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Diplomatie Publié le samedi 25 juin 2011 | Le Patriote

Abdou Touré (ambassadeur de Côte d’Ivoire au Burkina Faso) : “La Côte d’Ivoire et le Burkina ont des liens séculaires”

A la faveur de la visite du président de la République Alassane Ouattara au Burkina Faso, le nouvel Ambassadeur de Côte d’Ivoire au pays des Hommes intègres, SEM Abdou Touré, s’est prêté aux questions de la presse. Dans cette interview, il dit tout sur les nouvelles relations ivoiro-burkinabé.
Le Patriote : Pour sa première sortie hors du pays, le président de la République, Alassane Ouattara a choisi le Burkina Faso. Quelle signification pour vous?
Abdou Touré : C’est un juste retour des choses. Il ne faut pas oublier que le président Blaise Compaoré a été le Facilitateur de la crise Ivoirienne. Il nous a énormément aidés dans la résolution de notre crise. Le président Ouattara l’a réaffirmé. Je pense qu’il fallait venir le remercier et le féliciter pour service rendu. La place du Burkina pour la Côte d’Ivoire fait que ce voyage s’imposait. On imaginerait difficilement qu’Alassane Ouattara effectue une visite à Dakar et puis retourne à Abidjan sans passer par le Burkina. Je pense que le Burkina s’imposait parce que véritablement, nous avons des liens séculaires. Nous sommes liés par la géographie et l’histoire.

LP : Excellence, pouvez-vous être un peu plus explicite?
AT : Quand je dis l’histoire, cela englobe vraiment tout. Les deux pays ont des liens tellement forts qu’à un moment, le président Houphouët-Boigny avait souhaité l’instauration de la double nationalité entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. C’est vous dire l’importance du Burkina pour la Côte d’Ivoire. C'est-à-dire que ces deux pays sont interdépendants. Ce qui est venu attester cela, c’est le Traité d’amitié et de Coopération qui a été signé ici au Burkina Faso, le 28 juillet 2008 par Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo. Le premier Conseil interministériel Côte d’Ivoire-Burkina a eu lieu le 15 septembre 2009 à Yamoussoukro. Ce traité englobe absolument tous les secteurs de la vie socio-économique. C’est pour dire que les autorités ivoiriennes et burkinabé sont amenées à se rencontrer très souvent et à travailler main dans la main. Et faire en sorte que la coopération s’approfondisse.

LP : Peut-on en conclure que toutes ces dispositions facilitent votre mission?
AT : Ma mission ici, c’est essentiellement faire en sorte d’approfondir la coopération entre les deux pays, en allant dans le sens de ce que Houphouët-Boigny a toujours souhaité. J’ai pour mission d’améliorer l’image de marque de la Côte d’Ivoire et faire en sorte qu’on ne déprécie plus le Burkinabé en Côte d’Ivoire. Je voudrais, pour l’histoire, rappeler ce que certains jeunes ignorent. C’est que durant la période coloniale, les colons avaient littéralement fait disparaître la Haute-Volta. De 1932 à 1947, ils ont décidé qu’il n’y aurait plus de Haute Volta. Par ce que c’est un pays qui était économiquement sans intérêt, qui a été partagé entre le Niger et le Soudan français devenu le Mali et une autre partie à la Côte d’Ivoire. On avait donc la Haute Côte d’Ivoire qui allait jusqu’ au-delà de Bobo-Dioulasso et la Basse Côte d’Ivoire.

