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Santé Publié le jeudi 18 août 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Enquête / Médicaments pharmaceutiques : Pourquoi les prix varient d’une pharmacie à une autre

Il n’est pas rare de nos jours de voir des consommateurs trier des pharmacies, parce qu’on leur reproche à tort ou à raison de pratiquer des prix plus faibles que leurs concurrents. Variation de prix constatée par notre équipe de reportage pour les mêmes médicaments selon les officines visitées. Qu’est-ce qui explique ce fait décrié par les usagers ? Nous avons mené l’enquête afin de faire la part des choses concernant cette problématique. Voici les résultats.
Constat sur
le marché

C’est un secret de polichinelle. Le prix du médicament varie d’une pharmacie à une autre. Pis, le coût d’un remède peut même varier dans des officines situées dans la même commune, voire le même quartier. A la Pharmacie Saint Christophe d’Angré-Cocody, le prix du médicament Xylo (médicament d’enfant) est de 1275 F CFA. Ce même remède est vendu à 1305 F CFA à la pharmacie du Wharf de Port-Bouët et à 1180 F CFA à la pharmacie Nissi à Yopougon Bel-air. Le prix de Fébrilex (contre le rhume) est de 385 F CFA à l’officine ‘’La Me ’’ d’Abobo et le même médicament est marchandé à la ‘’Grande Pharmacie du Plateau-Dokui’’ à 400 F CFA et à 380 F CFA à la Pharmacie de Prodomo à Koumassi. Les officines, Atlantique et Djigui, sont situées dans la même commune de Port-Bouët. Dans ces deux pharmacies, la boîte d’Ery Nourrisson (remède pour enfant) coûte respectivement 2710 F CFA et 2705 F CFA. L’exemple le plus flagrant est celui des pharmacies ‘’Sainte Odile’’ et ‘’Notre Dame de Fatima’’, situées au Plateau-Dokui et distantes seulement d’une centaine de mètres. A ‘’Sainte Odile’’, le prix du médicament de paludisme, Bimalaril, est de 2 965 F CFA, quand il est vendu à 2 995 F CFA à ‘’Notre Dame de Fatima’’. A en croire docteur Djohou Philippe, pharmacien à Médecins Sans Frontières, deux raisons véritables expliquent cette différence de prix. Premièrement, il avance que des pharmaciens, pour éviter des problèmes de monnaies dans leur officine, préfèrent arrondir le prix des médicaments. «C’est le cas d’un médicament comme Fébrilex qui coûte 380 F CFA ou 385 F CFA dans certaines pharmacies et qui est vendu à 400 F CFA dans d’autres officines», indique-t-il. Non sans souligner que la différence ne doit pas être grande. « C’est pour résoudre les problèmes de 10 F CFA ou 15 F CFA qui ne sont pas faciles à remettre comme monnaie aux clients que des pharmaciens ont préféré mettre des bonbons dans leurs officines pour les donner aux clients, en cas de problème de monnaie », ajoute-t-il. L’autre raison, selon Djohou Philippe, est liée aux problèmes de rupture. Des médicaments livrés aux officines par des grossistes bien connus et agréés peuvent, dit-il, être en rupture au plan local. «Si la demande d’un remède qui est dans cette situation est forte dans une officine, le pharmacien de l’établissement peut décider d’aller acheter, ce médicament à l’extérieur, au Burkina Faso par exemple ou même en France. C’est tout à fait normal que le prix du remède augmente parce que d’autres frais, comme des frais de livraison, pour l’achat du médicament se sont ajoutés», soutient-il. Pour sa part, docteur Kouassi Emma, pharmacienne à l’officine ‘’ Pharmacie de la zone 3’’ à Treichville, estime que la variation des prix des médicaments est due aux grossistes qui ne pratiquent pas tous, parfois, le même prix pour un même remède. «Chaque grossiste fixe son prix en fonction des dépenses qu’il a engagées pour obtenir le médicament», déclare-t-elle. Argument que ne semble pas partager docteur Atéméné, directeur de l’exploitation à Laborex Côte d’Ivoire (structure chargée de la distribution de médicaments dans les officines). A en croire ce pharmacien, c’est l’Etat qui fixe le prix des médicaments. «L’Etat peut par exemple fixer un taux de 15 % aux grossistes et 30% aux officines comme taux d’intérêt pour un médicament donné. Par conséquent, il (l’Etat, Ndlr) fixe le prix du remède automatiquement», dit-il. Avant de faire savoir que cette variation se passe généralement au sein des pharmacies et non avec les grossistes. « Normalement, un médicament doit avoir le même prix quelle que soit l’officine dans laquelle, il se trouve. Mais les problèmes de monnaie qui créent parfois des disputes, obligent des pharmacies à pratiquer des prix qui facilitent la monnaie », confie-t-il. Docteur Kacou Badou, responsable au service des importations de la DPM (Direction de la pharmacie et du médicament) souligne, pour sa part, qu’un prix standard est indiqué pour un produit qui sort du laboratoire. « L’Etat, en sus, peut par exemple recommander une marge qui peut être de 20 à 30% aux grossistes. Donc pour un médicament qui sort par exemple du laboratoire avec un prix hors taxe de 100 F CFA pour la Côte d’Ivoire, l’Etat demandera, dans le cas d’espèce, aux détaillants d’adopter un prix qui varie entre 120 et 130 F CFA », affirme-t-il. Selon toujours Dr Kacou Badou, la variation des prix d’un remède est surtout due au fait que chaque grossiste pratique un prix en fonction des charges qu’il a engagées avant la livraison du médicament.

