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Politique Publié le mardi 17 janvier 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Entretien / Ya Boni, guide national raëlien :‘’La paix que nous vivons actuellement n’est que précaire’’

Huit (08) mois après la fin de la crise postélectorale, le guide national du Mouvement raëlien de Côte d’Ivoire s’est confié au « quotidien dont vous avez rêvé ». Dans cet entretien, le Guide-Evêque Ya Boni donne les raisons qui ont conduit sa communauté religieuse à garder le silence jusque-là et fait des révélations sur la réconciliation nationale.
Qu’est-ce qui explique le silence du Mouvement raëlien depuis la fin de la crise postélectorale ?
Vous savez que la crise que la Côte d’Ivoire a traversée est profonde. Et notre souhait, en tant que religieux, c’est que la paix revienne. Mais pas n’importe quelle paix. Une paix profonde qui permette de réconcilier les populations entre elles. Nous avions, à l’occasion, proposé des solutions à la crise. Malheureusement, la solution qui a prédominé a été la solution violente. On a réussi par des armes, à régler une partie du problème. Mais sachez que la violence ne résout jamais un problème. Nous avions proposé, au mois de décembre 2010, une partition du pays vu qu’il y avait deux(02) présidents qui s’autoproclamaient et que la carte géographique voire sociale des élections montrait bien qu’un candidat avait été massivement voté au Nord du pays et un autre au Sud. Ce qui rentrait en concordance parfaite avec la réalité socio-ethnique de la Côte d’Ivoire. Il fallait prendre en compte cette dimension ethnique du pays. Et comme au Soudan, proposer une partition de ce pays. Une au Nord qu’on pourrait appeler Côte d’Ivoire du Nord dirigée par le président Alassane Ouattara avec des populations qui lui sont totalement acquises et une autre au Sud dirigée par le président Laurent Gbagbo. Deux(02) Etats indépendants qui allaient pouvoir cohabiter. Malheureusement notre voix n’a pas été écoutée et il y a eu des morts. Pour nous, la solution qui a permis le dénouement du problème est une mauvaise solution vu qu’elle a été basée sur la violence. Aucune cause ne peut justifier la mort d’un être humain. Nous préférions qu’on divisât la Côte d’Ivoire en 2 Etats et que la vie des êtres humains soit sauvegardée plutôt que nous divisions des corps humains pour préserver un Etat.

En faisant une telle proposition, étiez-vous sûr de vous faire entendre réellement ?
Nous avons 53 Etats en Afrique et dans la même année, nous avons vu la naissance d’un autre Etat dans le grand pays qu’était le Soudan. Après une vingtaine d’années de crise, les gens ont fini par comprendre que les populations du Soudan avaient un seul but qui était une autonomie relative des peuples. Ce que vous pensez être une solution utopique a déjà été pratiqué sous nos tropiques ici en Afrique. Si cela avait été fait plutôt, on aurait pu éviter des milliers de morts pendant vingt(20) ans. Pour l’instant, tout semble aller. Mais de l’autre côté, si jamais ils ont les moyens de réunir une force militaire, ils n’hésiteront pas. Donc la paix que nous vivons actuellement n’est que précaire. Ce n’est pas un climat favorable à l’épanouissement des populations. Nous pensons qu’il faut prendre en compte les réalités socio-ethniques de ce que les gens ont appelé la Côte d’Ivoire qui n’est rien d’autre que le fruit de la Conférence de Berlin. Laquelle conférence est venue trouver des peuples africains vivant en harmonie sur leurs terres et elle les a balkanisés pour en faire de nouveaux Etats.


Est-ce à dire que la paix n’est pas encore définitive en Côte d’Ivoire ?
Le terme même de réconciliation montre bien qu’il n’y a pas encore de paix. Parce que s’il y a la paix, pourquoi parler alors de réconciliation ? Le terme de réconciliation montre qu’il y a problème. C’est pourquoi on cherche à rapprocher des bords qui sont à la limite en dissonnance. Le fait de monter un organisme spécialement chargé de la réconciliation nationale, avec à sa tête un responsable de haut niveau qui est l’ancien Premier ministre, Charles Konan Banny, veut dire que la question de la réconciliation est un gros problème en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas un acquis. Nous lui souhaitons plein succès. Mais l’histoire a montré que lorsque des peuples ont atteint certains extrêmes comme ce qu’on a vécu en Côte d’Ivoire, le terme de réconciliation a souvent une connotation creuse. Nous sommes tous pour la réconciliation mais pas pour une réconciliation de façade qui permettra à un régime de tenir 5 ans et de retomber encore dans une autre violence. S’il s’agit d’une réconciliation qui va conduire à une paix éphémère et qu’à chaque élection, il y aura encore des crises, cette réconciliation ne vaut pas la peine. Mais si c’est une réconciliation qui permet d’arracher le mal depuis sa racine, alors nous faisons chemin ensemble. Aujourd’hui, on reconstruit la Côte d’Ivoire ; on essaie de boucher les trous sur les routes. Mais si en 2015, des nouveaux obus commencent à pleuvoir encore sur la Côte d’Ivoire, ce n’est pas la peine. Vous savez, monter une rébellion est la chose la plus facile sur la terre. Parce que la quantité d’armes qui pullulent dans le monde est telle qu’à un moment donné, les gens sont obligés de chercher des conflits pour pouvoir les écouler. Or en Côte d’Ivoire, toutes les conditions sont réunies pour qu’il y ait rébellion. L’exemple de l’ex-Zaïre aujourd’hui RDC est là. L’exemple du Soudan est là. Et je pense que tout historien ou homme politique qui est informé des réalités de nos peuples, sait très bien que la gestion de la réconciliation nationale relève souvent de l’utopie.

