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Société Publié le vendredi 24 juin 2011 | Le Patriote

Reportage / Mission catholique de Duékoué : Les déplacés veulent regagner les villages et leurs domiciles

Trois mois après les tueries et les atrocités qu’ont connues les populations de Duékoué et des villages environnants, la ville se remet peu à peu. Avec ce retour à la normalité, il est, de plus en plus, question du retour des réfugiés dans leurs villages.

Située sur l’axe Duékoué-Guiglo, la Mission Catholique de l’Enfant Jésus qui a accueilli les 32 000 déplacés des quartiers et des villages du département de Duékoué, fin mars 2011, ne passe pas inaperçue. Construite sur un espace de 2 ha, cette paroisse héberge encore près de 12 000 réfugiés. Mais le monde qui y grouille toute la journée, nous donne une toute autre impression. Lieu de culte et d’adoration, cet endroit s’est transformé, au fil des jours et des mois, en un gros village. Pour des besoins évidents, de petits commerces se sont créés aux abords de la Mission et un marché avec des étals de fortune se trouve juste en face. On y trouve du vivrier et surtout du riz, de l’huile et autres denrées de première nécessité. «Tout ce que vous voyez sur le marché ici, vient des dons offerts par les âmes de bonne volonté. Ici, les gens ont plus besoin de moyens financiers pour vivre ou pour retourner dans leur village» nous confie subtilement un natif de la région. Même certains camions de transport embarquent et déchargent les passagers devant ce lieu de culte. Mais l’émotion est encore plus vive lorsqu’on franchit l’entrée du camp. On est tout de suite frappé par la promiscuité et l’insalubrité dans lesquelles ces populations vivent. Des cas de maladies sont signalés de façon quotidienne et le risque d’une épidémie est réel.

Le site de la discorde
Conscients qu’ils n’ont d’autres choix que de vivre dans ces conditions, ces réfugiés veulent avant tout renouer avec une vie normale, et surtout rentrer chez eux, dans leurs villages et dans leurs quartiers. Ce que Mme Oula Solange appelle de tous ses vœux. Originaire de Blodi, cette femme nous apprend qu’elle menait une activité rentable avant les derniers événements. «Ma maison a été décoiffée. Je ne sais où aller et je n’ai plus de moyens. C’est bien que des personnes de bonne volonté nous donnent des vivres. Mais, il serait mieux d’arranger nos maisons détruites afin que nous retournions chez nous. Dans mon village, je pourrai reprendre mon activité. Le nouveau site qu’ils sont en train de construire, ne nous arrange pas. Nous n’allons pas aller de camp de réfugiés en camp de réfugiés. Il est important que les autorités du pays pensent à nous» a-t-elle souhaité. En effet, la question de la relocalisation des réfugiés sur le nouveau site, fait l’objet de controverse parmi les concernés eux-mêmes. Aménagé sur la route de Guiglo, ce camp, encore en chantier, lors de notre passage, s’étend sur plusieurs hectares de forêt déblayés à cet effet. Des cabanes construites en bandes devraient pouvoir accueillir les 12 000 réfugiés qui se trouvent à la Mission catholique. Comme Dame Oula, nombreux sont ceux qui désirent regagner leurs villages, mais à condition, qu’ils soient réhabilités. Par contre, d’autres évoquent le problème de l’insécurité et la peur de se faire attaquer une fois de plus. Pour ceux qui avancent cet argument, l’Adjudant Koné Daouda, alias Konda, Commandant du détachement des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire de Duékoué, répond que ses éléments et lui-même font tout pour assurer la sécurité des populations. Même s’il reconnaît que les FRCI ne peuvent pas être partout à la fois, il estime cependant, que les populations autochtones peuvent retourner chez elles sans grande frayeur. «Nous faisons des efforts pour assurer la sécurité des populations» a-t-il déclaré.

Pour sa part, le sous-préfet du département de Duékoué, Abion Yao Eli, note qu’à ce sujet, le corps préfectoral est en train de mettre sur pied un «plan Marshall» pour que les populations puissent retourner chez elles d’ici à la fin de l’année. «Nous avons entamé une tournée auprès de toutes les communautés vivant ici afin de faciliter le retour des déplacés dans leurs villages.

Le « plan Marshall »
Nous allons initier une opération avec les allogènes afin qu’ils viennent vers les autochtones et les ramènent dans leurs villages. Ainsi, ils comprendront que ces derniers ne sont pas leurs ennemis. Cela leur enlèvera cette crainte qu’ils ont de retourner dans leur village et le problème ne se posera plus» a-t-il expliqué. Mais selon le sous-préfet, cette action ne pourra aboutir que si tout le monde y met du sien. «Il faut lutter auprès de tous ceux qui peuvent nous aider à aller à la réconciliation. Il faut que des personnes et même des cadres de la région initient des combats dans ce sens. Le cas de Duékoué est exceptionnel. La réconciliation partira de Duékoué et donc, c’est l’affaire de tous» a-t-il fait savoir.

