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Politique Publié le mardi 6 mars 2012 | L’expression

Interview Soro Guillaume Première partie : « Quand je ne serai plus Premier ministre, je saurai quoi faire… »

© L’expression Par Nathan KONE
Dîner en l`Honneur de l`ambassadeur de France en Cote d`Ivoire SEM Jean-Marc Simon
Jeudi 01 mars 2012. Abidjan. Palais Présidentiel au Plateau, le Chef de l`État, son épouse et les membres du gouvernement ont offert un dîner d`adieu à SEM Jean-Marc Simon, ancien ambassadeur de France. Photo : Le premier ministre Soro Guillaume
« Guillaume Soro constitue une équation à plusieurs inconnues ». C’est par cette introduction forte que la Rti a présenté hier son invité spécial, le Premier ministre Guillaume Soro. Pendant plus d’une heure, le chef du gouvernement s’est prononcé sur la crise postélectorale, son avenir politique, le sort des Forces nouvelles, la sécurité, la réconciliation nationale, la relance économique de la Côte d’Ivoire.

M. le Premier ministre, est-ce qu’on exagère lorsqu’on affirme que votre sort immédiat se confond avec l’avenir de la Côte d’Ivoire ?
Je trouve que vous en dite trop. Je crois que c’est un grand président du monde qui disait : « Il faut en Afrique des institutions fortes ». Je m’inscris dans cette conception de la gestion de l’Etat. Les individus sont importants pour impulser une dynamique. Donc une dynamique et une efficacité au niveau des institutions. Il est plus important d’avoir des institutions fortes et crédibles. Nul n’est indispensable en Côte d’Ivoire.

Vous reconnaissez néanmoins qu’être chef de la rébellion armée, ministre d’Etat, Premier ministre pendant 5 ans… Vous avez joué un rôle central dans ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire ?
Nous espérons avoir accompli toutes les responsabilités qui ont été les nôtres. Nous avons pu les accomplir avec détermination, abnégation et loyauté. Ce qui nous a animés pendant toutes ces années était de faire en sorte d’aboutir à la démocratie. Notre cause était noble.

N’existait-il pas d’autres moyens pour la Côte d’Ivoire de parvenir à la démocratie que le recours à une rébellion armée ?

Aujourd’hui, on peut polémiquer. Mais le contexte des années 2000, 2001, 2002 est encore frais dans nos mémoires. Quand les rouages et les mécanismes de l’Etat ne permettent plus aux citoyens de bénéficier de la justice, de s’exprimer, la situation devient compliquée. Et on peut en arriver à des situations de révolte. C’est l’écrivain Victor Hugo qui disait que « face à l’oppression, la révolte répond ».

Soro Guillaume rebelle, Premier ministre et aujourd’hui député. Vous êtes député pour quoi faire ? Un tremplin pour ratisser large plus tard ? Vous visez sûrement la présidence de l’Assemblée nationale ! Et pourquoi pas être candidat pour les présidentielles de 2015. Que deviendra Soro Guillaume si d’aventure, il quittait le gouvernement ?
Juste deux choses. La première, vous avez parlé de Soro le rebelle. J’ai écris un livre intitulé « Pourquoi je suis devenu rebelle ». Dans notre pays, le mot rebelle est galvaudé. Mais je veux parler du rebelle au sens noble. Le général De Gaule a été rebelle.

Le mot ne vous choque pas ?
Non pas du tout. Je considère qu’il y a de la noblesse à se rebeller contre des institutions anti-démocratique. Et on l’a vu dans des pays en Afrique. En Lybie, en Egypte et en Tunisie. Nous avons vu des populations se rebeller. Il y a donc de la noblesse quelque part dans ce terme. Cela peut paraître philosophique, mais c’est un fait. La deuxième chose : pourquoi Guillaume Soro candidat à Ferké ? Tout simplement la soif d’apprendre.

Vous auriez pu être candidat à Abidjan ?
Effectivement j’aurais pu être candidat à Abidjan comme bien d’autres…

Mais vous ne vouliez pas prendre le risque ?
Ce n’est pas un problème de risque. J’ai considéré qu’il fallait aller chez moi, au village, et commencer par avoir la bénédiction des parents. Ensuite, continuer l’apprentissage. J’ai été ministre, Premier ministre. Je n’ai jamais été député. Je voulais m’essayer au suffrage.

