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Politique Publié le jeudi 9 juin 2011 | Le Patriote

Reportage / Un mois après sa libération par les Forces Républicaines


Péniblement, Yopougon renaît quand même à la vie
Marchés bondés, circulation dense, commerces et maquis rouverts… La vie
a repris à Yopougon. Dans cette vaste commune, la guerre n’est plus qu’un
mauvais souvenir. Place désormais au train-train quotidien et à la joie.

A Yopougon, c’est une évidence. La page des miliciens et autres mercenaires
pro-Gbagbo est définitivement tournée. Même les farouches partisans de l’ex-
président ont fini par se faire une raison. Dans cette vaste commune peuplée
d’environ 1,5 million d’habitants, une vraie ville dans la ville, défigurée, il y a
quelques semaines, par la résistance des derniers combattants favorables à
l’ancien Chef d’Etat, la vie a repris. Même les quartiers qui ont terriblement
souffert des derniers combats entre éléments des Forces républicaines de Côte
d’Ivoire et les miliciens et mercenaires, s’accrochent avec une folle envie à la
vie.
Lundi 6 juin, il est 13h31mn. A la gare routière de Yopougon Sable, c’est le
tintamarre habituel. Toutes les compagnies de transport qui y sont basées
desservent à nouveau les villes de l’intérieur. Avec elles, les coxers ont aussi
repris du boulot. « Daloa, Yamoussoukro », hèlent-ils, le moindre passant qui
s’aventure sur les lieux. Les commerces ont également fleuri. Tout comme, les
box de jeunes débrouillards qui proposent des téléchargements de musique,
moyennant une pièce, sur les téléphones portables. « Une puce moins cher
avec un crédit de consommation de 5000 FCFA », présente Herman, jeune
homme d’une vingtaine d’années, revendeur des produits d’un opérateur
de téléphonie mobile, rencontré dans une ruelle de cette gare. « La gare a
retrouvé son ambiance d’avant », confirme-t-il, avant de poursuivre : « Il y a
quelques semaines, elle était déserte. Il n’y avait personne. Moi je ne suis pas
partie du quartier, j’ai vécu ce qui s’est passé. C’était vraiment chaud ».
Quelques pas plus loin, en direction du carrefour Siporex, se trouvent les
bureaux d’Abass Transport. Une compagnie qui fait le trajet Abidjan-Séguéla-
Abidjan. L’espace à ciel ouvert qui sert de « salle » d’attente aux voyageurs
est presque désert. Un petit groupe de personnes devisent tranquillement.

De toute évidence, il n’y a plus de départ pour le reste de la journée. « Ça
ne marche pas trop fort. Avant la crise, on faisait 2 ou 3 voyages par jour.
Mais aujourd’hui, on ne se contente que d’un seul », lâche Timité Losseni,
guichetier. « Nous avons dû revoir à la baisse les tarifs. On est passé de 15 000
à 12 000 puis 10 000 et actuellement on vend le ticket à 7500 FCFA », renchérit
Soumahoro Abou, chef de gare d’Abass Transport qui a repris du service début
mai.
A l’image Abass Transport, beaucoup d’autres compagnies avouent connaître
effectivement une baisse de régime. Une situation qui s’explique par le fait que
les départs d’Abidjan sont moindres que les retours. La commune s’étant vidée
à la faveur des affrontements armés, l’heure est donc plutôt au retour des
populations.
Cette reprise timide s’explique aussi, selon Cissé Pablo, transporteur, par le
lourd tribut payé par les acteurs du transport dans cette crise postélectorale. «
Le transport a assez souffert de cette crise. Des véhicules ont été détruits,
notamment les minicars Gbaka. C’est clair que la reprise totale ne peut
pas se faire immédiatement. Il faut du temps », explique-t-il. Toutefois, il
reconnaît, à l’inverse des Gbaka, que les taxis communaux de Yopougon ont
dans l’ensemble repris le travail. Et les propriétaires de véhicules de transport
plus exigeants, le temps de la clémence étant fini. « Quand Yop a été libérée
et qu’on a commencé à rouler (entendez, circuler), on faisait comme recette
6 ou 7 000 FCFA comme recette. Mais maintenant, c’est la recette normale
que le « camionneur » (propriétaire du véhicule) demande, c’est-à-dire 14 000
FCFA », confie Abou Koné, chauffeur de taxi, entre deux coups d’œil furtifs sur
le trottoir, à la recherche de clients. Preuve évidente que la circulation s’est
vraiment normalisée, les taxis communaux sillonnent toutes les contrées de
Yopougon. « On va partout même à Abobo-Doumé et Koweït où ça a chauffé. Il
n’y a plus rien, on peut gagner notre pain tranquillement », se réjouit ce jeune
garçon fougueux.
De Siporex à Toits Rouges, en passant par Wassakara, Port-Bouët 2,
Millionnaire, Sicogi, Sogefiha, Selmer, Ficgayo, Maroc, Sideci, ou encore
Koweït, aucun sous-quartier de Yopougon n’est enclavé. Même le trafic
lagunaire, longtemps suspendu (parce que la zone d’Abobo-Doumé était le
bastion des mercenaires pro-Gbagbo) a repris. On retrouve l’affluence d’avant
crise postélectorale sur l’embarcadère et aussi dans les quais des bateaux-
bus. Les files d’attentes sont même interminables. Les vendeuses de poissons
frais sont également de retour. Le vacarme créé par les taxis communaux,
qui attendent impatiemment les potentiels clients qui viennent de faire la
traversée. Les klaxons sifflent par ici, les cris des chargeurs fusent par là. Les
clients sont eux pris d’assaut. C’est même la bagarre pour les arracher. Il y a

