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Afrique Publié le dimanche 25 mars 2012 | Union Africaine

Union africaine : Communication du président de la Commission sur la situation au Mali

© Union Africaine Par Aristide
Gabon: les audiences accordées par le Président Ouattara à Libreville, en marge de la finale de la CAN, aux Présidents Yayi Boni et Jean Ping
Dimanche 12 février 2012. Libreville (Gabon). En marge de la finale de la CAN, le Président Alassane Ouattara a reçu le président de la Commission de l`Union africaine, le Gabonais Jean Ping
1. Permettez-moi d’abord de remercier votre Conseil pour la promptitude avec laquelle il a décidé de se réunir pour échanger sur la situation au Mali, à la suite des développements qui y sont intervenus, ces derniers jours, et prendre les décisions qu’appelle la situation.

2. Comme vous avez du le suivre à travers les médias, très tôt dans la matinée du 22 mars 2012, des éléments des Forces armées maliennes, sous la conduite du capitaine Amadou Haya Sanogo, ont fait une déclaration dans les locaux de l’Office de la radiodiffusion télévision du Mali (ORTM). Dans ce communiqué, les soldats mutins, après une journée de confusion dans la ville garnison de Kati,ont annoncé la suspension de la Constitution etdes institutions républicaines, ainsi que la mise en place d’un Conseil national deRedressement de la Démocratie et de Restauration de l’État (CNRDR) et ont déclaré contrôler la présidence de la République.

3. Il s’agitd’un coup d’Etat militaire qui vient de renverser le Président Amadou Toumani Toure, dont on est sans nouvelles. Des sources loyalistes assurent qu’il « est en lieu sûr ». Un couvre- feu a été décidé et les frontières terrestres et aériennes ont été fermées.

4. Le Conseil se souviendra que, depuis la mi-janvier 2012, le Mali fait face dans sa partie Nord, en plus des activités du groupe salafiste AQMI, à une résurgence de la rébellion touarègue, sous la direction du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et animée par d’anciens combattants de l’Armée de Qaddafi rentrés de Libyequi se sont réarmés à partir des arsenaux libyens. Certaines sources dans la région assurent que le MNLA a le soutien de groupes terroristes comme AnsarDin.

5. C’est ainsi qu’ils se sont attaqués aux casernes militaires de la région Nord à Ménaka, Aguelhok et Tessalit. La prise par les rebelles de certains cantonnements militaires, en particulierle siège de deux mois et demiet la chute de la garnisonde Tessalit, avec les images des soldats gouvernementaux tués ou faits prisonniers par les rebelles, ont été largement diffusées dans les media notamment internationaux.Les combats ont fait, d’après plusieurs sources humanitaires, des dizaines de morts et près de 200.000 déplacés et réfugiés. Ces derniers sont dispersés dans les pays voisins, à savoir l’Algérie, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Niger. En plus de la reprise au Nord du pays, le Mali, comme le reste des pays du Sahel doit faire face à une crise alimentaire consécutive à une sècheresse aigue.

6. Nombre d’initiatives ont été prises par l’UA, en collaboration avec les Nations unies, ainsi que par les pays de la région, pour faire face à cette situation dans e cadre, je voudrais relever :
- la mission conjointe UA Nations unies, du 7 au 23 décembre 2011 pour évaluer les conséquences de la crise libyenne ;
- la réunion ministérielle du 29 janvier 2012 en marge de la 18ème session de la Conférence de l’Union ; et
- la 314ème réunion du CPS tenue à Bamako, le 20 mars dernier.

7. Cette situation a créé un certain malaise dans les rangs des militaires qui réclament des autorités civiles et de leur hiérarchie les moyens nécessaires pour faire face à la rébellion. C’est ainsi que le 2 février 2012, après une marche,les femmes des militaires ont été reçues par le Président Amadou Toumani Touréà qui elles ont fait part de leur préoccupation face au sort de leurs époux dans le Nord. Elles ont été suivies en cela quelques jours plus tard par leurs enfants.

8. Dans la matinée du 21 mars 2012, au lendemain de la réunion ministérielle du CPS à Bamako, une mutinerie a commencé dans la ville garnison de Kati, située à environ une quinzaine de kilomètres de la capitale. Le Ministre de la Défense, le Général Gassama, qui se rendait dans la caserne de Soundiata Keita pour informer les militaires de l'évolution de la situation au nord du Mali, a été pris à parti par des éléments mécontents. La visite prenant une tournure très menaçante, le Ministre a dû être évacué.

9. Plus tard dans la journée, des militaires à bord de véhicules pick-up se sont rendus au siège de l’ORTM dont ils ont rapidement pris le contrôle. Par la suite, le palais présidentiel, situé sur la colline de Koulouba, est tombé aux mains des mutins, après des combats avec la Garde présidentielle. Comme indiqué plus haut, selon des sources proches des militaires restés loyaux au Président renversé, Amadou Toumani Toure serait en lieu sûr.Le Ministre des Affaires étrangères, SoumeylouBoubeyeMaiga, et celui de l’Administration du territoire, Kafougouna Kone, seraient arrêtés.