Voulez-vous dire que la réconciliation initiée par le président Alassane Ouattara est déjà vouée à l’échec ?
Tout dépend des aspects qui seront pris en compte dans cette question de réconciliation. Quel est le contenu de cette réconciliation ? Est-ce que cette réconciliation va prendre en compte les problèmes fondamentaux qui minent la Côte Ivoire ? Parce que le problème de la Côte d’Ivoire, ce n’est ni Gbagbo Laurent ni Alassane Ouattara, encore moins Henri Konan Bédié. Ce n’aurait pas été ceux-là, le problème de la Côte d’Ivoire allait s’exprimer de façon identique à travers d’autres personnes. Ce n’est pas un problème de personnes. C’est un problème de peuple, de civilisation. La Côte d’Ivoire est le seul pays en Afrique de l’ouest qui est la rencontre de quatre(04) civilisations différentes à la fois. Je dis 4 parce que je veux être modeste sinon en réalité, c’est 6 civilisations. 6 réalités socioculturelles qui se croisent en un carrefour qu’on appelle aujourd’hui Côte d’Ivoire. Quand vous regardez la carte électorale, vous comprenez bien ce que je dis. C’est différent des autres Etats où la grande majorité des peuples appartient à la même civilisation. Si on parle de réconciliation et qu’on reste de façon primaire sur des personnes et qu’on essaie de colmater des brèches, ce serait très superficiel. Mais si on parle de réconciliation en prenant en compte les réalités socioculturelles qui sont d’ailleurs d’ordre anthropologique, si on va à la racine du mal, si on rencontre les parents, les chefferies traditionnelles et qu’on comprend leurs aspirations véritables, qu’on en prenne acte et qu’on redéfinisse une nouvelle Côte d’Ivoire qui prend en compte ces réalités socioculturelles, une Côte d’Ivoire qui pourrait être une fédération d’Etats où chaque peuple a une autonomie relative lui permettant de s’autogérer dans un fédéralisme d’Etats, je pense qu’on évitera les crises. Parce que chacun sera président dans son Etat et de façon harmonieuse, on formera une confédération d’Etats qui sera solide. Parce que chaque fois qu’une personne a l’impression que celui qui le gouverne n’est pas de chez lui, il se sent exclu et il parle de xénophobie. La Côte d’Ivoire est plurielle. Il faut dans la gestion de ses problèmes, prendre en compte cette pluralité des peuples.
Ce que vous dites est contraire à la Constitution ivoirienne qui dit que la Côte d’Ivoire est une et indivisible…
Ce que je dis n’a rien d’une atteinte à l’intégrité territoriale de la Côte d’Ivoire. Je dis que cette Côte d’Ivoire, au lieu d’être sous la forme que nous voyons, devrait pousser par exemple le concept de régionalisation un peu plus loin. Ce qui ferait que chaque région qui représente une entité du peuple ivoirien, ait une autonomie réelle comme aux Etats-Unis par exemple où on parle plutôt d’Etats. Si nous faisons en Côte d’Ivoire des Etats prenant en compte les réalités socioculturelles de chaque peuple, on aura l’Etat Akan, l’Etat Gour, l’Etat Mandé et l’Etat Krou. Au lieu d’avoir une Côte d’Ivoire une et indivisible, on aura une Côte d’Ivoire plurielle avec des réalités socioculturelles plurielles. C’est la solution que le prophète Raël a proposée au lendemain de la crise postélectorale. Tant qu’on n’a pas encore résolu ce problème, on va avoir l’impression qu’on est dans la paix. On va passer 5 ans et puis, aux prochaines élections en 2015, ce sera encore le feu. On va recasser tout ce qu’on aura construit (…) La Constitution ivoirienne ne représente rien devant un être humain non violent qui est tué. Elle n’est valable qu’aussi longtemps elle préservera les vies humaines. Or cette Constitution, en l’état actuel, n’a pas permis de préserver les vies humaines. Je suis content que le président Ouattara ait dit que l’un de ses actes, ce serait de revoir la Constitution. Nous espérons que dans cette révision, les législateurs prendront en compte les réalités socioculturelles des peuples de Côte d’Ivoire.

Réalisé par David Yala
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