Est-ce que vous allez rester ou partir de la primature à courte échéance ?
Je partirai sûrement de la primature. Dans trois jours, une semaine, un an. Ce qui est certain, je partirai de la primature, car pour moi, la primature n’a été qu’une fonction. Ce n’est pas un métier. Et même si c’était un métier, on finit toujours pas prendre sa retraite. Et je ne m’imaginais pas m’éterniser à la primature. Mais pour l’heure, j’ai des responsabilités. C’est de conduire le gouvernement, d’apporter des solutions aux populations. C’est ce à quoi je m’attèle. Je sais que la presse grouille de bien des rumeurs sur la primature. Mais c’est le président de la République qui décide.

Si vous devez partir, que viseriez-vous ? L’assemblée nationale ou les présidentielles ?
Si je devais partir un jour, ce serait en parfaite concertation avec le président de la République. Il a placé en moi sa confiance. Je ne manquerai pas d’avoir de point de chute. Il y a tellement de chose à faire dans notre pays qu’il ne faut pas faire de fixation sur un poste. Cela est important. Moi-même, à l’époque, il y a un ou deux ans, je disais à l’ancien chef de l’Etat de ne pas s’accrocher au pouvoir. Ce n’est donc pas à moi de faire des fixations sur un poste.

Si vous partez, quels seront les moyens à votre disposition. Allez-vous créer un parti politique ? Le Rdr vous en avait fait la demande.

Ma philosophie aujourd’hui se résume à cette citation qu’à chaque jour suffit sa peine. J’ai été leader du mouvement étudiant. Je suis parti de ce mouvement pour assurer des responsabilités au niveau de l’Etat. Je suis Premier ministre. Quand je partirai, je saurai quoi faire.

Alors partira ou ne partira pas ? Vous n’êtes pas précis sur la question.
C’est peut-être le souhait de bien des gens de partir. Mais pour l’heure, je suis encore à la primature. Mais je ne me fais pas d’illusion. Déjà en 2010 avec l’ancien président, j’avais préparé mon départ. Puisqu’après les élections, vu que le président actuel avait promis le poste de Premier ministre au Pdci-Rda, l’ancien président avait promis la même primature à quelqu’un d’autre. Je savais que j’allais partir. Il n’y a aucun problème. Je suis infaillible face à la question du départ de la primature. Ce que je dis, c’est que c’est le président de la République qui nomme et révoque. En ce qui me concerne, je suis préparé. Je suis certain que je partirai de la primature. Et quand le moment viendra, ce sera avec un véritable plaisir que je rendrai ma démission.

Et les Forces nouvelles ?
La meilleure façon de devenir quelque chose c’est de ne pas s’en préoccuper maintenant. Chacun doit faire ce qu’il a à faire. Si le 19 septembre 2002, je m’étais préoccupé de savoir ce que j’allais devenir, je me serai protégé des balles. J’aurai pris d’autres précautions. La prudence m’aurait peut-être empêché de faire correctement ce que j’avais à faire. Quand on vous confie une responsabilité, il faut l’accomplir avec efficacité. Et laisser son destin se dérouler.

Vous avez quand même pensé à l’avenir des Forces nouvelles ?
Les Forces nouvelles ont tenu un conclave. Et un comité de restructuration a été mis en place. Ce comité est en train de travailler en concertation avec le Rhdp. Nous avons dit que nous n’allons pas nous muer en parti politique. Il existe suffisamment de partis politique en Côte d’Ivoire. Et que nous allions apporter un soutien au président de la République. Ce comité est au travail. Et quand, nous aurons les conclusions, tout le monde sera informé.

La première chose est que nous étions confiants qu’à l’issue de ces élections présidentielles, il y aurait un président élu. Et quand un président est élu, on sort de la période de transition et c’est ce président qui nomme un Premier ministre. Il est clair que je n’avais d’accord ni avec le président Gbagbo ni avec le candidat Alassane Ouattara et donc je savais que je devais quitter la primature. Le président élu a souhaité que je rempile, au poste de Premier ministre. Je l’ai accepté et j’ai accompli ma tâche. Cela fait maintenant un an.

Avec aussi celui du poste de ministre de la Défense…
Le président Ouattara m’a dit que c’était une affaire de confiance et il considérait que je devais être le Premier ministre et ministre de la Défense. Evidemment, c’est vrai que ce n’est pas une tâche si simple. Mais toujours est-il que le président a estimé que j’étais la personne la plus outillée pour assumer la charge de ministre de la Défense. J’espère que je ne l’ai pas déçu.

