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Politique Publié le mardi 21 décembre 2010 | Le Temps

Crise post-electorale : Les vérités d’un Canadien

Je suis actuellement en Côte d’Ivoire. Je ne suis pas un journaliste et je ne milite pour aucun des deux parties. Je me qualifierais plus comme un observateur qui par hasard se trouve captif de la fermeture des frontières et des couvre-feux mis en place dans ce pays, actions qui à ma connaissance, ne sont pas illégales.

A titre de lecteur, j’utilise régulièrement votre site web pour m’informer et mon attention a été attirée par certaines sources d’informations extérieures au Canada. Plusieurs de ses sources concernant l’Afrique de l’Ouest nous proviennent de la France, pays colonisateur de plusieurs de ces Etats. La France y a toujours des intérêts commerciaux très importants et y exploite plusieurs ressources naturelles de ces pays.

Bien qu’en Afrique de l’Ouest, la corruption soit présente, c’est la distribution de la richesse générée par l’exploitation des ressources naturelles qui sont le véritable problème. A ce niveau, le cadre est plus large que le pays seul, car il met aussi en cause les grandes sociétés multinationales qui exploitent ces ressources naturelles et par ricochet leurs gouvernements sur lesquels ils exercent un lobby puissant. Parmi ces acteurs, Laurent (Gbagbo ne s’est pas fait que des amis. Son approche de social-démocrate et son rejet du paternalisme du pays colonisateur sont bien connus.

Lors de cette élection deux organismes gouvernementaux jouent un rôle important. La Cei (Commission électorale indépendante) responsable de l’organisation de l’élection est chargée de recueillir les résultats bruts provenant des bureaux de vote. Le deuxième est le Cc (Conseil constitutionnel) qui selon la Constitution ivoirienne, valide l’admissibilité des bulletins de vote, reçoit les plaintes des candidats et désigne le nouveau président.

Cet organisme est, selon la constitution ivoirienne, le seul autorisé à désigner le nouveau, Président. Car c’est lui qui proclame les résultats définitifs de l’élection présidentielle en vertu de l’article 94, alinéa 3 de la Constitution.

Dans la situation présente, l’empressement de deux des pays membre de l’Onu à reconnaître un candidat n’ayant pas été reconnu de façon officielle et définitive par le Conseil constitutionnel responsable de le faire, porte à réfléchir. Les intérêts de la France en Côte d’Ivoire et ses pays limitrophes sont bien connus. L’appui de ce pays au candidat Ouattara, ancien V.P. du Fmi est aussi connu.

Au cours des vingt dernières années, ce dernier a aussi profité de sa position au Fmi pour établir des liens avec le membre le plus puissant de l’Onu, les États-Unis d’Amérique. Cela est normal et de bonne guerre, mais n’autorise pas un pays comme la France et dans ce cas-ci son allié les États -Unis à proclamer ou féliciter un candidat vainqueur avant que le Conseil constitutionnel ne le fasse de façon officielle et définitive. Cette façon de faire a longtemps contribué à créer ce que nous appelons les Républiques bananières, où le Président doit son siège à des intervenants externes au pays plutôt qu’au peuple.

Lors de ces élections, le processus démocratique a généralement été bien respecté, mais il y a eu des zones chaudes ou cela n’a pas été le cas. Voilà qu’un membre de la Cei, supporteur d’un des candidats, décide sans l’approbation de ses collègues de tenir une conférence de presse et d’annoncer le nom du gagnant sur la base de résultats non définitifs.

Alassane Ouattara devait y être présenté comme le “président élu” de la Côte d’Ivoire, s’appuyant sur les résultats provisoires de la Commission électorale indépendante (Cei) qui le créditeraient de 54,1% des suffrages. S’en suit l’arrivée d’un autre membre de la Cei supporteur de l’autre clan et devant les caméras nous assistons à une scène, qui prise hors contexte, laisse penser que les principes de la démocratie sont bafoués. L’image est trompeuse et malgré tout, les médias du monde entier contribuent à sa diffusion.