LP : Avec tout ce que vous venez de décrire, vous avez donc la lourde charge de réchauffer l’axe Abidjan-Ouagadougou?
AT : Je pense que c’est une grande responsabilité. Mais en même temps, elle est facilitée par le fait qu’Alassane Ouattara et Blaise Compaoré s’entendent parfaitement. Nous ne sommes plus dans le cas de figure où un chef d’Etat maltraitait ses voisins avec beaucoup d’arrogance, de sorte que la Côte d’Ivoire n’avait que des ennemis. Aujourd’hui, on peut dire que la Côte d’Ivoire se bat pour n’avoir que des amis. Il faut développer la diplomatie de proximité. Si vous ne vous entendez pas avec vos voisins immédiats, à quoi cela sert d’aller chercher des relations lointaines? Il faut absolument mettre l’accent sur la diplomatie de proximité en faisant en sorte qu’on s’entende avec tous nos voisins immédiats. Bien sûr, pour des raisons de sécurité, mais aussi pour tout autre raison à savoir économique, culturelle et humaine. Le voisin comme dirait le président Houphouët, c’est le frère que Dieu vous a donné. On ne choisit pas son voisin. De 1932 à 1947 il n’avait plus de Haute Volta. Et pendant cette période ce qui est extrêmement important pour la Côte d’Ivoire, les colons avaient créé un syndicat qui s’appelait le SIAMO (Syndicat interprofessionnel pour l’acheminement de la main-d’œuvre). Ils venaient chercher la main-d’œuvre au Burkina pour aller développer le Sud. C'est-à-dire la partie Côte d’Ivoire. Ils étaient employés dans les plantations de café, de cacao, dans la construction des ponts en eau profonde, et la construction des routes. On venait choisir les Mossis les plus musclés, les plus valides, des travailleurs increvables et corvéables à merci comme on le dit. Sans leur avis, ils étaient transportés dans des camions entiers. C’était comme les travaux forcés. Cela a joué un rôle fondamental dans le développement de l’économie Ivoirienne. A un moment donné, beaucoup de Voltaïques étaient au Ghana au moment ou ce pays était premier producteurs de cacao. Il y a eu des malentendus, des querelles entre les Burkinabés et les autorités ghanéennes. Je ne sais pas si on peut assimiler cela à un genre ivoiritaire déjà à l’époque. Et donc les Burkinabés ont été congédiés. Et le président Houphouët Boigny a dit : « mes frères, venez chez moi ». Et tous ceux qui étaient là-bas dans les plantations ont été encouragés par Houphouët à venir en Côte d’Ivoire. Et voilà comment la Côte d’Ivoire a occupé la place honorable de premier producteur de cacao dans le monde. En 1947, la Haute Volta a été reconstituée. Mais le transfert des populations a continué jusque dans les années 65. On estime entre 700 mille et un million, le nombre de Voltaïques qui ont été transférés de force. D’où les villages Burkinabés que nous avons Koudoudou, Garango, etc. Alors donc de ce fait, on n’a pas le droit de mépriser ceux qui nous ont apporté cette aide majeure. En retour, ils en tirent un bénéfice certain en gagnant de l’argent en rapatriant ces fonds pour faire vivre des millions de parents chez eux. Cette interdépendance est fondamentale. Voilà pourquoi je dis qu’entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, il faut vraiment mettre l’accent sur nos relations qui sont très fortes depuis très longtemps. Ma mission, c’est donc de faire en sorte qu’on améliore l’image de marque. Et comme je l’ai dit dans mon discours, il faut que chaque Burkinabé vivant en Côte d’Ivoire se sente chez lui. Et que chaque Ivoirien au Burkina se sente chez lui.

LP : Vous avez pris fonction depuis peu, quelles sont vos priorités avec la communauté Ivoirienne qui vit au Faso ?
AT : Je pense que la priorité c’est de travailler avec les autorités Burkinabé. On a un plan de travail tout tracé qui est le traité d’amitié et de coopération. Ce traité nous donne un canevas dans lequel tous les secteurs sont concernés. Mais quand je suis arrivé, j’ai mis l’accent sur la réconciliation. En arrivant à l’ambassade comme vous pouvez l’imaginer, mon prédécesseur était LMP et on m’a dit qu’il y a beaucoup de LMP à l’ambassade. Je suis venu et j’ai tenu un discours de réconciliation. Je leur ai dit que je ne veux pas savoir les sensibilités des uns et des autres. Ça ne m’intéresse pas. Ce qui compte en revanche, c’est le travail bien fait, dans l’honnêteté. Il faut le faire pour l’administration de Côte d’Ivoire pour l’Etat de Côte d’Ivoire. Il ne faut pas tricher avec le travail. Ne pas refuser d’accomplir sa tache parce que le chef de l’Etat n’est pas de mon parti. Ce sont des choses que je n’admettrai pas. En retour, moi je ne veux pas savoir de quel bord politique sont mes collaborateurs. Car je mets tout le monde sur le même pied d’égalité. Nous allons nous mettre au travail, qui est le renforcement de la coopération entre les deux pays.

LP : Vous vous sentez dans la peau d’un ambassadeur privilégié par rapport aux autres ambassadeurs en poste ici ?
AT : Je n’irai pas à me comparer aux autres ambassadeurs. Ce que je peux dire, c’est que je suis un ambassadeur bien dans sa peau. Et le fait que nos deux chefs d’Etat soient sur la même longueur d’onde me rassure et fait de moi un ambassadeur qui est heureux d’accomplir sa mission.

LP : Vous arrivez à un moment où le Burkina est secoué par des bruits de bottes. Est-ce que vous avez déjà évoqué la question avec les autorités?
AT : Tout ce qui s’est passé, je dois dire que ça ne m’a pas inquiété. Parce que selon les informations regroupées, c’était des revendications salariales, c’était des histoires d’argent. Ce n’était pas fondamentalement une remise en cause de l’option politique. L’opposition elle-même n’a pas montré un véritable signe de force capable d’ébranler le régime politique en place. Vu ce qui s’est passé et la manière dont les choses ont été gérées, je dois dire qu’il y a pas de grosse inquiétude. Mais évidement, vous savez, en politique, on ne sait jamais. On peut partir de revendications salariales pour déboucher sur autre chose. Et c’est ce qui s’est passé en 99 en Côte d’Ivoire. Dieu merci jusque-là, ça va. On a le sentiment que les autorités Burkinabé maitrisent la situation.

LP : Est-ce que les Ivoiriens fréquentent leur ambassade ?
AT : J’ai ouvert les portes de l’ambassade et je reçois tous ceux qui veulent me voir. Je le faisais déjà en tant que directeur de cabinet. J’ai déjà commencé à recevoir beaucoup d’Ivoiriens. Je vais continuer à le faire. Abdou Touré est l’ambassadeur de tous les Ivoiriens sans exception. L’obédience politique m’importe peu.
Interview réalisée par Yves-M. ABIET
Envoyé spécial à Ouaga
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