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Société Publié le vendredi 9 mars 2012 | Le Patriote

Interview / Raymonde Goudou Coffie, ministre de la Femme, de la Famille et de l`Enfant : “Le terme de chef de famille n`a plus de sens”

© Le Patriote Par David ZAMBLE
Journée internationale de la Femme:la Première Dame Mme Dominique Ouattara et le Premier Ministre Soro Guillaume prennent part à une cérémonie commémorative.
Jeudi 8 mars 2012.Abidjan.Marcory zone 4(espace cristal).Cérémonie de commémoration de la journée internationale de la Femme sous le parrainage de la Première Dame Mme Dominique Ouattara avec la presence du Premier Ministre Soro Guillaume.
Dans la première partie de l`entretien, paru hier, Raymonde Goudou Coffie, ministre de la Femme, de la Famille et de l`Enfant s`est appesantie sur la journée internationale de la Femme. Aujourd`hui, elle se penche sur les généralités liées à la femme et son importance dans la famille.
Le Patriote : Quels sont aujourd`hui les défis que les femmes ivoiriennes doivent relever ?
Raymonde Goudou Coffie : Globalement, la femme doit se positionner dans tous les secteurs d`activité. Moi je n`ai pas de choix. Je ne dis pas qu`il y ait plus de femmes en politique, au Parlement, aux Municipales. Mais plutôt pourquoi il n`y aurait pas plus de femme dans les conseils d`Administrations. Jusqu`aujourd`hui, les PCA sont quasiment tous des hommes. Aujourd`hui, j`ai en charge le ministère de la Famille de la femme et de l`Enfant. A ce titre, j`invite toutes les femmes qui sont capables et valables à postuler partout où le besoin se fera sentir. C`est en cela que j`ai apprécié l`appel à candidature pour les postes de directeur généraux de certaines structures. C`est dommage qu`il n`y ait pas eu de femmes. Mais beaucoup m`ont interpellée car elles n`étaient pas informées.

L.P. : Très souvent, on entend dire que l`homme est le chef de famille. Votre commentaire.
R.G.C : Le code civil de la famille et des personnes en Côte d`Ivoire est à revoir. Mes services et les juristes sont à pied d`œuvre pour l`élaboration d`un nouveau code. Simplement parce que ce code est dépassé, il ne répond plus à l`Ivoirien nouveau que le Président Alassane Ouattara est entrain de formater. Nous sommes passés par des crises. Comment pouvez- vous comprendre que l`homme soit le chef de famille ? L`interprétation qu`on donne à ce thème est faussée au départ. On fait un amalgame entre la personne qui a la responsabilité civile, pénale de la famille et celle qui la gère. Il y a une grande différence. Aujourd`hui, nous avons des femmes qui sont dans ma compréhension, chef de famille. Elles assurent le quotidien de la maison, simplement parce que le mari est absent ou au chômage. Ce n`est pas une tare d`être au chômage. Ce sont les aléas de la vie. Si un homme est au chômage et que sa femme a les moyens de fait vivre la famille où est le problème ! Faut-il pour cela avoir une crise cardiaque ? Il y a certains qui tombent malade parce que c`est leur femme qui assure la popote. Si la femme a les moyens d`assurer la scolarisation des enfants, s`acquitter des loyers, de la facture d`électricité, ce n`est pas pour autant qu`il faille quitter sa femme. Le divorce est-il une raison valable ? Les hommes sont orgueilleux. Quand la femme ne montre pas qu`elle s`occupe de l`homme et gère la famille cela ne doit pas faire l`objet de déstabilisation d`un foyer. Tout cela parce que c`est écrit quelque part que l`homme est le chef de famille. Tenez vous bien, nous allons extraire cette partie du code de famille. Et cela va stabiliser les foyers. Nous trouverons une autre formule. Le code des personnes et de la famille doit être révisé. Cela permettra de stabiliser un peu plus le foyer. Aujourd`hui, le terme de chef de famille n`a plus de sens. Il faut trouver aujourd`hui une formule qui sied à la femme et à l`homme. Il faut revoir l`IGR (Ndlr : impôt général sur le revenu), les pensions de retraite. Nos chantiers sont immenses. Je suis extrêmement à l`aise car venant d`une profession libérale. Ce sont des choses que nous avons déjà gérées au Privé. Au Public, nous nous attellerons à faire en sorte que ce problème puisse être révisé si nous avons le temps. L`administration étant une continuité, même si nous n`avons pas eu le temps de le faire, il faudrait que la relève soit assurée pour que ces gros dossiers puissent être pris en compte. Lorsque les familles sont stables et vivent bien, la Nation va bien. Quand la famille est déséquilibrée, cela déstabilise automatiquement l`équilibre de la Nation.

