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Politique Publié le lundi 20 décembre 2010 | L’intelligent d’Abidjan

Edito –rediffusion : Demain votons pour le meilleur et non pour le pire

Le contexte actuel de la crise postélectorale interpelle plus d’un. L’Intelligent d’Abidjan, votre journal indépendant dont vous avez rêvé avait prévenu les Ivoiriens du danger imminent qui pourrait frapper la Côte d’Ivoire en cas de non respect du verdict des urnes dans son éditorial du N°2121 du Samedi 30 au Dimanche 31 Octobre 2010. Pour vous convaincre de la justesse de ce message incompris, et à la demande de plusieurs lecteurs, la rédacteur a décidé de publier à nouveau ledit éditorial.
Demain, une nouvelle page de l’histoire de notre pays devrait pouvoir s’écrire. Toutefois, cette date attendue depuis l’an 2000, ou à partir de l’an 2005 pourrait si l’on n’y prend garde ne pas fermer la boite de Pandore ouverte d’abord en 1993 à la mort du Vieux, et ensuite avec le corollaire de crises. Comme en 1999, en 2001, Mars 2004, Novembre 2004, Février 2010, sans oublier les tensions et les exactions survenues en zone CNO. C’est cette longue parenthèse de dix-sept années depuis la disparition de Félix Houphouët-Boigny qu’il faut fermer. Une tâche difficile
La peur de l’autre et le mythe du quatrième homme

Un défi grandiose et extraordinaire à relever. Et pourtant tout semble indiquer qu’au lieu de marquer la fin d’un cycle pour ouvrir la voie à une nouvelle ère, l’élection présidentielle de demain Dimanche, si elle a enfin et effectivement lieu (car il ne faut vraiment rien exclure dans cette Côte d’Ivoire, où toutes les folies et les aventures sont devenues possibles et sont souvent expérimentées), pourrait avoir bien du mal à mettre fin à nos divisions et querelles, et notre peur de l’autre qui est pourtant, un frère ivoirien. Sur le plateau d’Africa 24, le Jeudi dernier au cours d’un débat avec d’autres acteurs dont Hamed Bakayoko, Charles Blé Goudé a affirmé que l’intensité des échanges et leur caractère vif, montrent bien qu’il ya problème dans le pays, et que tout ne va pas bien. Les passions et les tensions qui pointent empêchent à coup sûr de mener une réflexion sereine et d’envergure sur l’issue du scrutin. Seuls quelques acteurs citoyens, non impliqués dans la conquête du pouvoir d’Etat, seuls quelques citoyens non partisans n’ayant pas lié leur destin à celui d’un candidat ou d’un groupement politique, semblent pouvoir prendre de la hauteur pour appréhender les choses. Tant chaque camp menace et joue à se faire peur. A coup sûr, au-delà de ce qu’on peut reprocher aux sondages de part et d’autres, ils auront moins eu raison sur une chose : la compétition se jouera entre Bédié, Ouattara et Gbagbo. Le mythe du quatrième homme a vécu. Y aura-t-il un messie sorti des urnes, un Yayi Boni pour terrasser les trois membres du CPC, qui ont jeté toutes les forces et leurs faiblesses dans la campagne électorale ? Tout semblait avoir si bien commencé ! Tout le monde semblait de si bonne foi. Mais voici qu’à l’arrivée, les choses pourraient « merder », parce que de nombreux échos parviennent que personne ne veut reconnaître sa défaite, ni la victoire de l’autre. Nous risquons de nous installer dans la contestation et dans une crise électorale identique à la situation d’Octobre 2000.

Des contradictions à une élection ouverte

A cette époque Laurent Gbagbo était opposant et il a su tirer profit des lacunes et des naïvétés de feu Robert Guéi qui avait cru qu’il suffisait d’écarter Bédié et Ouattara pour conserver le fauteuil présidentiel. Dix ans après l’élection de 2000, le combat retardé par Bédié en 1995, la bataille empêchée par Robert Guei en 2000 aura-t-elle enfin lieu ? Pour la première fois, Alassane Ouattara est candidat et il espère réaliser l’exploit. Henri Konan Bédié, devenu président au moyen de la loi et la constitution en 1993, affronte après le boycott actif de 1995 qui a marqué son élection, sa première vraie élection. Et il rêve d’un glorieux et historique come-back. Après l’élection calamiteuse de 2000, Laurent Gbagbo affronte sa première élection vraiment ouverte et concurrentielle avec la présence de ses principaux adversaires. Il a fallu quinze ans pour arriver à ce stade, et beaucoup de morts, d’argent perdu et de retard causé à notre pays. Pourtant le sentiment est réel qu’il se peut que nous ne soyons pas au bout de nos peines, car demain Dimanche, les choses pourraient ne pas passer comme passerait une lettre à la poste. De quoi s’agit-il ? Au départ, ceux qui avaient soupçonné Laurent Gbagbo et le LMP de tenter de trafiquer les résultats sortis des urnes avec cette affaire de SILS le soupçonnent désormais de vouloir créer une atmosphère de terreur et d’intimidation pour entraver le vote des militants du RHDP dans des zones à Abidjan, et à l’intérieur du pays. Pendant ce temps, les partisans de la LMP seraient mis dans les meilleures conditions pour voter. Au soir du 31 Octobre 2010, la proclamation des résultats en faveur de Laurent Gbagbo serait donc conforme à la réalité du terrain, et à un taux de participation qui aurait été très bas, du fait des manœuvres, des intimidations et des entraves de Laurent Gbagbo et ses partisans. Les adversaires de Laurent Gbagbo lui prêtent tant d’autres ruses et entourloupes, surtout qu’il a encore prévenu que jusqu’au bout, il restera à cent pour cent candidat. Il se trouve qu’à partir de Dimanche 17 heures jusqu’ à la proclamation des résultats et éventuellement jusqu’au second tour ou à la passation des charges et prestation de serment d’un nouvel élu, ou d’un réélu, Laurent Gbagbo restera président à 100 pour 100. Bien entendu certaines décisions pourraient mettre le feu aux poudres, mais il convient que les adversaires de Laurent Gbagbo fassent preuve de hauteur d’esprit et n’installent pas le pays dans la violence. Les leçons des événements passés, devraient êtres tirées par tous afin que la contestation, ou la crise électorale à venir, ne nous entraîne pas dans le désordre.

