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International Publié le samedi 29 octobre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Les samedis de Biton : Le grain de sable

Le cobra a frappé en Zambie. Le cobra, c’est le surnom de Michaël Sata, le nouveau président de la République de Zambie. Après deux ou trois échecs, il parvint, enfin, à la tête du pays, lui, l’opposant historique. Ce n’est pas sa victoire qui surprend mais le contexte dans lequel elle survient. Au cours de l’année 2010, ce pays, avec une croissance de 7,6%, était considéré comme une réussite économique. On ne pouvait pas imaginer la déroute de Rupia Banda, le président sortant. La croissance économique n’est certainement pas la réponse adéquate pour contenter toutes les aspirations d’une population. La Zambie, on peut encore comprendre. Mais la Tunisie et la Libye. Tous les observateurs de la politique et de l’économie étaient unanimes pour considérer que les populations de ces deux pays ne pourraient pas, un jour, se révolter contre une politique sociale et économique devenue des références. Des personnes avisées qui vivaient à Tunis n’ont rien vu venir. Même des dirigeants politiques de l’Afrique du Sud disaient que la Tunisie passait devant leur pays sur le plan économique et social. J’ai eu la chance de connaître la Tunisie et la Libye. Si j’ai été en Tunisie deux fois, connaissant même plusieurs villes, par contre, j’ai été une seule fois en Lybie, à Tripoli et à Syrte où j’étais assis en face de Kadhafi, sous la tente, près de deux heures de temps. Apparemment tout allait bien dans ces deux pays. Mais l’étranger est toujours un aveugle. C’est au cours d’un séjour au Maroc, il y a plusieurs années, que je l’ai appris. Quand je m’extasiais sur les prouesses sociales du Roi, j’étais abreuvé plutôt des contreperformances qu’on me jetait au visage. Et pourtant, en tant qu’écrivain, j’ai un autre œil que les autres n’ont pas, surtout les politiciens, les économistes sans parler des banquiers. Eux qui voient tout en chiffres sans comprendre l’âme d’un peuple. Les sciences humaines sont très différentes des autres sciences. Le peuple a des yeux derrière la tête comme un sorcier. Il ne voit pas ce qu’on fait mais a les yeux sur ce qui n’a pas encore été fait et qu’on ne pourra jamais faire. Dommage, mille fois dommage, qu’il n’existe pas un ouvrage sur la technique politique de Félix Houphouët-Boigny. C’est mon ami Robert Bourgi qui me disait que Féfé a dépassé tous ceux qui ont écrit sur l’art politique. Paul Akoto Yao peut et doit absolument écrire un livre sur cette technique. La chute de Ben Ali et de Kadhafi, malgré toutes les explications qu’on en donne, ont pour origine la «périphérie.» La périphérie, pour moi, c’est comme le grain de sable qui «gâte» tout. C’est le détail qu’on néglige, qu’on ne perçoit pas, qu’on ne considère pas. Et c’est pourquoi il faut toujours faire appel encore et toujours à Félix Houphouët-Boigny, le père de la nation ivoirienne. En Tunisie, tout commence par des policiers qui confisquent des marchandises, et quelles marchandises, d’un pauvre chômeur qu’ils bastonnent et qui s’immole par le feu. Mais le grain de sable était ailleurs. Cet incident créé par des policiers n’était que l’étincelle. Quand Ouassénan Koné était ministre de l’Intérieur, sous Houphouët-Boigny, il m’a dit : «On me dit que je suis partout. Mais quand une bagarre éclate dans un bar, il faut l’arrêter immédiatement. Elle peut entraîner la chute d’un régime. C’est pourquoi je suis partout sur le terrain pour éteindre rapidement les feux qui s’allument.» Ouassénan doit écrire son expérience politique. Dans une démocratie, dans un pays, le grain de sable dans la bonne sauce c’est toujours la famille du Président. Le peuple accepte tout mais refuse de voir la famille du Chef au devant de la scène, surtout leurs enfants, ça peut paraître paradoxal mais c’est la réalité. J’ai souvent montré à des amis l’un des fils du président Houphouët que je rencontrais souvent dans la rue ou dans une librairie. Après de brefs échanges avec moi, il repartait le dos voûté avec ses lunettes noires, aux yeux, comme pour échapper aux regards de passants qui ne pouvaient pas imaginer un seul instant que c’était le fils du Président. «J’ai fait la politique pour plusieurs générations d’Houphouët», répondait le père de la nation quand on s’étonnait de ne pas voir ses enfants dans ce monde impitoyable de la politique. Il avait compris longtemps avant Ben Ali et Kadhafi qui auraient dû venir à son école. Je me souviens encore du « petit des Coulibaly» qui disait : «J’apprends auprès de lui et j’apprends très vite.» Aïssata et Rokya, ne «gâtez» pas le travail de votre frère, «cachez-vous durant tout son mandat». Si l’homme est né avec le péché originel et donc naturellement mauvais, sauf si une grâce de Dieu le transforme, ne soyez pas pour lui le grain de sable qui casse le moteur. Une amie, dont la tante est la première dame d’un pays voisin, m’a fait cette révélation : « Il a dit à ma tante que si jamais il la voit, un jour, faire des affaires pour s’enrichir, il la divorce immédiatement. C’est pourquoi ma tante est comme ça. » Ceux qui étaient à Dakar le jour où Karim Wade a lancé sa campagne pour les municipales de Dakar comprendront mieux ma chronique. On avait l’impression que c’est toute la ville de Dakar qui était en ébullition pour s’opposer. Le compétent Karim avait fait quoi de mal ? Rien du tout. Sauf qu’il était simplement le fils du père. Rien que ça mais pour la population c’est le grain de sable. L’eau qui déborde de la vase. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly
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