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Politique Publié le lundi 28 mars 2011 | Nord-Sud

Y. J Choi (Patron de l’Onuci): “Nous avons empêché un massacre le 13 janvier”

l Pascal Aka Brou : Et quelle est la place de la certification par rapport à la Constitution ?
Y. J. Choi : C’est très simple. La certification c’est quoi ? On certifie quand tout le processus est terminé. Donc, quand la Commission Electorale Indépendante (CEI) prononce le résultat provisoire, quand le Conseil Constitutionnel prononce le résultat définitif, après nous certifions si tout a bien marché ou non. C’est ça le processus. Comme nous sommes à la fin de tout le processus national, nous intervenons avec notre certification. Ç’a été d’ailleurs accepté par tous les protagonistes, y compris le président Gbagbo.

l Alors, depuis ce deuxième tour de l’élection présidentielle et puis la contestation, on assiste à des scènes de violences extraordinaires. Des massacres, des tueries à grande échelle. Et on vous reproche à vous, pas individuellement, à l’ONUCI, de regarder les populations massacrer et de ne pas agir.
J’aime beaucoup le concept de la vérité et de la réconciliation ; c‘est-à-dire, la crise sera terminée dès que tout le monde acceptera la vérité du 28 novembre. Qui a gagné ? Qui a perdu ? Aussi, si quelqu’un est hostile à la vérité et ne l’accepte pas, c’est le camp de ce monsieur-là qui est responsable de la crise, des massacres, de l’utilisation des armes lourdes. Ce n’est pas l’ONUCI. Mais nous avons des responsabilités. Sur le plan de la protection des civils, on a deux volets. Premier volet, si vous lisez l’Accord de Ouagadougou et les résolutions du Conseil de sécurité attentivement, vous allez trouver que la responsabilité incombe bien aux autorités ivoiriennes. Celui qui détient la force militaire tire sur sa propre population. Il faut le coupable, le faire responsable. C’est ça notre premier mandat. Donc, nous sommes en train de documenter toutes les violations des droits de l’Homme pour informer le Conseil de sécurité. Deuxième volet, quand il y a des dangers imminents de massacres de civils, nous intervenons directement avec notre patrouille. C’était le cas d’ailleurs à Abobo, Koumassi. Quand nous avions des renseignements, des informations, des certitudes, qu’il y aurait des violations, nous sommes intervenus à chaque fois. Même à 2 heures ou 3 heures, on était là à Abobo.

l Est-ce que vous savez, M Choi que des populations sont massacrées chaque jour, qu’il y a des excès qui sont commises, qu’il y a des gens qui sont brûlés vifs. Ça vous le savez ?
On est déjà dans le quatrième mois de la crise post-électorale. Donc plus de 100 jours. Nous avons plus de 440 morts. Ce n’est pas acceptable, c’est trop. On ne peut pas continuer. Mais pourtant, notre présence en Côte d’Ivoire, à Abidjan, Abobo, Attecoubé, à tous les endroits, était bien la preuve que notre présence, est une force de dissuasion. Donc nous avons réussi à prévenir les massacres à grande échelle. Prenons l’exemple des 12 et 13 janvier. Le 12, il y avait un accrochage entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo et les forces spéciales pro-Gbagbo ont essuyé une grande défaite. Le lendemain, le général Mangou a prononcé un couvre-feu. Nous avons eu l’information qu’il est en train de ramasser les forces spéciales pour faire une vengeance. La nuit du 13 janvier était très critique pour nous. Donc nous sommes allés avec une forte patrouille à Abobo pendant toute la nuit. Nous avons rencontré trois fois les forces spéciales pro-Gbagbo. On les a écartées. Nous avons brisé au moins 12 barricades routières pour arriver à Abobo à 1 heure du matin. Donc, si nous n’étions pas ce soir là à Abobo, il pourrait y avoir un massacre de civils à grande échelle. Ç’aurait pu être notre échec de l’ONUCI. Mais nous avons réussi quand-même chaque jour et chaque nuit. Vous savez, nous envoyons à peu près 800 patrouilles par semaine. C’est-à-dire plus de 100 patrouilles par jour. Donc quand -même, on est là partout pour démontrer notre présence, pour assurer au peuple ivoirien que nous sommes-là pour vous protéger, pour montrer aux forces spéciales du camp du président Gbagbo que ‘vous ne pouvez pas vraiment faire ceci ou cela avec impunité’.

