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Politique Publié le mardi 14 décembre 2010 | L’intelligent d’Abidjan

Crise post-électorale / Mamadou Koulibaly prend position (1ère partie) - ‘’On peut sauter l’intermède qui consiste à passer par les tueries et arriver directement à une entente’’

© L’intelligent d’Abidjan Par Prisca
Couverture médiatique des élections - Le CNCA remet un guide aux journalistes
Mercredi 1er septembre 2010. Abidjan. Hôtel du district. Le guide de la couverture médiatique des élections est remis aux journalistes, en présence du président de l`Assemblée nationale, le professeur Mamadou Koulibaly, et des membres de nombreuses représentations diplomatiques
Invité de la radio confessionnelle catholique, Radio Espoir, le professeur Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée Nationale a partagé son optimisme de voir la Côte d’Ivoire sortir de ce qui est convenu d’appeler la tension postélectorale. Pour lui, au-delà des divergences, une seule chose doit primer: les populations de Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, tout au long de cet entretien, il présente les recettes pour éviter un bain de sang. Même s’il pense que nous somme sur un fil de rasoir et que tout peut basculer…

Votre optimisme sur une sortie de crise sans guerre est d’autant plus grand que déjà en 2008 à Yamoussoukro…Est ce qu’aujourd’hui vous conservez ce même optimisme ?
Plus que jamais, je reste convaincu que ce que nous sommes entrain de faire, ce sont des élections et ce n’est pas la guerre. Nous avons battu une campagne la dessus. Il s’agit d’élire un serviteur du peuple de Côte d’Ivoire que l’on appelle Président de la République.

Les Ivoiriens ont-ils raison de croire qu’ils sortiront de cette guerre sans passer par les guerres, comme certaines langues le disent ?
Oui. Moi je pense fortement qu’il n’y a pas d’autres issues pour nous que de sortir de cette crise sans guerre. Nous n’avons pas le choix. Il ne faut surtout pas que les gens pensent que la solution, c’est la guerre ou la guerre. La solution, c’est la paix par la volonté des peuples. Si nous y croyons, si nous le voulons, il n’y a pas de raisons qu’on n’y arrive pas.

L’Abbé Basile Diané le disait tantôt, nous sommes une radio apolitique. Est-ce que c’est l’un des facteurs qui ont milité au choix de notre station ?
L’un des facteurs. D’abord une radio de paix et d’amour comme Radio espoir se présente la plupart du temps. Et puis apolitique certes mais aussi, vous êtes à distance égale des débats politiques. Et surtout, ceux qui vous écoutent, sont des hommes de foi. Des gens qui veulent entendre autres choses que ce qui se dit traditionnellement et qui sont tranquille chez eux, prennent le temps de prier, et de rentrer en communion avec Dieu. Et dans ces moments d’incertitudes, il est bon de leur voler quelques instants pour juste leur faire savoir qu’il faut que nous écoutions nos cœurs. La paix s’y trouve. Il faut rentrer dans les profondeurs de notre âme, la paix s’y trouve. Voilà les raisons qui m’ont amené à choisir.

Aujourd’hui, le contexte socio politique est tendu. Les Ivoiriens ont peur. C’est la monté des propos haineux, du tribalisme, de la violence en un mot. Le pays serait-t-il vraiment au bord du gouffre ?
Oui. Nous sommes sur un fil de rasoir. Nous pouvons basculer à tout moment d’un côté ou de l’autre. Mais c’est justement parce que nous sommes sur un fil de rasoir et que nous en avons conscience tous. Tous nous en avons conscience. Il n’y a pas de raisons de tomber. C’est quand on n’en a pas conscience qu’on peut se précipiter dedans. Mais la prise de conscience est le début de la raison et de l’éloignement de ce fil de rasoir. Nous sommes au bord mais nous ne ferons pas le pas qui va nous conduire dedans.