Mais avec les exactions des Frci, on a l’impression que la mission n’est pas totalement réussie ?
Sur cette question je vais être très clair. Si M. Laurent Gbagbo, le 28 novembre 2010, avait fait une transmission de pouvoir pacifique à M. Ouattara, il n’y aurait pas eu de Frci. Il n’y aurait pas eu de dérapage. Il n’y aurait pas eu de mort. En réalité, c’est que ces élections se sont passées dans des conditions démocratiques, un président a été élu, il était de la responsabilité de l’ancien président d’accepter sa défaite en bon perdant. Ce n’est pas ce qu’il a fait, bien au contraire, il s’est appuyé sur l’armée, sur les chars pour essayer de confisquer le pouvoir. Voici l’origine des difficultés que nous avons eues. Toutes les démarches politiques entreprises ont été vaines. J’ai fait plusieurs capitales, le président Ouattara a montré toute sa disponibilité à mener le dialogue politique, il a offert à M. Laurent Gbagbo toutes les conditions et le statut d’ancien président, sans être entendu. Je vais vous faire une confidence aujourd’hui. Quand nous faisions les négociations des Accords politiques de Ouagadougou (Apo), nous avons signé un accord secret, il est même demeuré secret jusqu’à ce jour, qui stipulait qu’à l’issue des élections, quel que soit le vainqueur, les autres seront traités avec le statut d’ancien président et même, l’immunité leur était offerte avec biens d’autres avantages. M. Gbagbo ne l’a pas voulu. Bien des pays comme les Etats-Unis, la France ont offert des possibilités à M. Gbagbo, pour éviter la guerre à la Côte d’Ivoire, cela n’a pas suffi. Nous étions là quand on tuait les femmes à Abobo, les jeunes à Yopougon etc. et que la Côte d’Ivoire glissait inexorablement vers une guerre civile. Nous avons déclenché les hostilités pour stopper celui qui continuait à tuer les populations aux mains nues.

Nous sommes unanimes maintenant que le pouvoir est en place, c’est vrai qu’on ne peut pas occulter le passé, mais les populations au quotidien vivent des difficultés. En parlant de certaines exactions des Frci, mais également celles des chasseurs associés à la lutte, dans l’Ouest. Elles sont terrorisées. Comment expliquez-vous cet état de fait ?
Je vous concède ces critiques, c’est normal, les populations sont impatientes. Mais je reviens d’une mission au Rwanda. Et je me suis rendu compte que pour stabiliser ce pays, pour apporter une vraie sécurité, ils n’ont pas mis un an ni six mois, ils ont mis dix-sept ans. Quelle est la situation exacte en Côte d’Ivoire. Le gouvernement a été formé le 1er juin 2011. A partir de là, nous avons commencé à faire des réformes en vue de ramener la sécurité dans notre pays. Aujourd’hui, nous avons donné des commandements, pour rapidement parer au plus pressé, ramener la sécurité dans notre pays. Au soir du 11 avril, il n’y a avait pas de policiers, ni de gendarmes. Il n’y avait plus de commissariat ni de brigade de gendarmerie. Tout avait été vandalisé, nous étions venus trouver une situation catastrophique en terme sécuritaire. La réalité est qu’aujourd’hui au moins quand vous sortez, vous voyez des policiers réguler la circulation. Des gendarmes qui sont de plus en plus opérationnels. Vous voyez une armée en pleine restructuration, donc vous ne pouvez pas dire qu’on n’avait pas de problèmes. Il y a encore beaucoup d’effort à faire pour emmener la Côte d’Ivoire à un niveau de sécurité, plus ou moins parfait. Mais nous avons des contraintes. La première est que la Côte d’Ivoire est frappée par un embargo, ce qui nous empêche de doter nos forces de première catégorie, que sont la police et la gendarmerie, d’armes pour assurer la sécurité de nos populations. En plus, nous avons des contraintes financières, car nous sommes tout de même dans une situation de décroissance économique. Il faut de l’argent pour reconstruire les casernes, pour intégrer les jeunes dans la nouvelle armée… Je suis d’accord avec vous, mais vous ne me direz pas que la situation actuelle, c'est-à-dire en mars 2012 est la même qu’en avril 2011.

