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Politique Publié le samedi 19 février 2011 | Nord-Sud

Kébé Yacouba Junior, directeur de publication de Nord-Sud Quotidien : “Nous n`avons de leçon à recevoir de qui que ce soit”

Le directeur de publication de Nord-Sud a été entendu hier à la Police criminelle de 12h45 à 16h10. Il explique ici les raisons de cette convocation qui augure de jours sombres pour la presse dite pro-Rhdp.


Vous avez été convoqué à la police criminelle, hier. Quel était le motif évoqué ?

Nous avons reçu une convocation de la police criminelle pour 10h. Nous nous y sommes rendu avec notre conseil, Me Soilio Diomandé. Malheureusement la convocation ne portait aucune précision. C'est vers 11h moins que le procureur adjoint, Diakité Mamadou, est arrivé pour l'interrogatoire. Nous étions avec les confrères du Nouveau-Réveil qui ont été convoqués pour 9h.


Que vous reprochent les autorités policières ?

L'interrogatoire a eu lieu dans le bureau du commissaire Téhé. Nous avons constaté qu'il y avait une reluire avec des photocopies d'articles de nombreux journaux de la place dont le nôtre. Ensuite des Unes de certains de nos exemplaires. L'interrogatoire a tourné autour de la ligne éditoriale du journal. Le procureur a voulu savoir comment nous travaillons. Après de nombreuses questions sur certains de nos articles, nous retenons qu'il nous est reproché d'appeler les militaires à l'insoumission et à la rébellion ; d'inciter la population à ne pas reconnaître l'autorité de Laurent Gbagbo et d'inciter à la haine et à la violence.


N'y voyez pas-vous une volonté de recadrage de votre ligne éditoriale ?

Bien sûr. Nous avons senti que ce qui est mis en cause, c'est notre traitement de l'information depuis le 28 novembre. Le procureur a voulu savoir qui était pour nous le président de la République. Nous étions surpris. Mais nous avons répondu que nous sommes un journal indépendant. Il ne nous appartenait pas de désigner un président de la République. Tous les articles remis en cause ont un lien avec l'actualité politique marquée par un président élu, déclaré comme tel par la Commision électorale indépendante (Cei) et reconnu par la communauté internationale et de l'autre côté un président proclamé par la Cour constitutionnelle, dirigée par son ami Paul Yao N'Dré. Ils sont dans une logique de musellement de la presse privée. Nous avons remarqué que les journaux concernés par la même affaire sont des journaux qualifiés de Rhdp, des journaux qui ont une ligne indépendante de celle que veut imposer ceux qui s'écartent de la volonté populaire.

Cet interrogatoire n'annonce-t-il pas le début de la traque contre la presse privée?

Oui. C'est la traque contre les journaux indépendants. Et, ironie du sort, elle commence un certain 18 février. C'est une date que Laurent Gbagbo et les siens se sont appropriée au motif que le 18 février marquait une étape importante de la marche de la Côte d'Ivoire vers la démocratie. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de ce 18 février 1992 qui a vu Laurent Gbagbo et d'autres hauts cadres du Fpi être internés à la Maison d'arrêt d'Abidjan après une marche émaillée de violences. Malheureusement, je constate que cet anniversaire est célébré de la pire des manières. Celui qui se présente comme un défenseur acharné de la démocratie et des libertés, s'attaque à l'un des principes fondamentaux des droits de l'homme et consacré par la Constitution, c'est-à-dire la liberté d'opinion. J'ai honte pour ceux qui ont initiée cette attaque contre la liberté de la presse. Ils auraient pu lancer cette action un autre jour. C'est à l'image de ce que la Côte d'Ivoire est devenue un pays sans repères. C'est dommage. J'ai honte. Un pays qui va à vau-l'au, c'est dommage.

Que dites-vous pour rassurer les lecteurs de Nord-Sud Quotidien ?

Les lecteurs doivent se rassurer. Nord-sud n'a de leçon de professionnalisme à recevoir de qui que ce soit. Nord-Sud n'a pas de leçon de liberté à recevoir de qui que ce soit. On ne nous fera jamais taire. Je ne reviendrai pas sur ce qui s'est passé au cours de toutes ces années. Mais, nous sommes un journal crédible. Nous avons été ouverts jusque-là. Pour notre couverture de la campagne électorale, notre journal a été qualifié de meilleur de la place par les meilleurs analystes. Des gens de Lmp nous ont appelés pour dire que nous avons eu la meilleure couverture de la campagne électorale. Parce que nous faisions jeu égal avec Fraternité Matin qui s'est vu imposer cette couverture des évènements par l'Etat. Alors que nous, personne ne nous l'a imposée. Notre professionnalisme nous a conduits à bâtir un journal spécial, ouvert à toutes les tendances, qui fouille les informations, qui se base sur des faits et dans ce domaine-là, il a fait la différence. Aujourd'hui nous sommes dans une situation que tout le monde connaît. Nord-Sud est du côté du peuple. Nord-Sud sera toujours du côté de la vérité, du côté du peuple quoi que cela puisse coûter. Au lieu d'initier des actions lentes, il est mieux pour eux de s'assoir, prendre un décret pour dire à compter d'aujourd'hui, Nord-Sud est fermé que de vouloir nous intimider par ces méthodes-là.