l Que pensez-vous de l’usage disproportionné de la force pour réprimer les manifestations pacifiques ?
Nous avons pris une position très claire et très forte concernant l’usage des armes lourdes, telles que les forces spéciales du président Gbagbo ont utilisée, des mitraillettes, pour tuer les femmes pacifiques. Ça peut être un crime contre l’humanité. Aussi il y a quelques jours, du camp commando militaire à Abobo, ils ont tiré des mortiers dans le marché. Il n’y avait que des populations civiles qui menaient une vie tout à fait pacifique. Comment peut-on imaginer quelqu’un tirer des mortiers sur sa propre population civile. Je cite les deux cas. Mais si les forces spéciales du président Gbagbo continuent à utiliser les armes lourdes pour tuer leur propre population civile, je crois que c’est une mesure extrême qui pourrait signifier la perte de contrôle de ses propres forces.

l En ce qui concerne le 1er massacre du 03 mars 2011, la marche pacifique des femmes, certains journaux ont parlé du complot du bissap, c’est-à-dire la négation totale de ce qui s’est passé, on a parlé de montage.
C’est pour éviter la responsabilité, je crois. Ils savent que c’est un crime très lourd. Donc, ils voulaient nier que c’était eux qui l’ont fait. Nous avons des preuves. Nous avons des documentations qui prouvent bien que ce sont les forces spéciales du président Gbagbo qui ont tiré à la mitraillette.

l Est-ce qu’aujourd’hui, on peut parler de génocide ou alors c’est trop tôt de parler de génocide?
On parle beaucoup de guerre civile, de génocide. Mais je dirais plutôt qu’il y a des accrochages, des tueries inacceptables chaque jour. Surtout à Abobo. Aussi dans l’ouest. Et des tragédies d’une dimension humanitaire. Aussi on parle beaucoup de la guerre civile, mais sur le plan national encore, les combats sont limités, localisés dans un endroit spécial à Abidjan et dans l’ouest extrême.

l Donc il est trop tôt de parler de guerre civile ou de génocide ?
Ça dépend, s’il y avait des spécialistes qui ont fait d’une façon très concrète des cas humanitaires, droits de l’homme, violation tout cela, ils pourraient dire que c’est un cas de crime contre l’humanité. Tout cela. Mais il faut aussi mettre ce crime, cet acte, dans les perspectives. C’est inacceptable. Ça pourrait constituer un crime contre l’humanité. Mais aussi, il ne faut pas dire que, sur le plan national, tout le monde s’engage au combat avec tous les armes disponibles. On n’en est pas encore là.

l Est-ce que vous avez découvert des charniers depuis le déclenchement de cette crise ?
Nous avons des informations qu’il pourrait y avoir trois ou quatre charniers suspects. Le premier, c’était à N’dotré-Anyama, près d’Abobo et trois dans l’ouest. Et nous avons visité un près de Daloa. Mais on n’a pas trouvé de charnier. Les deux, on n’a pas encore visité dans l’Ouest, l’endroit suspect. Nous avons visité N’dotré deux fois tout récemment avec les experts. Nous n’avons pas trouvé de traces de charniers à N’dotré, ni les corps dans les morgues. Mais il faut continuer à évaluer les évidences, les preuves qui pourraient surgir.