L.P. : Il y a toujours eu une certaine solidarité au niveau des femmes. Qu`attendez-vous d`elles au parlement ?
R.G.C : Les femmes seront au parlement pour la Nation ivoirienne. Et pour une Nation, il faut des familles stables, bien structurées et équilibrées. Et pour que des familles soient équilibrées, il faut que l`éducation soit prise en compte. L`éducation et la santé sont des volets qui impactent sur les familles. Il n`y aura pas de thèmes sur lesquels nous allons particulièrement demander aux femmes parlementaires d`insister. Pour moi tout ce qui relève de la protection de la femme et de l`enfant doit être normalement pris en compte puisque cela découle de la survie de la Nation.

L.P. : Il existe un compendium des compétences féminines détachées à la Présidence. Quel rapport votre département entretient-il avec cette structure ?
R.G.C : Le compendium des compétences féminines relève du nombre de femmes identifiées. En clair, c`est une base de données des femmes compétentes. On ne peut pas tout faire dans ce ministère car les chantiers sont trop vastes. Depuis que j`ai été nommée à la tête de ce département, je n`ai pas encore fait la moitié de ce que je dois faire pour satisfaire les familles, les femmes et les enfants. Nous entretenons de bons rapports avec cette structure. Le compendium peut permettre au chef de l`Etat de nommer des femmes à certains postes de responsabilités dès qu`il aura besoin de compétence féminine. Nous sommes complémentaires.

L.P. : Disposez-vous de statistiques de femmes exerçant dans les différents secteurs d`activité ?
R.G.C : Dans le Livre blanc, nous avons pu mentionner quelques statistiques. Mais elles ne sont pas récentes. Maintenant que nous sommes dans une autre dynamique, nous avons engagé des démarches pour avoir une nouvelle base de données dans les différents secteurs d`activité. Il le faut, même si les statistiques coûtent cher.

L.P. : Quel combat menez-vous contre l`injustice faite aux femmes ?
R.G.C : Il y a peut être injustice parce que les gens ne savent pas que les femmes sont compétentes. Il ne faudrait pas refuser de donner un poste de responsabilité à une femme parce qu`elle est jeune, parce qu`elle doit faire ses enfants. Comme si elle mène seule sa vie. L`homme et la femme sont complémentaires. Mais pourquoi favoriser l`un par rapport à l`autre ? Aujourd`hui, en dehors de ce cas précis, qui malheureusement est encore fréquent, je ne vois pas d`injustice.

