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Politique Publié le mercredi 13 juillet 2011 | Le Patriote

Analyse : Après la capture de Laurent Gbagbo et l’inculpation des cadres Le FPI a-t-il encore un avenir ?

Quand nous annoncions cette analyse, la marmite du FPI était déjà en ébullition. Le couvercle a fini pas sauter avec le départ d’un des protagonistes à la base de cette montée de température. Avec la sortie de Mamadou Koulibaly, l’intérimaire, l’ancien parti au pouvoir, résout, dans la douleur, le premier des problèmes qui se posaient à lui. Mais, ce n’est pas la fin de la tourmente. La preuve.
La question parait saugrenue ou tout au moins satirique. Et pourtant, elle vaut la peine d’être posée. Le FPI peut-il survivre à Laurent Gbagbo ? Personne, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de ce parti, ne peut nier que cette formation vivait, respirait et fonctionnait autour de la personnalité de l’ancien président de la République. Il était porté par son énergie (débordante), sa vision (manichéenne) des choses et son humeur changeante. Disons-le tout net, s’il n’y avait pas eu Laurent Gbagbo, jamais le FPI n’aurait existé et connu le destin qui a été le sien. Simone Gbagbo elle-même n’a été puissante d’abord au sein du FPI, ensuite pendant le double mandat de ce parti, à la tête du pays, que parce qu’il y avait derrière elle, Laurent Gbagbo. Charles Blé Goudé n’a été le si charismatique leader des « jeunes patriotes » que parce qu’il avait l’onction de Laurent Gbagbo. Or, depuis le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo, l’âme du FPI, a été capturé et mis en résidence surveillée à 6OOkm d’Abidjan, à Korhogo, dans la ville du Poro. Son épouse qui, malgré tout, aurait pu reprendre le flambeau, est, quant à elle, gardée à Odienné. Affi N’Guessan, l’ancien Premier ministre, président du FPI au nom de Laurent Gbagbo est enfermé à Bouna dans l’extrême nord-est du pays. Autant dire que la formation qui est sortie de la clandestinité en 1990, à l’occasion du retour du pays au multipartisme, a été étêtée, à l’issue du bras de fer qu’il a engagé avec le nouveau pouvoir. Actuellement, le FPI est plus proche de la mort que de la vie. Il a été frappé dans ses organes les plus vitaux. Et c’est M. Athanase Miessan, son secrétaire fédéral de Grand-Bassam, village de Simone Gbagbo qui traduit bien l’état d’esprit des militants frontistes : « Les activités sont un peu en veilleuse. Le climat est un peu morose compte tenu de la situation. Sinon les militants de base sont là. Mais ils sont un peu déboussolés. Il y a également la peur. » (In Nord-Sud n° 1793 du lundi 20 juin 2011). Le FPI est donc à la croisée des chemins. Pour espérer une régénérescence, il lui faut reconstituer ses organes avec intelligence. Par repousse naturelle ou par greffe. Et ce n’est pas le plus facile. Dans l’immédiat, le FPI doit trouver un leader, ensuite un discours prometteur et enfin, savoir tirer profit, si possible, d’un hypothétique retournement d’opinion. Or, en politique, les choses les plus simples ne sont pas toujours les plus aisées à réaliser.

Le FPI en quête de leader.

