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Santé Publié le lundi 26 mars 2012 | L’expression

Gratuité ciblée des soins : La souffrance des populations se poursuit

© L’expression Par EMMA
Santé : Le Chu de Treichville a rouvert ses portes
Vendredi 14 Octobre, Treichville. Le Centre Hospitalier universitaire a rouvert ses portes
Manque de médicaments, kits d’accouchement absents ou incomplet, laboratoires d’analyse défaillant…De la gratuité généralisée à la gratuité ciblée des soins, les mêmes problèmes persistent. Notre enquête.

Il entendait ce jeudi matin comme toujours, regagner son lieu de service situé aux deux plateaux à moto. Malheureusement son programme allait subir une modification au niveau de l’autoroute de Yopougon. Alors que T. Yaya arrivait à vive allure sur son engin à deux roues, un jeune homme sur un vélo apparait brusquement en travers de sa voie. Le choc est inévitable. Dans cet accrochage, Yaya s’en sort avec une fracture au bras gauche. Après plus de 2h d’attente (de 8h30 à 11h) des sapeurs pompiers, son employeur arrivé sur le lieu de l’accident décide de conduire l’infortuné au Chu de Yopougon. Là, on lui apprend que le service des urgences est en réfection et ne reçoit pas de blessés. Touré M. conduit son employé vers le Chu de Cocody où il est reçu aux urgences par un médecin. Mais là, encore un autre souci se présente : aucun des médicaments prescrits ne se trouve à la pharmacie du centre hospitalier. «J’ai été obligé de me rendre dans une pharmacie privée à l’extérieur pour l’achat des médicaments. Il s’agissait d’un perfuseur, d’une intraveineuse, d’une seringue, d’un bi-latex, d’une bande, d’une paire de gants, et d’un bi-lofent injection. Une ordonnance qui finalement m’est revenu à 25.000Fcfa. Et au même moment on nous parle de la prise en charge gratuite des patients aux urgences au moins pendant 48h, dans le cadre de la gratuité ciblée. Finalement on ne comprend plus rien à cette forme de gratuité», se plaint le patron de la victime. Une plainte que partage Mme Koné qui a également fait cet amer constat le 9 mars au dispensaire de williamsville. Alors qu’elle s’y était rendu avec son fils de trois ans qui faisait une fièvre, elle a été déçue de n’avoir pas pu y faire l’examen de la Gousse épaisse qui avait été demandé par le médecin. «Lorsque j’ai été reçue par le médecin, je lui ait expliqué que mon fils faisait la fièvre depuis deux jours. Il m’a demandé quel médicament utilisait l’enfant, et je lui aie dit que c’était l’Efferalgan Sirop. La fièvre baissait pendant un moment et remontait. C’est alors qu’il m’a prescrit une fiche d’analyse comportant les examens suivant : GE (Goutte épaisse, Ndlr) et NFS (Numération formule sanguine)» explique la jeune dame. Mais une fois en salle d’examen, l’infirmière lui fait savoir que les intrants pour la G.E ne sont pas disponibles. «Pour la Nfs, l’infirmière m’explique que le matériel utilisé par ce examen ne donne pas de bons résultats depuis quelques temps. Elle me conseille alors de me rendre à la Fsucom (Formation sanitaire urbaine et communautaire) de williamsville pour ces examens», raconte Mme Koné encore très remontée. Mais là encore, ce n’est pas possible de faire les examens parce que les agents de santé ‘’sont en train de laver le matériel’’. «Je suis donc contrainte de me rendre dans une clinique du quartier où les deux examens me reviennent à 6.000Fcfa», révèle t-elle. Le lendemain, les résultats des examens sont ramenés au médecin qui les avait demandés.

Ceux-ci, selon le cadre de la santé, révèlent que l’enfant est anémié. «Le médecin me prescrit alors cette ordonnance (qu’elle nous présente) sur laquelle il est écrit Feramalt. Et comme je m’y attendais, ce médicament ne se trouve pas à la pharmacie du dispensaire. Je suis encore une fois, obligée de me tourner vers une officine privée où le produit me revient à 6175Fcfa», affirme la mère du petit Aziz. Et la jeune mère de s’interroger : «Pourquoi fait-on croire aux populations que la gratuité ciblée prend en compte les enfants de 0à 5 ans alors qu’apparemment rien n’est prévu pour eux», s’interroge Mme Koné. Des critiques normales, pourrait-on dire quant l’on a eu le temps de visiter les pharmacies publiques de ces structures sanitaires.

De l’absence de médicaments…

Pas grandes choses dans ces officine. Si l’on peut-être sûr d’y trouver du coton, de la compresse, des gants quelquefois, du paluject (Anti-palu), et de nombreux médicaments, il ne faut pas croire que l’on pourra tout y trouver. A la pharmacie du Chu de Cocody, de Treichville, ou de Yopougon, de nombreux médicaments selon les pharmaciens manquent à la demande. Si au Chu de Cocody ou de Treichville l’on peut avoir la chance d’avoir de l’arthéméter (anti-palu) en cas de paludisme, ce n’est pas le cas de la pharmacie au Chu de Yopougon. Le 16 mars aux environs de 18h, un parent n’a pas pu avoir sa prescription dans cette pharmacie. «Le médecin m’a prescrit l’arthéméter mais les agents de la pharmacie me disent qu’il n’y en a pas. On me propose plutôt le paluject, mais que je dois payer. Je ne comprends pas, je retourne voir le médecin», affirme Gueu Théophile, frère d’un malade hospitalisé au Chu de Yopougon. Mais selon ‘’la pharmacienne’’, le paluject ne fait pas parti du lot des médicaments gratuits. «Quand il y a l’arthéméter, on le donne gratuitement. Mais le paluject lui, est payant », soutient l’agent de la pharmacie. Dans le même temps, un autre parent, ayant un patient aux urgences, vient chercher un perfuseur et du glucosé. Mais il repart bredouille. «Y en a pas », s’entend t-il dire. Pas très déçu comme s’il si attendait, il se dirige rapidement vers la sortie afin d’aller chercher ces produits à l’extérieur de l’hôpital. En plus des parents des patients qui se plaignent des manques de médicaments, les femmes enceintes, elles, posent le problème de leurs kits d’accouchement. Selon elles, ces kits quant il y en a, ne sont jamais complets.