Le poids et les chances des favoris

Cela dit, que vaut chaque candidat, que pèse chacun des trois leaders, qui a le meilleur profil du commander in chief ? Laissons les Ivoiriens décider demain ! Tout au plus peut-on noter que Laurent Gbagbo est un tribun et qu’il est le meilleur orateur parmi les principaux candidats. Présent sur le terrain, malgré son statut de chef d’Etat à 100 pour 100, Laurent Gbagbo a fait sérieux en s’habillant le plus souvent en costume durant la campagne. S’il n’y avait pas un peu l’usure du pouvoir, et ce que la somme des frustrations individuelles et collectives peut causer ; s’il n y avait pas ces dix années déjà passées, à même de susciter un désir d’alternance sans que cela remette en cause les talents et capacités intrinsèques du tenant du titre ; s’il n’y avait pas eu encore les réminiscences de cette tribalisation des choix politiques suscitée par ses principaux adversaires, la victoire de Laurent Gbagbo serait si évidente et si indiscutable. Mais en face, il y a bel et bien quelque chose. Il ya Bédié et il ya Ouattara. Bédié incanre une sorte de sagesse et de refuge pour ceux qui ne veulent certes pas de Gbagbo, mais qui ont peur de l’arrivée de Ouattara au pouvoir. Toutefois Bédié inquiète par son âge et le désir de chasse aux sorcières ou de règlement de comptes qu’on lui prête, tant sa critique de Laurent Gbagbo et de la refondation est sans concession et si redoutable. De plus, Bédié ayant déjà géré, il n’apparaît pas comme un homme neuf pouvant, assurer maintenant le progrès pour tous et le bonheur pour chacun. Alassane Ouattara reste encore un problème. Le candidat du RDR le sait si bien, qu’il a choisi de se présenter comme la solution. L’homme a réussi malgré tout à s’incruster dans le jeu et le paysage politique. Longtemps, il a été une sorte de cheval de Troie des acteurs politiques ivoiriens. Fréquentable les jours pairs, il devenait infréquentable et étranger les jours impairs. Il a eu la chance de bénéficier de la sympathie de nombreux partisans restés fidèles. Cela est à la fois, un avantage et un inconvénient pour lui, d’autant qu’il est obligé d’ouvrir et d’élargir sa base, son ancrage et son assise nationale. Dimanche on verra ce que pèse enfin le bravetchè, qu’on a voulu laisser être candidat pour le réduire à sa plus simple expression, pour le laminer, mais qui rêve de faire mentir les sondages. Si le scrutin n’est pas vraiment libre, ouvert et transparent, le futur vainqueur aura du mal à gouverner et le pays restera encore et toujours dans la crise. En vérité, tout observateur est obligé de noter et de reconnaître ceci : malheureusement et cela malgré la crise, le vote sera majoritairement tribal au premier tour. Laurent Gbagbo qui est celui, qui ne peut pas bénéficier du vote tribal et a incarné la Nation durant dix ans, a-t-il bien joué la carte du rassemblement et de l’ouverture ? Dimanche on devrait avoir des réponses à toutes ces questions.

Eviter le pire pour l’amour du pays

Dimanche il faudra vraiment un grand amour de la Côte d’Ivoire pour permettre aux principaux candidats d’éviter le piège de la précipitation, la propension à donner des résultats et à s’auto-proclammer vainqueurs. Il faut mettre la Côte d’Ivoire au-dessus de tout pour éviter les provocations croisées et multiples de part et d’autres. Enfin il faut se dire qu’une défaite ne sonne pas le glas d’une vie, ni d’une ambition politique. Il y’a tant d’autres possibilités et opportunités. Dimanche, tout est possible ! La paix, la fin de la crise d'une part ; comme un nouvel embrasement d'autre part. Mais faisons ici le pari de la paix. Prenons ensemble défi de l’unité et de la solidarité pour protéger la Nation contre les aventures et les violences. Dans cet engagement et pour cet excercise, il nous paraît qu’à côté de celles de MM Bédié et Ouattara, la responsabilité de Laurent Gbagbo est encore plus grande. Il est président et il est candidat. Les autres ne sont que candidats. La responsabilité de Laurent Gbagbo est plus grande. C’est sans doute dans cette perspective que Laurent Gbagbo a, au cours du meeting giga d’hier, demandé pardon à tous ceux qu’il aurait offensés ; tout comme il a demandé à ses partisans de pardonner. Puisqu’il en est conscient, espérons qu’il brandira et jouera les bonnes cartes. Comme avec le dialogue direct ; comme avec Accra et Marcoussis, comme avec les différentes résolutions de l’ONU qui ont conduit, au rendez-vous risqué pour lui du 31 Octobre 2010, malgré chaque fois le refus des siens. C’est à son honneur ! Alors dans ce tout qui reste possible, de maintenant à demain et les jours à venir ; dans le pire qui peut nous arriver, comme dans le meilleur qui nous guette, faisons le pari de la sagesse, de la maturité, du meilleur. Tournons le dos au pire ! Allons au vote demain pour le meilleur contre le pire.

Par Charles Kouassi
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