10. Apres avoir pris le contrôle de la radiotélévision, les mutins ont annoncé que, « face à l’incapacité notoire du régime à gérer la crise dans leNord du pays, en mettant à la disposition de l’armée le matériel adéquat pour la défense de la patrie, ainsi qu’à lutter contre le terrorisme », la Constitution est suspendue et les institutions dissoutes. Le capitaine Sanogo, chef du CNRDR, a pris l’engagement solennel de rendre le pouvoir aux civils et de mettre en place un Gouvernement d’union nationale, au terme d’une transition de 3, 6 ou 9 mois.

11. Dès mercredi soir, j’aipublié un communiqué dans lequel j’ai exprimé la condamnation ferme par l’UA de toute tentative de prise du pouvoir par la force, et souligné la nécessité du respect de la légitimité constitutionnelle incarnée par les institutions républicaines, dont le Président de la République, chef de l’État, Amadou Toumani Touré.

12. A la suite de l’annonce par les soldats mutins de la suspension de la Constitution etdes institutions républicaines, ainsi que de la mise en place d’un Conseil national deRedressement de la Démocratie et de la Restauration de l’État (CNRDR), j’ai publié un autre communiqué dans lequel j’aifermement condamné cet acte de rébellion, qui portegravement atteinte à la légalité constitutionnelle et constitue un sérieux recul pour le Maliet pour les processus démocratiques en cours sur le continent. Conformément aux dispositions pertinentes de l’Acte constitutif de l’UA et à la Charteafricaine sur la Démocratie, les Élections et la Gouvernance, j’ai réaffirmé la politique de zéro tolérance de l’Afrique pour tout changementanticonstitutionnel et son rejet total de toute prise de pouvoir par la force.

13. J’ai aussiengagé une série de consultations, en particulier avec lePrésident de l’Union, le Président Thomas Yayi Boni du Bénin, avec lequel j’ai eu une communication téléphonique dans la soirée du mardi 21 mars, le Président de laCommission de la CEDEAO, Désiré Kadré Ouédraogo, avec qui j’ai échangé hier au téléphone. Je me suis également entretenu avec nombres de partenaires de l’UA.

14. Je voudrais également informer le Conseil que, dans un communiqué daté du 21 mars 2012, la CEDEAO a fermement condamné la mutinerie et rappelé sa politique de tolérance zéro pour les changements anticonstitutionnels.

15. Le Conseil de sécurité des Nations unies a condamné le coup d’Etat et a demandé aux mutins de remettre le pouvoir aux autorités civiles démocratiquement élues. Le Conseil a également demandé aux mutins de veiller à la sécurité et à l’intégrité physique du Président Amadou Toumani Touré.

16. Aussi bien la France que les Etats Unis ont condamné le coup d’Etat. Dans le même temps, ces deux pays,à l’instar de la Banque mondiale et de la Banque africaine de Développement, ont annoncé la suspension de certains de leurs programmes de coopération avec le Mali.

17. Il est envisagé qu’une mission de la CEDEAO se rende aujourd’hui à Bamako pour rencontrer tous les acteurs concernés et évaluer la situation. En fait, je devais me joindre à cette mission ce matin, mais les contraintes de vol ont rendu impossible mon déplacement. J’ai demandé à mon Représentant spécial en Côte d’Ivoire de se joindre à la mission au nom de l’UA.

18. Conformément à la Déclaration de Lomé, aux dispositions pertinentes du Protocole relatif à la création du CPS et à la Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance, votre Conseil se doit de se prononcer sur la situation. Au-delà de la condamnation de ce coup d’Etat et des autres mesures prévues par les instruments de l’UA, il importe que nous déterminions rapidement les voix et moyens de la restauration de l’ordre constitutionnel et de la mise en oeuvre du chapitre VIII de la Charte sur la démocratie, des élections et de la Gouvernance.

19. Le Mali traverse une très grave crise, et le coup d’Etat qui vient d’intervenir, en plus d’être un grave recul pour le pays et pour les efforts de démocratisation sur le continent, complique davantage la situation. L’action de l’UA doit évidemment être très étroitement coordonnée avec la CEDEAO les Nations unies et d’autres partenaires. Il me plaît de relever la coopération étroite qui s’est naturellement établie entre nos deux institutions dans la gestion de cette nouvelle crise.

20. Parallèlement au rétablissement de l’ordre constitutionnel, nous devons continuer à tout faire pour mettre un terme à la rébellion au Nord du Mali. On ne le répètera jamais assez, cette rébellion n’a aucune justification, d’autant que les institutions maliennes offrent un cadre d’expression démocratique qui permet de prendre en charge toutes les revendications légitimes. L’Afrique ne peut transiger avec l’unité nationale, l’intégrité territoriale et la souveraineté du Mali. Aucun effort ne doit être ménagé pour mettre un terme à la crise au Nord du Mali, dans le cadre strict des instruments de l’UA. La Commission assurera le suivi des dispositions pertinentes du communiqué du CPS du 20 mars 2012.

Je vous remercie.
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