M. le Premier ministre, lorsque des bandits s’attaquent au convoi, du ministre délégué à la Défense, c’est plus que de la provocation ?
Je conviens avec vous que ce sont des situations déplorables, regrettables. Mais cela montre aussi que ce n’est pas seulement le simple citoyen qui est en proie à l’insécurité. Les autorités aussi, en sont victimes, d’autant plus que cela a été aussi le cas pour le ministre délégué. Nous en avons conscience, nous y travaillons d’ailleurs et vous verrez que petit à petit la sécurité sera une réalité. Je voudrais seulement prendre l’exemple de la fin d’année, de décembre 2011. Vous savez que depuis la période de décembre 99, quand on approchait de cette période de fin d’année il y avait comme une psychose, liée aux questions de coup d’Etat. Mais pourtant, nous avons fait des fêtes paisibles et agréables. Les Ivoiriens se sont retrouvés. Pour vous dire qu’il y a eu des progrès. Concernant les braquages ici et là, nous ne restons pas les bras croisés, nous sommes en train de régler la question et je reste convaincu que dans les trimestres prochains, les résultats seront plus que palpables.

Certains observateurs notent que chaque fois que Soro Guillaume est dans ces positions, l’insécurité grandit. Comme pour dire que c’est l’homme de la situation ?

Quand on est responsable, on ne peut pas baigner dans ces choses-là. Si je veux rester Premier ministre, il me suffit d’en parler avec le président de la République. Dans l’état actuel des relations que j’entretiens avec lui, je pourrai lui demander à continuer ma mission à la primature. Je suis investi de sa confiance.

C’est que les Ivoiriens, qui étaient sortis de cette crise, espéraient que tout allait rentrer dans l’ordre. Et voilà que le calvaire continue, on a l’impression que les hommes en arme ont pris en otage les populations, si ce ne sont pas les Frci qui se déguisent en bandits, les professionnels sévissent aussi. Est-ce que vous n’auriez pas fait un deal avec eux pour que vous puissiez rester à votre poste ?

Cela m’amuse, car ce type d’accusations je les ai eues quand j’étais Premier ministre avec M. Laurent Gbagbo. On m’accusait en ce moment de retarder les élections ou de ne pas vouloir les faire. Mais vous n’imaginez même pas la charge de Premier ministre. Je suis constamment en train de me préoccuper de la question sécuritaire aux frontières, et à l’intérieur du pays. Cela, en plus de la politique gouvernementale à mettre en place. C’est beaucoup de boulot et on en arrive même à avoir des insomnies. Mais ce que je veux dire sur la question de la sécurité, un pays comme le nôtre, qui a connu la guerre, a à ces frontières des pays qui ont été fragilisés par la guerre, comme le Liberia. Vous ne pouvez pas dire que des efforts n’ont pas été faits en matière de sécurité. Nous avons aujourd’hui près de 400 éléments Frci qui ont été arrêtés et emprisonnés pour des faits qui leur sont reprochés. Le tribunal militaire a commencé à les juger et à extirper de nos rangs les brebis galeuses. Je demande à la population d’être patiente, il y a des efforts qui sont en train d’être réalisé. Prenons le nombre d’investisseurs qui viennent en Côte d’Ivoire, c’est dire que la sécurité est de mise.

Il y a encore des tentatives d’insurrection, de coup d’Etat notamment à la frontière du Liberia. Où il y aurait des camps d’entrainement. Pouvons-nous avoir un point sur ces faits ?
Il faut que les Ivoiriens restent sereins, nous ne craignons pas une quelconque déstabilisation. On lit les journaux, on sait ce qui se dit. Evidemment c’est vrai que certains miliciens, dans leur repli, se sont réfugiés dans des forêts quelque part aux frontières, mais ils sont suivis par nos forces de défense. Soyez convaincus que le suivi que nous faisons nous permet d’anticiper toutes formes d’actions. Que les Ivoiriens soient rassurés.

Concernant le départ à La Haye de l’ancien président, Laurent Gbagbo. Beaucoup se demandent si pour le compte de la réconciliation, il n’aurait pas été bon de le juger en Côte d’Ivoire ?

Sur cette question, il y a des éléments d’appréciation. Depuis 2008, nous avions demandé à la Cpi de venir faire des enquêtes en Côte d’Ivoire. Malgré ses mises en garde, M. Gbagbo a continué de tuer. Aujourd’hui, c’est la Cpi, après avoir enquêté, qui a estimé avoir assez de preuves pour inculper certaines personnalités ivoiriennes. C’est comme cela que M. Gbagbo s’est retrouvé à La Haye.
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