N'est-ce pas à cela qu'ils veulent arriver ?

Ils se sont rendus compte eux-mêmes du caractère ridicule de leur démarche. On a vu les conditions dans lesquelles le président du Cnp, Eugène Kacou a été remercié. Un grand monsieur qui a mérité de la nation. Je dois rappeler que deux années successivement, le Cnp qui régule la presse privée, a décerné à Nord-Sud Quotidien le prix du meilleur journal ivoirien. Le quotidien le plus professionnel. Nous sommes tranquilles de ce point de vue. Nous avons vu comment Eugène Kacou a été remercié. Des gens qui ont un peu de respect pour leur pays n'auraient pas sanctionné ce monsieur de cette façon. Sans doute, ils se sont rendu compte que les mesures du Cnp à coloration bleue ne leur permettraient pas d'arriver très vite à leurs fins. Et ils veulent passer par d'autres chemins pour donner des ordres que certains exécutent, je ne sais pour quelle raison. En tant que citoyen, je note qu'il y a ce que eux ils veulent et il y a ce que Dieu fera. Parce que quoi qu'on dise, il faut que chaque Ivoirien intègre une vérité fondamentale. Il y a la justice de Dieu, celle des hommes et celle du peuple. A un moment donné la justice des hommes peut être embrigadée, peut être prise en otage, on lui fait faire des choses contraires au bon sens. Mais la justice des hommes telle qu'embrigadée, finit toujours par redevenir la justice du peuple. On l'a vu avec la révolution française. Quand le peuple s'affirme, prend ses responsabilités, ceux à qui il avait délégué une partie du pouvoir et qui l'ont très mal utilisée, il leur demande en ce moment des comptes. Et ceux-là rendent compte. Beaucoup de personnes ne le perçoivent pas encore. La Côte d'Ivoire est véritablement engagée dans un processus révolutionnaire. Et cette révolution va s'opérer. Ceux qui ont pris en otage la justice des hommes vont rendre compte au peuple. Le peuple va prendre son destin en main. Cette révolution peut être pacifique, comme elle peut prendre d'autres formes comme on l'a vu ailleurs dans le monde. En Egypte et en Tunisie, il y a eu des morts. Mais, la révolution a eu lieu. Nous ne disons pas la fleur au fusil, mais nous avons vu le rôle d'impartialité que l'armée a joué. D'autres types de révolution ont eu lieu dans le monde. On a vu comment Fidel Castro et le Che Guevara ont conduit la révolution qui a mené le changement à Cuba. On a vu comment cette révolution a contaminé toute l'Amérique du sud. Justement depuis cette prise de conscience des peuples d'Amérique du sud, on voit que ces pays comptent parmi les grands de ce monde. Au point où nous courons vers eux pour aller chercher des partenariats. Quand le peuple prend son destin en main, fait sa révolution, à long terme, cela lui donne la clé de sa destinée, de son développement durable.

Allez-vous être entendus encore après l'épisode d'hier ?

Notre confrère Bamba Inza du service politique est convoqué aussi. Mais sa convocation ne lui avait pas été transmise à temps. Il est convoqué pour le 21 février à 15 heures. Ce que je tiens à dire, le journaliste Bamba Inza n'a rien à y voir. De toute façon, à Nord-Sud Quotidien il n'y a pas deux responsables du contenu. C'est moi le responsable du contenu. Mais ce sont des procédures judiciaires qui suivent leur cours normal.

Toujours, en tant que citoyen, je fais remarquer que quoiqu'on dise, nous sommes un peu dans la situation de la France sous le joug hitlérien. Il y a eu ceux qui ont collaboré avec les troupes d'Hitler et ceux qui ont résisté. Finalement, c'est ceux qui ont résisté qui l'ont emporté, bien-sûr, après des centaines de milliers de morts. Mais la résistance du peuple français l'a emporté. Aucun pays n'échappe à cette logique. Après, une fois qu'une personne avait eu le cachet de collabo sur elle, elle était salie à jamais. Elle ne pouvait plus marcher la tête haute. Et ses descendants rasent les murs. Quand une dictature est en train d'être combattu et sur le point de partir, ceux qui continuent à la défendre envers et contre le bon sens, finissent toujours par avoir le destin des collabos. Et ceux-là seront ceux qui auront honte dans la Côte d'Ivoire nouvelle qui va sortir de la révolution du 21 février.

Nord-Sud Quotidien va-t-il changer sa ligne ?

Nord-Sud ne changera point. Nord-Sud fera son travail. Après le régime Gbagbo, viendra un autre régime, après viendra un autre et ainsi de suite. Nord-Sud sera toujours là. Nous n'avons pas créé ce journal pour un ou deux jours. Nous seront toujours présents et contribuerons à donner à la presse ivoirienne ses notes de noblesse.

Entretien réalisé par Sanou A. coll Nesmon De Laure
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