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Politique Publié le lundi 16 mai 2011 | Nord-Sud

Découverte macabre, samedi : Plusieurs corps découverts dans la forêt du Banco

La présence dans les broussailles de six corps dispersés portant des impacts de balles ou calcinés, à l’orée du Parc national du Banco, communément appelé la forêt du Banco, fait dire au commandant Konaté Mamadou du camp commando (de gendarmerie) d’Abobo qu’un ratissage s’impose en ces lieux, en vue d’en débusquer des miliciens.

En début d’après-midi de samedi, une nouvelle alarmante faisant état de la découverte de plusieurs corps dans la forêt du Banco se répand dans la commune d’Abobo. En pareille circonstance postérieure à des affrontements sanglants et à des tueries massives, entre forces pro-Gbagbo et pro-Ouattara, l’on parle à tort ou à raison de charnier (autrefois, cimetière ou dépôt d’ossements humains). Et c’était le cas avant-hier dans les environs de la gare routière et de la mairie, au centre de la cité du maire Adama Tounkara. Pour en savoir davantage, l’autorité policière ou militaire de la circonscription est toujours mieux indiquée.

Ainsi, le contact pris avec le camp commando d’Abobo, vers 14h30, par un intermédiaire, proche du maître des lieux, va s’avérer fructueux, mais tardivement parce qu’avant l’autorité militaire, aucun interlocuteur rencontré dans la dite enceinte n’a voulu s’étendre sur le sujet.

Alors il faut attendre le chef, absent. Dans la vaste cour, sur le parking, deux blindés de couleur blanche des Casques bleus attendent, il y a aussi leurs collègues civils qui patientent près de trois véhicules 4x4 estampillés UN. Ils sont là pour la même raison : les morts du Banco. C’est la preuve que la nouvelle est prise au sérieux. Celui que tous attendent se nomme Konaté Mamadou. Un soldat interrogé à son sujet, dit que « le chef est très occupé ».

Il a conduit une délégation onusienne des droits de l’Homme au lieu du « charnier ». Un charnier ? « Oui », acquiesce-t-il, bref. Il ne sait pas combien de corps il y a là-bas, mais il insiste qu’il faut attendre le patron. Le devoir de réserve semble de mise dans les lieux.

L’enceinte du camp où on accède tout de go, la sentinelle ne s’attardant pas sur quelque formalité, grouille de monde. Une centaine de jeunes pour la plupart en uniforme bleu-corvée va et vient sur la pelouse, le long de la seule voie bitumée qui traverse le camp : un vaste périmètre abritant deux imposants bâtiments à étages se faisant face.

Enfin le commandant…

Il s’en est fallu de peu pour qu’il nous échappe. Distrait par le paysage bruyant et diversement coloré du dehors, nous n’avons pu voir le commandant sortir. Heureusement que le coup de fil que lui passe le guide s’avère salvateur. Le commandant se propose d’attendre l’équipe non loin de la brigade de gendarmerie, à quelque cinq minutes en voiture, au secteur dit ‘’Gagnoa-gare‘’, vers le centre-ville. Une fois à sa hauteur, les présentations et civilités sont faites. Et, hop, cap sur la forêt du Banco, plus au sud de la commune, via l’autoroute qui borde l’université d’Abobo-Adjamé et, la casse. Nous voilà à la gare routière qui donne sur le village Ebrié d’Agban à quelques deux minutes avant la cité Fairmont, dans la commune d’Attécoubé. La seule chaussée qui débouche sur l’ancienne route de Dabou mène à l’endroit qui nous intéresse. Effectivement, une vingtaine de minutes après, Konaté Mamadou au volant d’un 4x4 coupé, s’écrie, ironique : « bon, les pochettes parce que le déodorant va commencer à sentir ». Le commandant est un monsieur de la quarantaine, svelte, de teint noir, il arbore un képi sur un tricot de couleur bleu-marine sur lequel on peut lire FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire) et en pantalon treillis sur des rangers noirs. Il doit être un mordu du reggae, fan du défunt Lucky Dube parce qu’il n’a pas cessé d’alterner les chansons de l’artiste sud-africain, durant le trajet.