Par la suite, le Conseil constitutionnel a décrit de façon détaillée les raisons du rejet des votes pour certaines zones dans le Nord du pays occupé par les rebelles, acquis à la cause du candidat Ouattara. Tous les observateurs internationaux ont dénoncé dans leurs différents rapports les exactions commises dans ces zones rebelles de façon détaillée empêchements de vote, séquestration des représentants et électeurs du candidat Gbagbo, lesquels ont été battus pour les uns et tués pour d’autres (on déplore six morts lors du second tour dans le Nord). C’est sur la base de ces violations flagrantes des Droits de l’Homme et du droit de vote que le Conseil constitutionnel, saisi par le candidat Gbagbo a invalidé en partie les résultats provenant des zones litigieuses.

C’est ce qui explique que le Conseil constitutionnel, seul organe compétent en matière de contentieux électoral en Côte d’Ivoire a déclaré Laurent Gbagbo vainqueur avec 51,45 % des suffrages contre 48,55 % à son adversaire Alassane Ouattara.

Laurent Gbagbo a été solennellement investi samedi 4 décembre 2010 à 12H00, et a prêté serment. Même après cette investiture le Président Nicolas Sarkozy continue à soutenir que M. Ouattara est le gagnant de l’élection en se basant sur les résultats provisoires de la Cei et plusieurs médias français continuent à alimenter le reste du monde d’une information inexacte, car basé sur des chiffres inventés, qui ne sont basés sur aucune réalité.

L’affront à la démocratie n’est pas que publiquement on ait empêché un membre de la Cei de donner des résultats non définitifs sans y être autorisé, mais que des organismes de presse, des chefs de gouvernements étrangers et des Ong reconnaissent ses résultats et permettent un tsunami médiatique pour faire avaler cette pilule. Ces organismes et chefs d’Etat se mettent dans une position d’apparence de conflit d’intérêts et d’ingérence dans le processus démocratique des élections d’un pays souverain membre de l’Onu.

Rappelons que le gouvernement de Laurent Gbagbo a été félicité par de nombreux pays et organisations à travers le monde pour le bon déroulement du processus électoral et la campagne d’information visant à optimiser la participation de la population à celle-ci. De plus, lui et son équipe ont respecté le processus légal des plaintes au Conseil constitutionnel.

La Commission électorale indépendante (Cei) et le Conseil constitutionnel (Cc) ont bien joué leur rôle et continuent de le faire. L’armée a eu aussi un apport non négligeable lors de ces élections en apportant son support au processus démocratique de façon transparente et en informant la population de façon régulière sur le comment et le pourquoi de ces actions. Cela a contribué grandement à calmer les inquiétudes et exercer un contrôle plus efficace sur les fomenteurs de troubles.

Cette armée représentée par le Générai Philippe Mangou a mérité le respect des citoyens de la Côte d’Ivoire et de la communauté internationale. La façon dont ses interventions ont été faites jusqu’à aujourd’hui ainsi que sa façon de communiquer avec la population devraient servir d’exemple à d’autres pays d’Afrique et décourager l’ingérence dans les affaires internes d’un pays souverain.

Laurent Gbagbo est le candidat désigné par la population dans un processus démocratique où des organismes légalement constitués la Cei et le Conseil constitutionnel, fonctionnant sur la base de règles connues de tous ont collecté et vérifié les résultats. Laissons maintenant le nouveau Président gouverner son pays. Pays qu’il a largement contribué à faire grandir en y rendant possible les premières élections démocratiques de son histoire. Depuis 10, ans il gouverne la Côte d’Ivoire avec une guerre sur les bras qui draine des ressources financières significatives. Souhaitons que ses opposants, financés par des intérêts extérieurs au pays, se rallient et permettent l’émergence d’un pays uni et prospère…

Les Québécois devraient se soucier du futur des Ivoiriens, un peuple qui nous ressemble plus qu’on pourrait le penser. Il y a encore bien des choses à améliorer ici mais la démocratie s’y implante et y fait de bonnes racines. Le Président Gbagbo et son équipe y incarnent des valeurs de social- démocratie qui nous sont communes. Le pays a connu une augmentation du Pib de 3, 6% en 2009 et plus de 4% en 2010 est prévue. Pas mal pour un pays qui a une guerre sur les bras ! La reconstruction de la Côte d’Ivoire nécessite une expertise et des matériaux que le Québec a, et peut fournir à de bonnes conditions.

De notre côté, nous sommes déjà présents dans le domaine des mines, mais de nouvelles opportunités surgiront. Soyons là pour les saisir et cela commence par l’encouragement d’une stabilité politique et le respect de la volonté populaire qui s’est exprimée démocratiquement lors de ces élections.

Une correspondance particulière de Pierre Mongeon
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