Après l’arrestation et l’enfermement de Laurent Gbagbo, de Simone Gbagbo, d’Affi N’Guessan et de Sangaré Abou Drahamane, selon les statuts de ce parti et l’ordre hiérarchique, le bâton de commandement est revenu, normalement, à Mamadou Koulibaly. Le reste de la troupe et les autres cadres du parti en liberté, devraient l’admettre et l’accepter comme tel. Or, le N° 3 du FPI semblait ne pas faire l’unanimité. Autour de son nom et de sa personne, la solidarité n’a pas été évidente. L’on s’en était rendu compte à l’occasion de la formation du gouvernement d’ouverture voulu par le président de la République. Koulibaly avait milité pour un refus catégorique. Pour lui, avait-il expliqué, « en Afrique, il faut qu’on arrive à la situation de laisser gouverner celui qui a gagné les élections ». En un mot, le parti au pouvoir gouverne et l’opposition s’oppose. Il expliquait, à l’occasion, l’échec du régime Gbagbo par le fait que l’opposition a siégé aux côtés du parti au pouvoir. En face de cette thèse, l’on avait trouvé celle du secrétaire général du FPI, Sylvestre Miaka Ouréto, estimant qu’une cohabitation aiderait à faire baisser les tensions et pourrait mettre le pouvoir dans une disposition d’esprit plus clémente à l’égard « des camarades arrêtés ». L’on raconte même que le secrétaire général avait dressé une liste de trois personnes devant entrer au gouvernement. Si aujourd’hui, le FPI n’a pas de représentant au Gouvernement, ce n’est pas parce que le président intérimaire avait réussi à faire partager son point de vue aux autres, mais bien parce que le président Alassane Ouattara a refusé de jouer sur les divisions de ce parti. Faisons noter qu’à sa place, Laurent Gbagbo en aurait profité pour enfoncer un coin entre Mamadou Koulibaly et Sylvain Miaka Ouréto. Ce qu’il faut reconnaître en outre, est que Mamadou Koulibaly, ne bénéficiait pas du respect qu’inspirait Sangaré Abou Drahamane aux militants, pendant les événements du 18 février 1992, quand le FPI a été placé dans la même situation qu’après le 11 avril 2011. La légalité et la légitimité étaient du côté de ce N°2 de l’époque. Sangaré est un militant venu de la clandestinité, compagnon de longue date de Laurent Gbagbo. Ce qui n’est pas le cas de Mamadou Koulibaly. Ce dernier, longtemps sympathisant du FPI, n’a franchi le pas qu’à l’occasion de l’entrée du FPI dans un gouvernement, celui de la junte militaire en 2000. D’ailleurs, à l’époque déjà, il avait brûlé la politesse à un certain Sylvain Miaka Ouréto, un des économistes du FPI depuis les premiers jours de cette formation politique. Avec Mamadou Koulibaly, président intérimaire du FPI et Sylvain Miaka Ouréto, secrétaire général, c’était la légalité qui jouait contre la légitimité. Le militant de récente date contre un vieux du sérail. Quand Mamadou Koulibaly parle de congrès pour revoir les structures du parti, ce sont les « anciens » qui sortent les couteaux. C’est Koffi Koffi Lazare, plusieurs fois ministre, un vieux de la vieille, qui lui montre la porte de sotie qu’il vient de prendre. Ce sont les militants de base qui sont horripilés et qui crient à la trahison, sinon au parricide. En l’intérimaire, tout ce beau monde voyait un usurpateur, un opportuniste qui veut s’approprier le parti. Quand il parlait de changer de dénomination, ce sont les mêmes qui criaient au scandale. Pour asseoir son autorité, Mamadou Koulibaly avait bien eu besoin d’un coup de pouce des « camarades en exil au Ghana » qui se rendent compte du danger qu’il y a, à voir des dissensions s’instaurer entre les responsables du parti restés au pays. Avec le départ de Mamadou Koulibaly, le FPI règle un problème qui l’empêchait de penser et de passer aux choses plus sérieuses.

La nécessité d’un discours mobilisateur et innovant.

