieilles haines de nos peuples. La qualité de notre direction ne se mesurera pas selon notre pouvoir d’étouffer la contestation ou d’intimider ou harceler nos adversaires politiques chez nous. Les peuples du monde réclament un changement. Ils ne toléreront pas les gens qui se rangeront du mauvais côté de l’histoire.

La Charte de cette Assemblée nous engage, chacun de nous, et je cite, « à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de Droits des hommes et des femmes ». Au nombre de ces droits figurent celui de s’exprimer librement et de pratiquer la religion de son choix ; la promesse de l’égalité entre les races et la possibilité, pour les femmes et les filles, d’atteindre toutes leurs potentialités ; la capacité des citoyens d’avoir voix au chapitre en ce qui concerne la manière dont ils sont gouvernés et d’avoir confiance en l’administration de la justice. Car de même qu’aucune Nation ne doit être obligée d’accepter la tyrannie d’une autre, aucun individu ne doit être obligé d’accepter la tyrannie de son propre peuple.

En tant qu’Afro-Américain, je n’oublierai jamais que je ne serais pas ici aujourd’hui, si ce n’était la poursuite inlassable d’une union plus parfaite dans mon pays. Ce fait me raffermit dans ma conviction que, si sombre que l’heure puisse paraître, il est possible d’opérer des transformations pour peu que l’on décide de se placer du côté de la justice. Et je promets que l’Amérique se rangera du côté de tous ceux qui militeront pour leur dignité et pour leurs droits, de l’étudiant qui désire apprendre, de l’électeur qui veut se faire entendre, de l’innocent qui aspire à la liberté, de l’opprimé qui aspire à l’égalité.

La démocratie ne saurait s’imposer de l’extérieur à un pays quelconque. Chaque société doit chercher sa voie, et aucune voie n’est parfaite. Chaque pays doit s’engager dans une direction qui est ancrée dans la culture de sa population et dans ses traditions. Je reconnais que l’Amérique a trop souvent été sélective dans sa promotion de la démocratie. Mais cela ne diminue en rien notre engagement ; cela ne fait que le renforcer. Il y a certains principes de base qui sont universels, certaines vérités qui sont évidentes en elles-mêmes, et les États-Unis d’Amérique ne relâcheront jamais leurs efforts en vue de défendre le droit de tous les peuples, où qu’ils soient, de déterminer leur destin.

Il y a soixante-cinq ans, un Franklin Roosevelt usé s’adressa aux Américains à l’occasion de son quatrième et dernier discours d’investiture. Après des années de guerre, il s’efforça de résumer les leçons que l’on pouvait tirer des souffrances terribles, des sacrifices énormes qui avaient été consentis. « Nous avons appris, a-t-il dit, à être des citoyens du monde, des membres de la communauté humaine. »

Les Nations unies sont la création d’hommes et de femmes comme Roosevelt, venus des quatre coins du monde, d’Afrique, d’Asie, d’Europe et d’Amérique. Ces architectes de la coopération internationale étaient animés d’un idéalisme qui n’avait absolument rien de naïf mais qui provenait des leçons durement apprises de la guerre et de la sage considération que les Nations pouvaient faire avancer leurs intérêts en agissant ensemble plutôt que divisées.

C’est sur nous, à présent, que cette responsabilité retombe, car cette Institution sera ce que nous en aurons fait. L’Organisation des Nations unies fait un bien extraordinaire dans le monde entier, en nourrissant les affamés, en soignant les malades, en réparant des lieux démolis. Mais elle a aussi du mal à faire appliquer sa volonté et à se montrer digne de ses idéaux fondateurs.
Je suis d’avis que ces imperfections ne sont pas une raison de délaisser cette Institution ; au contraire, elles doivent nous motiver à redoubler d’efforts. Les Nations unies peuvent être, soit un lieu de mesquines querelles sur des griefs surannés, soit un terrain d’entente ; un lieu où nous insistons sur ce qui nous divise, ou sur ce qui nous rassemble ; un lieu où on cède devant la tyrannie, ou une source d’autorité morale. En bref, l’Onu peut être une Institution déconnectée de tout ce qui compte dans la vie des peuples, ou elle peut être un facteur indispensable de promotion des intérêts des populations que nous servons.

Nous sommes arrivés à un moment déterminant. Les États-Unis restent prêts à entamer un nouveau chapitre de coopération internationale, qui reconnaît les droits et les responsabilités de toutes les Nations. C’est pourquoi, confiants dans la justesse de notre cause, et résolus à défendre nos valeurs, nous invitons tous les pays du monde à se joindre à nous afin de construire l’avenir que notre monde mérite tant.

Barack Obama,
Président des Etats-Unis

NB : Les titres et le chapeau sont de la rédaction.
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