Voilà les cadavres…

Le doux soleil qu’il faisait à Abobo a fait place à un ciel nuageux à Attécoubé. Le chauffeur ayant coupé la sélection de Lucky demande que l’équipage attende le cortège de l’Onuci. Il suivait, en fait. Quand il termine le circuit (ci-dessus décrit) donnant sur le flanc de la forêt du Banco, le 4x4 est déjà stationné, au pied de trois pylônes, visibles sur l’axe Attécoubé-Locodjro et plus loin à la commune de Yopougon. Tout le monde est là, ainsi qu’une équipe de reportage de Tv5 monde. On y va, à pied, il est 16 h15 par-là et la pluie menace. Mais impossible de pénétrer dans la forêt, par la piste qui mène aux corps. Une odeur de putréfaction vous donne envie de rebrousser chemin. Il n’y a pas de cache-nez, et les pochettes de lotus servies par le commandant n’y font rien. On se pince le nez à s’étouffer, et attention à ne pas ouvrir la bouche au risque de prendre la puanteur plein la gueule.

Comme s’ils avaient de leur côté le dieu de la pluie en plus de l’odeur repoussantes, à vomir, les cadavres seront dans un premier temps inaccessible, trempés qu’ils ont été par l’averse qui tombe dans les instants qui suivent. Tout le monde en voiture ! « Avec la pluie, ça va sentir plus mauvais », se plaint un élément des FRCI, le visage dans une épaisse écharpe noire. Une dizaine de minutes se sont écoulées, la pluie a cessé. Retour sur nos pas. Il faut braver l’air humide et fétide qui fait écran à l’orée de la forêt. La marche dure à peine deux minutes qu’on aperçoit une jambe, puis le corps enflé d’un homme en pantalon bleu. Les bras écartés, il présente des traces de brûlures. Des sandales de couleur bleu et à rayures horizontales blanches traînent, tout près. Une paire de chaussures plastiques, communément appelées ‘’côrôdjô‘’, celles-là de couleur noire traînent là également. Elle pourrait appartenir au jeune homme étendu, sans vie, juste à côte du premier et comme ce dernier, la tête dans les hautes herbes. Le corps exhibe un orifice en pleine poitrine, probablement l’impact d’une grosse balle. Difficile de s’approcher. « Ils n’ont pas été identifiés », répond le commandant à un officier onusien. Toujours selon le commandant, c’est suite à un coup de fil anonyme qu’il a ordonné une « vérification » par ses éléments qui ont découvert les corps, ligotés pour certains. Ils sont là depuis deux ou trois jours, pense-t-il, vaguement. Il est cependant sûr que les personnes tuées l’ont été par des miliciens, encore embusqués. L’un de ses éléments soupçonne même la présence de deux chars dans la forêt. « Nous allons la nettoyer puisqu’il y va de la sécurité des Ivoiriens », renchérit Konaté Mamadou, qui a demandé l’appui des agents des eaux et forêts, présents. Il est soutenu par le colonel Soro Yamami, conseiller technique du ministre des Eaux et forêts, il propose une « action vigoureuse » d’envergure pour le nettoyage d’un parc dense de 3.460 ha, parsemés de 278 pistes. Mais avant, il va falloir enlever quatre autres corps qui gisent plus loin, les habits en lambeaux, comme les premiers, eux aussi en putréfaction. Pour ce faire, l’équipe de l’Onuci qui a posé beaucoup de questions aux officiers, pense qu’en ce qui la concerne la requête devra suivre le labyrinthe des formalités administratives ; ça va prendre du temps. Alors, informer les pompes funèbres serait la meilleure solution, sinon les corps pourrissant empoisonneront d’éventuels cours d’eau dans le périmètre et les riverains.

Kouakou Liza
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