L.P. : Qu`en est-il de la violence faite aux femmes ?
R.G.C : Cela fait partie de ma mission. Ce sujet me tient beaucoup à cœur. Pendant ces différentes crises, le viol a été utilisé comme une arme de guerre. Chaque fois qu`un homme est en détresse et qu`il a envie de se défouler, il viole une femme. Ce sont des choses qu`on ne connaissait pas auparavant. Mais aujourd`hui, les Ivoiriens s`adonnent à cœur joie à cette sale besogne. Depuis qu`on est sorti de cette crise, des Ivoiriens violent des enfants de deux ans. Des pères de famille violent leur fille. Je suis allée le constater au centre social du Plateau, le samedi 27 février dernier, le jour de mon départ pour New York. J`avais presque les larmes aux yeux quand je suis arrivée dans ce centre. Mais quelle est cette vague de folie qui a envahi les Ivoiriens ? En tout cas, chaque fois qu`un Ivoirien dans sa maison se rend compte, qu`un mari est en train de battre sa femme, que des gens violent des fillettes, je demande aux Ivoiriens de les dénoncer. Il ne faudrait pas qu`ils gardent ces informations pour eux. Qu`ils se rendent au commissariat le plus proche ou saisissent directement le Ministère de la Famille, de la femme et de l`Enfant, au 16e étage de la Tour E, au Plateau. Nous nous sommes constituées partie civile à deux ou trois reprises lors d`un procès. La seule chose que nous avons déplorée, c`est qu`après qu`un homme ait violé une gamine de 8 ans, la justice lui a donné que 6 mois d`emprisonnement. Nous avons dit non ! Non, on ne peut pas accepter cela ! Que représentent 6 mois dans la vie d`un être humain ! Mais il recommencera dès qu`il sortira de prison. Ce dernier doit se faire suivre par un psychiatre et doit écoper d`une peine lourde. Si nous arrivons à poser des actes forts et que la Côte d`Ivoire ne tolère plus ces actes odieux, il y aura une régression de ce phénomène. Si nous ne réagissons pas, ces individus mal intentionnés vont se complaire dans ce type de dépravation. En dehors des cas de viols, nous avons des problèmes de mutilation génitale féminine. Il y a une recrudescence de cette pratique. Mes prédécesseurs en ont fait leur cheval de bataille. Non seulement ces mutilations provoquent un problème de santé publique, mais aussi cette pratique est également dégradante pour la jeune fille et la femme. Ce ne sont pas des problèmes qui relèvent de la religion. C`est un problème de coutume. J`ai été à Kotolo (Dabakala) pour m`entretenir avec le chef de village qui avait libéralisé cette pratique. Tout est question d`approche. Après qu`on ait échangé avec lui, avec des mots bien choisis, il a fini par comprendre. Il dit qu`il est prêt à nous aider à aller de l`avant. Des femmes ont repris le couteau ailleurs et elles ont été arrêtées. Elles sont actuellement en prison.

L.P. : Combien sont-elles ?
R.G.C : Elles sont au nombre de trois. Elles sont originaires de l`Ouest de la Côte d`Ivoire. On va taper fort, on ne fera plus de cadeau. Il faut que nous arrivions à atteindre la tolérance zéro dans le cas de la mutilation génitale féminine.

L.¨P. : Dans quelles régions du pays le phénomène est-il récurrent ?
R.G.C : Les mutilations génitales féminines existent encore à l`Ouest du pays précisément à Mahapleu, et à Dabakala. Nous avons eu quelques cas à Katiola. Les femmes qu`on a arrêtées viennent de Katiola.

L.P. ; Quel bilan partiel à la tête de ce département ?
R.G.C : Les chantiers à réaliser sont vastes. Dans mes attributions, j`ai un volet VIH-SIDA, alphabétisation. Mon ministère intervient partout. Avec les femmes du milieu rural, j`interviens dans le cadre de la commercialisation, au niveau de l`agriculture, au niveau des Mines car des enfants y sont utilisés. Mon département est transversal. Et travailler avec tous ces ministères est un plaisir. Et depuis que je suis à la tête de ce département, j`ai demandé aux femmes de s`approprier la réconciliation, si chère au Président Ouattara. Je leur ai dit de ne pas faire semblant, mais de s`inscrire dans cette dynamique. Car si les femmes ne s`approprient pas cette réconciliation, je ne sais pas si on s`en sortira.
Réalisée par Anzoumane Cissé et Jean Eric ADINGRA
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