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Politique Publié le jeudi 26 mai 2011 | Le Patriote

Violences en Côte d`Ivoire : Un rapport d`Amnesty met en cause les deux camps

Quatre jours après l'investiture d'Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire, Amnesty International a rendu public mercredi un rapport accablant sur les violences et les assassinats de centaines de civils qui ont suivi la présidentielle contestée de novembre. Non seulement ce document met en cause les partisans du président et de son prédécesseur Laurent Gbagbo mais il accuse aussi les Casques bleus d'inaction lors des tueries perpétrées fin mars à Duékoué, dans l'ouest du pays.

Intitulé «Ils ont regardé sa carte d'identité et l'ont abattu», le rapport est fondé sur deux missions d'enquête menées par des représentants de l'organisation de défense des droits de l'Homme entre janvier et avril à Abidjan et dans l'ouest de la Côte d'Ivoire.

Des centaines de témoignages ont été recueillis par les enquêteurs, qui détaillent les nombreux cas d'attaques fondées sur des critères ethniques, politiques ou religieux présumés.

À l'origine de la «plus grave crise humanitaire et de droits humains» qu'ait connue le pays depuis sa partition de facto en septembre 2002, les violences qui ont suivi le scrutin du 28 novembre ont été commises par les camps des deux candidats. À savoir des partisans armés combattant pour Alassane Ouattara - dont la victoire a été certifiée par l'ONU - et pour le président sortant Laurent Gbagbo - arrêté le 11 avril après avoir refusé de céder le pouvoir malgré les médiations internationales et des sanctions financières.

«Les conclusions» d'Amnesty International (AI) «montrent clairement que toutes les parties au conflit ont commis des crimes au regard du droit international, y compris des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité», souligne le rapport.

Des centaines de personnes ont été tuées, souvent sur la base de critères ethniques ou d'affiliations politiques supposés; des fillettes et des femmes ont été victimes de violences sexuelles et des centaines de milliers de personnes ont dû fuir leur domicile en direction d'autres régions ou des pays voisins, dont le Libéria, selon l'organisation qui critique également l'approche du nouveau gouvernement. «Aucune réconciliation ne peut être possible (...) sans que justice et réparation ne soient rendues à toutes les victimes», note le rapport.

Les autorités ivoiriennes n'ont pas réagi dans l'immédiat. Mais dans un discours prononcé mardi, Alassane Ouattara a observé que le système judiciaire ivoirien n'était pas en mesure de faire traduire l'ensemble des auteurs des crimes devant un tribunal. La semaine dernière, il avait officiellement demandé à la Cour pénale internationale (CPI) d'enquêter sur les exactions commises pendant la crise post-électorale, affirmant que ses partisans - mis en cause - n'étaient pas au-dessus des lois.

Selon son gouvernement, les forces de Gbagbo ont tué au moins 3000 personnes. L'ex-chef d'État, son épouse et de proches alliés sont en état d'arrestation dans une ville du nord du pays, où des enquêteurs fédéraux ont entamé leurs investigations.

Aussitôt après le scrutin contesté de novembre, les forces de sécurité de Gbagbo ont visé et attaqué à Abidjan, la capitale économique, des personnes considérées comme des partisans de Ouattara, sur la base de leurs vêtements, de leurs noms, et même de leur adresse, selon le rapport. La mise en place de barrages routiers pour piéger les victimes a été une autre tactique employée par les jeunes miliciens pro-Gbagbo qui ont «commis des homicides délibérés et arbitraires - dirigés principalement contre des personnes ayant un patronyme ou portant des vêtements musulmans», selon le rapport qui précise que nombre sont mortes brûlées vives.

Peu après, dans l'ouest du pays, des affrontements ont éclaté. Les forces pro-Ouattara ont perpétré des tueries, visant des gens qui avaient probablement soutenu Gbagbo en se fondant sur des critères ethniques et religieux, d'après le rapport.

Dans les premiers jours de l'offensive, le 29 mars au matin, les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (pro-Ouattara), «accompagnées par les Dozos (chasseurs traditionnels), ont totalement pris le contrôle de Duékoué (à près de 500 kilomètres à l'ouest d'Abidjan) et, dans les heures et les jours qui ont suivi, des centaines de personnes appartenant à l'ethnie guérée ont été assassinés de manière délibérée et systématique» dans le secteur, accuse le rapport.

Citant les témoignages de rescapés du massacre commis par les FCRI et leurs alliés, Amnesty International souligne que de nombreuses victimes ont été égorgées, des femmes violées, des enfants tués par balles.

L'organisation pointe également du doigt les Casques bleus chargés de protéger les civils, accusant l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire d'inaction et de déploiement insuffisant pour prévenir les massacres.

Une base de l'ONUCI, notamment, se trouvait à un kilomètre du quartier Carrefour, le lieu principal de ces tueries. «Je suis allée voir les gens de l'ONUCI pour leur dire que nos hommes et nos garçons étaient en train de se faire massacrer et qu'il fallait intervenir et ils n'ont rien fait», a déclaré une femme, citée par AI.

Pour Amnesty International, les nouveaux dirigeants ivoiriens font face à «trois impératifs»: mettre immédiatement fin aux violations des droits humains commises à l'encontre de partisans supposés ou avérés de Laurent Gbgabo; rétablir l'État de droit et ordonner aux forces de sécurité de protéger toutes les populations; et enquêter de façon impartiale sur les violences commises par toutes les parties au conflit depuis décembre.
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