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Société Publié le mercredi 30 mars 2011 | Nord-Sud

Les femmes héroïnes de la démocratie

En Côte d’Ivoire, malgré les cruautés dont elles sont victimes, les femmes ne manquent pas d’aller au charbon pour défendre leurs convictions
Mme E.K. est mère d’une famille, composée à l’origine de 9 membres : monsieur et madame, les quatre enfants, deux neveux et la servante.

Depuis les affrontements à Abobo, elle a accueilli chez elle, 13 déplacés. Ce qui a amené à 22, le nombre de bouches à nourrir. « Au début, on préparait 25 Kg de riz tous les trois jours. Nous avons acheté de grandes nattes pour leur servir de couchettes. Puis, cinq d’entre eux sont partis à Yopougon. Nous leur avons remis 30.000 Fcfa, pour qu’ils aient un peu d’argent sur eux. Un moment, j’étais vraiment à bout et j’ai dû demander de l’aide à la Caritas de ma paroisse qui m’a fait don de 10 Kg de riz. Ensuite, six autres sont partis à l’intérieur du pays. A chacun, nous avons remis la somme de 10.000 Fcfa. Nous ne sommes plus que 11 à la maison, parce que les deux autres travaillent ici à Abidjan. Ils ne peuvent donc pas partir. Avant, on ne dépensait que 5.000 Fcfa en deux jours. Aujourd’hui, c’est 10.000 Fcfa tous les trois jours. Toutes nos dépenses ont pratiquement doublé. La facture de courant nous est revenue à 50.000 contre 30.000 Fcfa. Ma banque est fermée. C’est dur !», gémit-elle. Même si Mme E.K. a bénéficié du soutien de son époux, en tant que maîtresse de maison, elle a du mérite d’avoir permis à des personnes déplacées de vivre, un tant soit peu, dans la décence. Ce cas, parmi, tant d’autres, témoigne du lourd tribut que les femmes paient à la crise post-électorale qui secoue la Côte d’Ivoire.

La femme, première
victime de la crise

La fermeture des établissements bancaires et financiers et de plusieurs autres entreprises a mis dans la rue des pères de famille. Face à l’incapacité des hommes à subvenir correctement aux besoins de la famille, ces mères, ces épouses, ces sœurs et ces filles doivent porter la lourde responsabilité d’assurer la pitance quotidienne. Et, elles le font tant bien que mal.
La reprise des affrontements, surtout à Abidjan, a conduit les populations ivoiriennes à se déplacer par milliers. Les femmes ont été jetées sur les routes, bagages sur la tête, bébé au dos et sacs de voyage en main. Celles qui ont plus de chance trouvent un refuge. Les moins chanceuses sont battues, violées, et tuées.
Dans son dernier rapport, Amnesty international a dénoncé les violences faites aux populations, notamment aux femmes. « Les femmes sont les victimes oubliées de ce conflit. Nous avons appris que dans une zone située à l’ouest du pays, le nombre de femmes victimes de viol ne cesse de s’accroître. Et les chiffres connus sont certainement très loin de la réalité, étant donné que ces femmes ne portent jamais plainte. Elles n’ont pas confiance en la justice, et encore moins en la police. Depuis le début de la crise en 2002, les auteurs ne sont quasiment jamais sanctionnés. Les femmes désignent souvent leurs agresseurs comme « les corps habillés » ; tout ce qui porte un uniforme en somme. Très souvent on connaît les auteurs de viols, une brève enquête suffirait à les identifier. Il faudrait des sanctions et un message clair à destination des Forces de défense et de sécurité ainsi que des Fn », a soutenu l’auteur du rapport, Gaëtan Mootoo, dans une interview accordée à un confrère.

Se battre à tout prix

Face à tant de violences et d’injustices, ces femmes de Côte d’Ivoire ont décidé de prendre les choses en main. Et, surtout, faire respecter le verdict des urnes qui a donné Alassane Ouattara vainqueur de l’élection, face au président sortant, Laurent Gbagbo. Ainsi, le 3 mars dernier, elles ont organisé un grand rassemblement à Abobo pour marquer leur attachement au verdict des urnes et dénoncer les violences orchestrées par le camp Gbagbo. A la vue d’un char des ex-forces de défense et de sécurité, elles se sont mises à chanter, à battre les mains et à danser en entourant l’engin. Croyant qu’il venait assurer leur sécurité. Mais, alors qu’elles s’y attendaient le moins, les occupants du char se sont mis à tirer sur la foule. Six sont mortes sur-le-champ. De nombreuses autres étaient blessées.
Mais, elles ne seront pas au bout de leurs surprises. Puisque le camp Gbagbo mettra un point d’honneur à présenter ce carnage comme une mise en scène montée de toutes pièces par la presse internationale, sur instructions du président de la République, Alassane Ouattara. Le massacre est vu dans le monde entier comme « une faillite morale », selon les propres termes du président américain Barack Obama. A ce jour, au moins 100 femmes ont perdu la vie dans cette crise post-électorale et des centaines de milliers sont déplacées. Le 8 mars 2011, soit cinq jours après le drame, le monde entier célébrait la Journée internationale de la femme. C’est dans le deuil et le recueillement que les Ivoiriennes sont sorties nombreuses, vêtues de blanc, de noir ou de rouge pour pleurer leurs sœurs tombées sous les balles assassines des forces de Laurent Gbagbo. Bravant la peur et l’angoisse d’être elles aussi tuées, elles sont sorties nombreuses pour célébrer cette journée. Si, dans l’ensemble, les choses se sont bien déroulées, elles se sont, toutefois, achevées sur une note triste, dans la commune de Treichville. Des incidents y ayant occasionné la mort de quatre personnes, dont une femme.
Anne-Marie Eba
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