Justement Professeur, au regard de ce que vous avez dit. Quelle est la phrase ou quels sont les mots d’encouragement à l’endroit de nos auditeurs pour qu’ils soient aussi optimistes que vous ? Comment allons-nous faire pour ne pas franchir le pas et tomber dans ce gouffre?
Il faut faire confiance en soi même. Il faut savoir que la Côte d’Ivoire, c’est 20 millions d’habitants à peu près. Si l’on tient compte des statistiques et qu’on se dit qu’il y a 5 millions d’étrangers, la Côte d’Ivoire, c’est 15 millions d’Ivoiriens. Vous regardez la population électorale, c’est environ 5,7 millions. Vous regardez les suffrages exprimés, c’est environ 5 millions. Si ces 5 millions ont fait un choix, si ces 5 millions se sont trompés ou se sont embrouillés ; les dégâts causés par leur choix ne devraient pas entrainer 15 millions de personnes dans le précipice ou 20 millions de personnes dans le précipice. Je compte, moi, sur le poids de ces 20 millions de personnes pour rappeler au 5 millions de personnes que ce qui se joue, va bien au delà de l’élection présidentielle. Ce qui se joue, c’est l’emploi des jeunes de Côte d’Ivoire, c’est la santé pour la population de Côte d’Ivoire. C’est l’éducation pour les enfants de Côte d’Ivoire. Ce sont les services publics, ce sont les infrastructures pour le peuple de Côte d’Ivoire. Et que l’élection présidentielle n’est qu’une procédure pour choisir la personne qui pendant 5 ans va gérer l’Etat et fournir ces services publics dans de meilleures conditions. Si on ne s’entend pas la dessus, on peut trouver des formules pour corriger ce qui a été l’erreur. Fatalement, on n’est pas des animaux, on est réfléchi. Donc moi, je dis aux auditeurs qu’il faut garder foi en notre capacité d’être des humains.

Êtes-vous de ceux qui pensent qu’on devrait situer les responsabilités ? Où alors panser la plaie et ne pas regarder tout ce qui se passe autour ?
Il y a d’autres cadres pour situer les responsabilités. Ma présence ici, ne rentre pas dans ce cadre. Je viens surtout essayer de rassurer les populations, les Ivoiriens et tous les amis de la Côte d’Ivoire. Je ne cherche pas à savoir qui a raison, qui a tort. Qui a bien fait, qui a mal fait. Je dis que nous sommes sur un fil de rasoir. Si nous tenons à la vie, si nous tenons à notre pays, à la prospérité de ce pays, à la paix, il y a mille raisons de faire les choix, de corriger les erreurs. Enfin, la capacité de l’homme, c’est quand même cette possibilité qu’il a de se tromper et de corriger ses erreurs.

La sortie de crise, il faut qu’on en parle. Avec l’analyse que les uns et les autres en font ; vous, vous avez la votre…
Voyez-vous en Afrique, chaque fois qu’il y a élection (puisque nous sommes encore loin d’être dans des démocraties), nous sommes dans l’apprentissage de la démocratie. Chaque fois qu’il y a élection, nécessairement, nous terminons par la contestation. La contestation conduit rapidement à de la mésentente et puis à une guerre fratricide. Nous nous retrouvons rapidement avec400 ; 500 ; 600 morts ; 50000 déplacés.., des magasins brûlés, des entreprises détruites. Et puis, c’est une fois tous ces dégâts faits, constatés, que les gens de bonnes volontés à l’échelle mondiale débarque, constate qu’il y a des dégâts, l’humanitaire arrive? La farine qu’on nous balance par avion, avec des médecins, des tentes, des hôpitaux ambulants pour soigner nos blessés. Avec de quoi, nous avec du riz aider à enterrer nos morts. Et puis l’humanitaire utilise par la suite, le poids de ces morts, de ces blessés, le poids de ces destructions pour exercer ensuite une pression sur les protagonistes de la crise post électorale et puis les obliger à s’entendre alors sur une paix que l’on qualifie de paix des braves. Comme si avoir fait tuer des milliers de ses compatriotes était un acte de bravoure. On fait la paix des braves et on fait un gouvernement d’union puis les protagonistes s’installent et gèrent ensemble. Connaissant déjà ce schéma. Il a été appliqué à tellement de reprise qu’aujourd’hui nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas. Et comme nous sommes en situation postélectoral et que nous sommes en conflit postélectoral, peut être qu’il vaut mieux gagner une étape. Le maillon qui consiste à nous entretuer, nous ne sommes pas obligés de passer par là. On peut sauter l’intermède qui consiste à passer par les tueries et arriver directement à une entente, à une cohabitation, à une cogestion, à une complicité entre les protagonistes pour travailler pour les populations. La pression exercée par les morts et les destructions, on n’en a pas forcement besoin. Les vivants peuvent aussi exercer cette pression. Au lieu d’avoir six cent morts et des destructions et de nombreux blessés, nous avons 20 millions de personnes qui peuvent parler aux protagonistes. Je pense que la pression des vivants est beaucoup plus efficace que la pression des morts. Nous gagnons en efficacité et en temps. Voilà un peu le schéma dans lequel je me situe. Nous ne sommes pas obligés de nous entretuer avant de faire la paix. Nous pouvons faire la paix sans nous entretuer. (.......)
>>>> Suite et fin demain >>>>
Propos retranscrit par : K. Hyacinthe

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