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Politique Publié le jeudi 22 septembre 2011 | Le Patriote

Salima Mokran, Responsable OCHA Man : “Les humanitaires ne se substituent à l’Etat que dans une situation de carence”

Les humanitaires sont très actifs dans le Moyen-Cavally où l’ampleur des besoins requiert leur attention. Pour faire le point de la situation, nous avons rencontré Mme Salima Mokrani, responsable de la coordination des affaires humanitaires à Man. Entretien.
Le Patriote : Peut-on avoir une idée des partenaires impliqués dans l’assistance des déplacés internes dans le Moyen-Cavally ?
Salima Mokrani : La communauté humanitaire à l’Ouest compte 41 organisations, dont 13 non gouvernementales nationales, tel que Caritas, Asapsu, Akwaba, AIBF…, des ONG internationales, et des Agences du système des Nations Unies. Le personnel de ces organismes représente plus de 400 personnels, spécialisés dans les domaines de la santé, de l’eau et de l’assainissement, de la protection, de l’éducation, et la distribution de vivres et d’articles non alimentaires, tels que des kits d’hygiène, du matériel de cuisine, etc. Ces personnels humanitaires travaillent à répondre aux besoins des populations de la zone Ouest provoqués par la crise post- électorale et suite aux déplacements de ces populations. Le travail d’OCHA, en tant qu’Office en charge de la coordination des affaires humanitaires, consiste à assurer la coordination de toute l’action humanitaire, l’évaluation des besoins, la collecte, la consolidation et la circulation des infos, et assurer les plaidoyers, aussi bien auprès de tous les acteurs locaux que nationaux et internationaux, en particulier vers les donateurs. Les zones d’intervention à l’Ouest couvrent la région du Moyen-Cavally, Montagnes, Haut Sassandra, Denguele, Bafing, Worodougou.

LP : Six mois après la crise, quel est le point de la situation humanitaire à ce jour ?
SM : Je dirai que beaucoup a été fait et pour autant, tout reste à faire. Les premières semaines qui ont suivi la crise, il s’est agi d’apporter l’assistance aux populations regroupées sur des sites du fait des violences exercées dans leurs quartiers ou leurs villages, telles les populations du quartier Carrefour à Duekoué, du village de Niambly, de Blolequin ou de Toulepleu, de Zouan Hounien ou Danané pour ne citer que ceux-là. Les besoins en eau, nourriture, soins de santé, éducation et protection, etc. ont été pris en charge sur l’ensemble des sites accueillant des personnes déplacées. Dès les premiers retours de populations amorcés, les humanitaires ont tenté d’apporter appui dans les villages, et c’est aujourd’hui l’axe principal de notre travail, permettre aux populations de rentrer chez elles dans la sécurité et la dignité. La plupart des villages manquent d’eau potable, d’accès aux soins de santé, aux vivres, à l’éducation. C’est vers la résolution de ces besoins que les efforts de la communauté humanitaire se concentrent aujourd’hui.

LP : On note que l’urgence du décongestionnement de la mission Catholique de Duékoué a suscité de votre part, l’aménagement d’un site à Nahibly. Comment ce site est-il géré ?
SM : Ce site est confié à la gestion d’une Ong nationale, ASA, qui travaille avec l’appui du HCR et des partenaires (Unicef, IRC, Pam, etc.) pour chacun des secteurs qui doivent être pris en charge, et avec l’implication des personnes déplacées elles-mêmes. Les personnes déplacées ont été comme vous l’avez rappelé, installées ici de manière transitoire, en attendant qu’elles puissent regagner leur villages ou quartiers si elles le souhaitent, et pour permettre de décongestionner le site de la Mission Catholique où trop de personnes se trouvaient, vivant dans des conditions ne permettant pas le respect de la dignité humaine.