l Vous avez rappelé tout à l’heure, M. Choi, ce que vous faites pour protéger les populations civiles qui pensent, beaucoup d’Ivoiriens aussi, que vous n’en faites pas assez. Monsieur Alain Juppé, le ministre français des affaires étrangères, a rappelé récemment que votre mandat est suffisamment précis pour protéger les populations. Comment se fait-il que ce que vous faites on ne le perçoit pas ? On attend plus de vous et on ne vous voit pas souvent. A Koumassi, dans d’autres communes, à Yopougon.
Vous savez, nous sommes à peu près 8.000 effectifs aujourd’hui. A peu près 3.500 sont à Abidjan, dont la moitié est consacrée à la protection de l’Hôtel du Golf. Avec 1.500, nous avons envoyé six patrouilles à un moment donné. Donc qu’est-ce que vous voulez, nous pouvons envoyer une patrouille à Koumassi, une patrouille à Abobo, Attecoubé, Cocody, Yopougon. Donc si vous ne voyez pas souvent notre présence, c’est parce que vous ne nous suivez pas.

l Qu’est-ce qu’il vous faut pour que vous fassiez d’avantage. Faut-il un changement de mandat ?
C’est une question très importante. Mais c’est le Conseil de sécurité qui doit réfléchir et prendre une décision. C’est-à-dire qu’il y a des demandes incessantes pour qu’on fasse plus. Mais pour cela, quand on lit attentivement les demandes, il faut changer carrément notre mandat. C’est-à-dire nous avons aussi le Chapitre 7, c’est vrai, mais dans le Chapitre 7, il y a deux possibilités : le maintien de la paix où nous sommes aujourd’hui et l’imposition de la paix. C’est-à-dire, on fait le combat, carrément le combat, contre les forces hostiles. Il faut carrément changer le mandat pour qu’on nous donne le mandat d’imposition de la paix. On n’en est pas là encore. Nous sommes au maintien de la paix et non à l’imposition de la paix.

l Très bien j’arrive à ma question. Vous êtes formel, c’est Monsieur Ouattara qui a gagné et depuis quatre mois, il est retranché ici. Est-ce que ce n’est pas l’échec de l’ONU ?
Non. Le mandat que nous avons reçu, c’est, je le répète mot à mot : promouvoir le dialogue politique parmi les acteurs politiques ivoiriens et faire respecter le résultat. C’est-à-dire, nous sommes là pour protéger le résultat, la protection de l’hôtel du Golf. Nous sommes là pour promouvoir le dialogue entre les différents acteurs politiques en Côte d’Ivoire. Donc, si vous imaginez qu’on peut faire une action militaire en faveur des résultats, ce n’est pas dans notre mandat. Il faut bien le comprendre. C’est pour ça que je vous répète encore une fois ‘dire la vérité mais agir avec impartialité’. C’est un peu complexe. C’est bien le sens de notre mandat. Cela veut dire qu’on écarte toute action militaire, d’occupation d’une […] enceinte, par exemple la Banque Centrale. On nous demandait incessamment d’installer un camp militaire pour faire fonctionner ce camp militaire conformément aux résultats des élections. Mais ce n’est pas dans notre mandat. Il faut promouvoir le dialogue parmi les acteurs ivoiriens, mais avec une seule condition, qui est l’acceptation des résultats, la vérité qui ne change pas. Voilà la certification et notre mandat.

l Comment voyez vous la fin de cette crise, M. Choi ?
Personne n’a une boule de cristal pour le dire. Mais quatre mois, c’est un peu trop. Mon instinct me dit que la fin n’est pas très très loin. La fin n’est pas très loin puisque quand je vois des mesures extrêmes amplifiées par le camp du président Gbagbo, je me demande où est-ce qu’on en est vraiment ? Si vous lisez l’histoire, si vous voyez les mesures extrêmes, c’est un signe de perte de contrôle de celui qui emploie ces mesures extrêmes. Donc, de ce point de vue, je dis c’est peut-être les ténèbres avant l’aube. Ayons espoir. Ç’a duré quatre mois. Ça ne peut pas durer trop longtemps. Mon instinct me dit que la fin sera plus tôt qu’on ne peut imaginer.

SOURCE : TCI

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