trois semaines, l’endroit était vide. Pas un seul bruit, des cadavres dans les
rues, habitations désertes, on se croirait dans une ville fantôme… De toute
évidence, cet endroit a vraiment retrouvé de la couleur et de l’animation.
Mais cette ferveur contraste avec la tristesse de certains restaurateurs, surtout
ceux du village Ficgayo. Là, beaucoup de maquis restent fermés. La raison ? Ils
ont simplement été pillés. C’est le cas par exemple de l’« Excellence » où tout a
été emporté : le matériel et les ustensiles de cuisine, les provisions et surtout le
congélateur qui contenait, à en croire, un employé d’Adopodoumé, le maquis
voisin, de la viande pour 500 000 FCFA.
Ceux, qui ont miraculeusement échappé aux pillards, ont rouvert, mais
tournent au petit trot. « Avant on ouvrait jusqu’à 22h, mais actuellement on
ferme dès 17 ou 18h, raison de sécurité oblige », confesse notre interlocuteur.
En revanche, les buvettes tournent normalement. Elles sont visibles dans
tous les quartiers. Même à Toits Rouges, où une bonne partie des habitants
ont regagné leur domicile. « Le quartier revit. Beaucoup de gens avaient fui.
Certains comme moi sont de retour, d’ ‘autres arrivent progressivement. Les
boutiques ont rouvert, les commerces également, même le supermarché du
coin est aussi ouvert », fait remarquer Mathias qui habite non loin du camp de
Gendarmerie. Idem à Yopougon Sideci qui s’est repeuplée.
A la rue princesse, les décibels tonnent de nouveau, surtout au maquis VIP «
Abidjan », où une grande banderole mentionne qu’il est interdit d’y pénétrer
avec une arme à feu, allusion faite implicitement à certains éléments des FRCI.
Ce vent de reprise souffle également sur les écoles primaires de Yopougon.
Depuis une semaine, les écoliers ont repris, pour les établissements qui n’ont
pas été dévastés, le chemin des classes dans toute la cité.
En revanche, à certains endroits de la commune, les stigmates de la guerre
sont assez visibles, pour ne pas dire choquantes. Comme par exemple au
quartier précaire Doukouré où les maisons défigurées, des traces d’incendie
achèvent de convaincre que la bataille fut âpre et terrible. Ou encore à certains
endroits de Koweït et Toits Rouges où des habitations sont toujours fermées
à double tour. Les agences des différentes banques portent encore les traces
du passage des pilleurs et des vandales. A Yopougon, il n’y a pour l’instant
malheureusement plus de banques opérationnelles.
Qu’importe, la cité de la joie s’accroche à la vie, avec ses marchés bondés,
ses trottoirs investis par les petits commerçants, ses grands maquis animés.
Et amorce progressivement son renouveau. Signe patent de cette volonté
de tourner la page sombre de la violence, les parlements et agoras ont
totalement disparu. Mieux, celui de Yopougon Lavage, bien connu dans la
commune, est aujourd’hui un chantier. Un édifice, manifestement, un magasin
est en train de sortir de terre. Yopougon a souffert de la guerre. Elle veut

maintenant profiter de la vie. Et ça ne fait que commencer…
Y. Sangaré
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