LP : Ils sont de plus en plus nombreux ceux qui voudraient voir les organismes humanitaires aider les déplacés à regagner leurs villages. Cela s’inscrit-il dans votre mission ?
SM : Sur cette question, il faut apporter quelques précisions, et rappeler que le premier responsable de sa population est l’Etat lui-même. En second lieu, il est important d’insister sur le fait que le retour des populations doit être volontaire. La communauté humanitaire vient en appui aux actions du gouvernement, et ne se substitue à lui que dans une situation de carence. Le travail humanitaire consiste à évaluer les besoins des populations et à leur apporter l’assistance partout où elles se trouvent. C’est l’Etat qui est le premier responsable pour garantir la sécurité des populations partout où elles résident. Le retour des populations requiert que les conditions minimales de vie et de sécurité soient réalisées, et le retour doit être volontaire et informe. La communauté humanitaire souhaite pouvoir appuyer les retours volontaires des populations, par un paquet minimum d’accompagnement, permettant l’accès aux services de base (eau, sante, nourriture). Mais les financements manquent, et pour l’heure, la communauté humanitaire n’a pas les moyens d’apporter l’assistance partout où elle est requise. Environ 200 000 personnes sont déjà rentrées chez elles, et 2 à 300 000 personnes toujours déplacées ou refugiées pourraient-elles-aussi vouloir prendre le chemin du retour. Nous devons mobiliser toute notre énergie pour trouver les financements requis par la situation.

LP : Est-ce que vous avez des projets d’accompagnement pour ceux qui décident de retourner dans leurs villages ?
SM : La stratégie d’accompagnement qui est mise en œuvre si les conditions de sécurité préalable au retour sont acquises, a été élaborée par l’équipe humanitaire et prend en compte les objectifs fixés par le gouvernement. L’approche mise en place par la communauté humanitaire est multisectorielle et intersectorielle, c’est à dire que l’on souhaite qu’une réponse soit apportée à l’ensemble des besoins, et pas seulement une partie de ces besoins, par exemple, donner de la nourriture mais aussi assurer que les populations aient un accès à l’eau potable, à la santé, à des semences et des outils pour pouvoir cultiver, etc. les priorités d’intervention sont définies, selon des critères de vulnérabilité.

LP : On constate qu’il se pose un véritable défi de reconstruction dans la région. Cette question vous préoccupe t- elle ou relève t- elle tout simplement du ressort de l’Etat de Côte d’Ivoire ?
SM : Là encore, il faut rappeler que la communauté humanitaire ne pourra pas tout faire, et en matière de reconstruction, bien d’autres acteurs devront intervenir, à commencer par l’Etat. Les besoins sont en cours de chiffrage pour ce qui est des habitats dans les villes et villages ayant subi des destructions. Pour une partie des édifices préfectoraux, un programme de réhabilitation Onuci est prévu. Les hôpitaux, centres de santé, sont eux aussi, pour certains, déjà en cours de réhabilitation par l’intervention de partenaires humanitaires.

LP : A combien peut-on chiffrer les besoins vitaux des personnes que vous assistez ?
SM : Cette question est trop large pour pouvoir y répondre dans ce cadre.

LP : Avez-vous un appel alors à lancer aux autorités ivoiriennes et à la communauté internationale ?
SM : La fonction de plaidoyer est une des tâches essentielles d’ OCHA. Nous réitérons notre appel à la communauté internationale à continuer son soutien à la Côte d’Ivoire et son soutien à sa population, pour qu’elle sorte de cette crise et s’engage au plus vite sur la voie du redressement économique et social. La zone Ouest en est sortie particulièrement meurtrie de la crise post-électorale. Les enjeux, y sont nombreux et les difficultés, tensions et conflits qui préexistaient déjà bien avant la crise post-électorale, doivent être pris en charge et des solutions doivent être apportées pour pouvoir asseoir la durabilité de nos actions. Le renforcement des actions en faveur de la réconciliation nationale, le règlement des conflits foncier/rural, le renforcement de la cohésion sociale, le désarmement/démobilisation et réintégration, sont des problématiques au cœur de nos plaidoyers. Des actions doivent être lancées, au niveau gouvernemental.
Propos recueillis par
Alexandre Lebel Ilboudo
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