Le rôle de l’Etat dans la fixation des prix

Dr Ouattara Kanigui Hyacinthe est propriétaire d’une importante pharmacie située à Port-Bouët. Il est également le président de l’Association des Jeunes Pharmaciens Ivoiriens (AJPI). Concernant la problématique de la variation des prix du même médicament selon les pharmacies ou officines, il a une position très claire : «Un médicament donné a le même prix partout sur l’ensemble du territoire ivoirien que ce soit à Abobo, Treichville ou Ouangolodougou. Le prix du médicament est fixé par l’Etat de Côte d’Ivoire et non par les pharmaciens et s’impose à toutes les officines de vente. En tout point de notre territoire, le médicament doit avoir le même prix ». Cependant, avertit-il, le prix en parapharmacie est fixé à l’entendement de chaque pharmacie. Lorsqu’on parle de parapharmacie, il faut voir des produits comme la nourriture infantile, les produits cosmétiques, certains stimulants comme les aphrodisiaques, etc. La parapharmacie qui ne concerne pas le terme de médicament, supporte en effet, selon notre interlocuteur, la TVA, et à ce niveau, il n’a qu’un prix indicatif qui lui, n’est pas homologué ou obligatoire. Les prix de ces produits varient fortement selon les pharmacies, surtout que les fournisseurs sont différents et n’ont pas le même circuit d’approvisionnement. Toutefois, notre professionnel souligne que concernant les médicaments à proprement dit, il peut y avoir différence de prix pour les mêmes en certaines circonstances. «Actuellement, il y a des médicaments qu’on ne trouve pas sur le territoire. C’est le cas du Kénakor, un anti-inflammatoire qui a complètement disparu des officines ivoiriennes. Pour satisfaire la clientèle, des pharmaciens commandent ce produit en France. Il s’agit de fournisseurs qui ne sont pas habituels. Puisqu’on ne peut pas vendre à perte, alors à ce niveau, les prix peuvent fortement varier, à la différence de ce qu’on a l’habitude de voir», soutient Dr Ouattara Kanigui. Et d’ajouter qu’à part cet exemple, les prix sont les mêmes chez nous, d’Abidjan à Zouan-Houin. Il faut dire qu’il y a trois fournisseurs essentiels en Côte d’Ivoire : Laborex, Copharmed et DPCI. Ces trois ont en effet, le monopole de la fourniture de médicaments aux pharmacies. Toutefois, il peut arriver que ces fournisseurs qui ont des contrats assez intéressants avec l’Etat, en matière d’abattements fiscaux n’arrivent pas à s’approvisionner en des produits bien précis. Dans ce cas, selon l’intérêt d’un pharmacien, il peut négocier avec un fournisseur étranger pour s’approvisionner. Dans ce cas précis, le prix dudit produit va varier à la hausse selon le fournisseur. Comment expliquer ces variations qu’on constate, alors même que les fournisseurs sont internes ? Voici la réponse du Dr Ouattara Kanigui : « Il s’agit de petites manipulations de caisses ou de changement de prix qui n’ont pas été pris en compte, sinon le prix d’un médicament est homologué. Vous verrez que la différence des prix d’un médicament en question varie de 10, 20 ou 25 F, ce qui n’est rien à la différence de la parapharmacie où, on va dans l’ordre de 500, 1000 F CFA voire plus».

Comment fixe-t-on le prix d’un médicament ?

Ici, il n’y a pas la libre concurrence. L’Etat de Côte d’Ivoire, par sa structure appelée la DPM (Direction de la Pharmacie et du Médicament) se charge de réceptionner les dossiers concernant l’offre de vente d’un produit donné sur le territoire. L’autorisation de mise en vente est liée dans le dossier, au prix fournisseur hors taxe. Dire le prix auquel le fournisseur achète son article. L’Etat apprécie ensuite le prix que le fournisseur veut fixer. S’il trouve que le prix est trop élevé, l’Etat discute avec le laboratoire afin de le faire baisser. Après quoi, l’Etat fixe le prix homologué qui s’impose aux pharmacies et aux grossistes. Car dans les documents fournis de mise sur le marché, l’Etat indique bien le prix fournisseur et le prix public qui est le prix auquel les pharmaciens doivent vendre tel ou tel produit. « Contrairement à ce que croit le grand public, chaque pharmacie ne fixe pas son prix dans son bureau ou sa maison», soutient M. K, cadre à Copharmed. «D’ailleurs quand nous passons des commandes, le prix du médicament est déjà sur la facture et les étiquettes des prix sont quelque- fois déjà confectionnées. Nous n’avons qu’à les coller sur les boites et il n’y a pas de manipulation autre que cela », renchérit Dr Ouattara. Pour lui, le débat est clos, l’Etat a pris ses responsabilités et les prix en pharmacie sont sous contrôle.
Olivier Guédé, Raymond Dibi
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