Le plus grand échec du FPI a été de n’avoir pas réussi à traduire dans les faits, son discours sur l’état du pays, l’amélioration des conditions de vie des populations. Le FPI était venu, selon son inspirateur, pour gérer autrement et mieux la Côte d’Ivoire, pour rendre les Ivoiriens, plus heureux, pour leur faire goûter aux délices du multipartisme. Les ouvrages de Laurent Gbagbo, « Côte d’Ivoire, pour une alternative démocratique » et « Agir pour les libertés » étaient des condensés de ce que le FPI allaient réaliser pour le bonheur des Ivoiriens. Or, les dix ans de pouvoir des socialistes, ont été un calvaire pour le pays. Gbagbo est parti en laissant la Côte d’Ivoire dans un état de délabrement avancé. Et ce, dans tous les domaines. Même l’école ivoirienne pour laquelle il ne lui fallait que « dix petits milliards » est plus malade qu’avant. Les paysans ont été abreuvés de bonnes paroles, leur situation n’ayant connu aucun changement. En un mot comme en mille, le bilan du FPI est plus que négatif. Après la défaite de Laurent Gbagbo, ce parti peut-il revenir avec les mêmes recettes, les mêmes croyances, les mêmes évidences ? A cette question lancinante, le président intérimaire du FPI avait répondu par la négative irritant ainsi beaucoup de ses camarades. Une confidence publiée par l’hebdomadaire panafricain, Jeune-Afrique (N° 2630 du 5 juin 2011), révélait ce qu’il a dit à Miaka Ouréto, certainement, au cours d’un entretien sur le sujet : « J’ai tout simplement dit à Miaka Ouréto, le secrétaire général du parti, que si les cadres du FPI souhaitent continuer comme avant, j’arrêterai la politique pour me consacrer à l’enseignement et à la Recherche. Mais que s’ils souhaitent faire évoluer le parti, je suis prêt à les aider. Il faut moderniser nos structures, changer de nom et repenser notre idéologie ». Quelqu’un de son parti qui l’aime bien et qui compte parmi les caciques lui a déjà répondu. « Si tu ne te sens pas bien au FPI, personne ne te retient. Tu peux aller créer ton parti ». a-t-il lancé. Le professeur d’Economie est bien conscient des tares que trainent actuellement le FPI. Son nom renvoie aux tueries, à la gabegie et surtout au refus de l’alternance. Il faut donc tout changer. Le contenu et l’emballage. Ici, la bataille est rude entre les nostalgiques, les militants de la première heure et les révolutionnaires. Changer de nom et d’idéologie, c’est effacer complètement les traces de Laurent Gbagbo. C’est tourner la page du parti réformiste sous le masque duquel est apparu le FPI en 1990 pour porter celui de parti de la rupture totale, tel que l’insinuait Mamadou Koulibaly, l’homme du franc flottant, auteur des ouvrages « La guerre de la France contre la Côte d’Ivoire » et « Les servitudes du pacte colonial ». Placé sous l’angle « de tous nos malheurs viennent de la colonisation », le discours du nouveau parti envisagé par Mamadou Koulibaly ne ferait pas évoluer l’idéologie frontiste. Il la change totalement. Quand on lit les œuvres idéologiques qui ont sous-tendu l’action politique du FPI dans l’opposition et jusqu’au 19 septembre 2002, nulle part l’on ne rencontre cette idée qui fait porter l’échec des politiques africaines aux impérialismes divers. Si les populations souffrent en Côte d’Ivoire, soutenait Gbagbo, au cours des nombreux meetings et marches, c’est parce que Houphopuët-Boigny et ses pairs géraient mal le pays, c’est parce que les richesses nationales étaient mal redistribuées, c’est parce que les populations les moins nanties étaient laissées pour compte. Le discours anti-français et anti-impérialiste du FPI est apparu au lendemain de la rébellion de septembre 2002, lorsque Laurent Gbagbo a estimé que la France ne l’a pas soutenu et aidé à écraser Soro et ses hommes. Et c’est justement ce sentiment de trahison et le dépit amoureux qui s’en est suivi qui ont façonné le nouveau discours du leader du FPI. C’est en voulant donner un substrat à ce discours que le professeur d’Economie a écrit ses livres sur la France et les effets de la colonisation. On se rappelle que c’est Mamadou Koulibaly qui a porté le premier coup d’estocade aux accords de Marcoussis que les différents protagonistes avaient salués en sablant le champagne.

Mais l’avenir du FPI n’est pas totalement bouché

En ne suivant pas Mamadou Koulibaly, le FPI veut certainement revenir à son discours initial. Contrairement à ce qu’il parait, la thèse qui prévaut aujourd’hui au FPI, n’est pas celle qui recherche la confrontation avec le nouveau pouvoir. Tout en restant fidèles à Laurent Gbagbo, en réclamant sa libération et celle des responsables et militants incarcérés, Miaka Ouréto et son groupe veulent jouer profil bas espérant ainsi amadouer le pouvoir en place. Ils refusent de couper brutalement le cordon ombilical avec le président-fondateur pour ne pas paraître les premiers à condamner les « camarades emprisonnés ». C’est ce même souci qui les amène à adopter, vis-à-vis des événements passés, un discours de culpabilité. On voit bien que l’exercice n’est pas facile et l’opinion risque de ne pas les suivre. Mais, les fidèles à Laurent Gbagbo se disent contraints, par instinct de survie d’agir ainsi. L’avenir nous dira s’ils ont fait le bon choix.
Dans la vie, il ne faut jamais jurer de rien. Si par extraordinaire, Ouattara ne réussit pas la réconciliation, s’il ne réalise que l’extrême minimun de ce qu’il a promis ou suscité chez les populations comme espoir, s’il ne rétablit pas la sécurité, si dans l’opinion il n’est pas perçu comme le président de tous les Ivoiriens, le FPI peut avoir une seconde vie. Mais, il y a tellement de si, que la chose paraît impossible. Du moins, dans l’immédiat. Pour le moment, le FPI aura du mal à convaincre les Ivoiriens qu’il représente une alternative crédible et sécurisante. Son bilan est mauvais. Son héritage sera lourd à porter.
Raphaël Lakpé
Journaliste-sociologue consultant
raphlakpe@yahoo.fr
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