De la nécessité de la réconciliation
Toujours concernant la relocalisation, Benjamin Effoli, préfet de Duékoué estime que cela n’aide pas à la réconciliation. Pour lui, la réconciliation ne réussira que si les communautés se retrouvent entre elles, se côtoient et qu’elles se pardonnent mutuellement. Et cela passe par la reconstruction des maisons détruites. A ce sujet, il a lancé un appel pressant aux personnes de bonnes volontés et au gouvernement. «Nous demandons de l’aide en nature, des matériaux de construction pour refaire, même si c’est de façon sommaire, les cases et les maisons afin de libérer la Mission Catholique. L’idéal est que cela soit fait avant la saison des pluies. Ainsi nous éviterons un assistanat éternel de ces personnes déplacées» plaide-t-il. Abondant dans le même sens, Koné Mamadou, président du comité Réconciliation et cohésion sociale de Duékoué soutient, en effet, qu’avoir un camp de réfugiés risquerait d’accentuer la fracture sociale. «Il faut un brassage. Avec ce nouveau camp, le problème ne sera pas réglé» estime-t-il. Sur la question, le Père Cyprien Ahouré, responsable de la Mission Catholique se veut rassurant quant aux démarches entreprises pour la réconciliation entre les communautés. «Nous sommes confiants et avec le travail que nous avions commencé avec les autorités, les choses vont aller plus vite. Nous prions chaque jour pour que l’Esprit Saint souffle en abondance sur les populations de Duékoué» se préoccupe-t-il. Pourvu que les choses aillent vraiment vite pour que la Mission reprenne ses activités. Ce que, le Père Cyprien appelle de tous ses vœux.


Duékoué
Une ville aux douloureux souvenirs
En attendant de régler l’épineux problème du départ des réfugiés de la Mission Catholique, Duékoué, renaît petit à petit. La ville parle d’elle-même. Les bâtiments, qui portent encore les traces de balles sur le long de la grande voie qui traverse la ville, des magasins et des maisons incendiés dans certains quartiers montrent, aisément, l’intensité des affrontements. Mais la ville semble laissée derrière elle ce souvenir amer. La quasi-totalité des populations, autochtones et allogènes, qui avaient fui la ville continuent de revenir et ont repris leurs activités, pour la plupart. Dans le centre ville, les activités commerciales ont totalement repris leur droit. Que ce soit les grandes surfaces, les stations services, le transport ou encore le commerce. Au niveau de l’Administration, le rythme est encore lent, nous apprend le sous-préfet. A part le Trésor public, tous les autres services ont repris le cours normal. Même si certains agents traînent encore les pas. Et le sous-préfet ne partage pas cette idée. «Nous sommes les hommes de devoir, malgré les difficultés, nous sommes obligés d’être présents. Je crois que si le préfet, qui est le premier responsable de l’administration est à son poste, il n’y a pas de raison que les autres ne suivent pas. C’est aux chefs de service de prendre leur responsabilité pour que l’administration fonctionne normalement» précisé-t-il. Au niveau du service, les difficultés ne manquent pas. Les locaux de la préfecture et de la sous-préfecture n’ont pas été épargnés par les pilleurs. Tout a été emporté, du mobilier de bureau aux matériels de travail, jusqu’aux portes et fenêtres. Ce qui rend difficile la délivrance des actes de naissances, même si, selon Abion Yao Eli, peu de registres ont été détruits ou emportés. «L’urgent, c’est d’avoir une machine à dactylo, en attendant d’avoir un ordinateur. Nous avons beaucoup de difficultés pour satisfaire les requérants pour les extraits de naissance. Nos agents sont obligés d’aller jusqu’à Man pour récupérer le double des registres perdus afin de le saisir et satisfaire les demandes. Nous ne disposons d’aucun moyen, donc le requérant est obligé de mettre la main à la poche pour avoir son extrait » confie-t-il. Toutes les écoles de la ville, hormis celle de la mission catholique ont rouvert leurs classes aux élèves. Le Commissariat de police qui a reçu un obus lors des affrontements a été délocalisé dans un bâtiment en face de la place publique. Il devrait être fonctionnel dans quelques jours, nous a-t-on rassurés. Quant à la sécurité dans la ville, «elle est assurée maintenant», nous informe D S, coiffeur de son état. «Les braquages dans la ville ont beaucoup baissé et on peut rester dehors même au-delà de minuit. Ce qui n’était pas possible, il y a deux mois» renchérit-il. En effet, le week-end, les jeunes ne se font pas prier pour prendre d’assaut les maquis de la ville. A «la rue princesse», les maquis affichaient complet, à notre passage et les noctambules ne boudent pas leur plaisir. Les bouteilles d’alcool sur les tables et la musique à outrance sont la preuve que les mauvais souvenirs, sont désormais, derrière eux.

Sogona Sidibé, Envoyée spéciale
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