…aux kits incomplets

«Pendant toute la campagne présidentielle, on nous a encouragé à faire des enfants parce que l’accouchement serait gratuit. Mais quelle désillusion. Nous sommes passés d’Ado Solution à Ado d’illusion. D’abord pendant la grossesse, on nous fait payer les examens, et à l’accouchement, on paye toujours quelque chose parce qu’on nous fait comprendre que le kit n’est pas complet. J’ai ma belle sœur qui a accouché au chu de Cocody il y a plus de 3 semaines. C’était un accouchement par voie basse. Finalement les médicaments achetés lui sont revenus à plus de 25.000Fcfa. Et moi aujourd’hui (le 16 mars, Ndlr), je viens d’accoucher au Chu de Yopougon par césarienne. Mais mon mari a dû débourser la somme de 60.000Fcfa», relate encore épuisé D. Fatim, une nouvelle mère. Des propos que ne dédisent pas l’époux qui affirme avoir eu recours à un de ses frères habitant la commune de Yopougon. «J’étais au service quand ma sœur m’a dit au téléphone que ma femme était en travail et qu’elle la conduirait au Chu de Yopougon. Mais déjà, mon épouse m’avait demandé de ne pas m’inquiéter parce que la gratuité ciblée prend en compte l’accouchement. C’est donc tout tranquillement que je me suis rendu au service de gynécologie de ce centre de santé. Mais une fois là, après plus de 2h, une des sages femmes s’occupant de mon épouse me fait savoir qu’elle ne pourra pas accoucher par voie basse. Au même moment, elle me dit qu’il n’y a pas de kit de césarienne. Mais heureusement la parturiente qui l’a précédée et qui devait être césarisée avait finalement pu accoucher par voie basse. Son kit lui était revenu à 60.000Fcfa. On me proposait donc ce kit à raison de 60.000Fcfa. C’est vrai que je n’avais pas d’argent, mais j’ai dû faire appel à mon petit frère qui a pu me sortir d’affaire», raconte M. Diao. Même si elle ne confirme pas ces actes manqués des agents de santé, une sage femme, sous le sceau de l’anonymat apporte des précisions. Selon elle, si avec la gratuité généralisée les kits d’accouchement n’étaient pas très souvent disponibles, cette défaillance a été comblée avec la gratuité ciblée. «Mais les kits que nous avons dans les pharmacies publiques ne sont pas complets. Généralement dans ces kits d’accouchement vous trouverez 2 plaquettes d’antibiotique, 2 plaquettes de paracétamol, un médicament contenant du fer, la compresse, le coton et les gants. Mais en plus, il faut une bande pour le pansement ombilical du bébé, un antiseptique pour la toilette de maman, une pommade pour la cicatrisation de l’épisiotomie (consiste à ouvrir le périnée de la femme enceinte lors de l'accouchement. C'est un acte chirurgical qui permet de laisser passer l'enfant, Ndlr) et un produit antiseptique. Cette seconde liste de médicaments est donc donnée aux parents pour achat externe», explique la sage femme. Quant au kit de césarienne, il est également incomplet, selon les spécialistes. «Pour la césarienne, en plus du kit d’accouchement, il faut un kit pour l’anesthésiste. Mais généralement le kit de l’anesthésiste est absent. Dans ce cas, nous sommes bien obligés de faire une prescription aux parents pour qu’ils aillent chercher le complément à l’extérieur », atteste sous le sceau de l’anonymat le gynécologue obstétricien. Ces agents disent être surbookés du fait de la non disponibilité du service de gynécologie du Chu de Treichville, qui est en réhabilitation. Ils souhaitent que les choses soient revues rapidement pour éviter que les parents ne s’en prennent aux agents.
Laboratoires d’analyse et salle de réanimation non fonctionnelles
Outre le service de gynécologie du Chu de Treichville, la grande salle de réanimation du Chu de Yopougon n’est pas fonctionnelle. Selon les médecins, ces services sont en réhabilitation.

Et concernant ce dernier cas, un médecin avoue :«aujourd’hui avant de faire une grande intervention chirurgicale, nous sommes obligé de nous assurer que le malade pourra avoir une place dans la petite salle de réanimation ». Outre ces faits, le laboratoire d’analyse du Chu de Yopougon est défaillant. Toute chose actuellement qui contraint les malades à payer leurs examens qui se font dans une clinique à l’extérieur au moment où ils devaient obtenir selon la politique de gratuité ciblée, un abattement de 30% sur ces actes. Et lorsque l’on ne parle pas de défaillance, ce sont les films qui n’existent pas comme au laboratoire du Chu de Cocody, logé au 3ème étage. «Depuis la gratuité, nous avons remarqué qu’il n’y a plus de film pour les radiologies. On ne sait pas si c’est la mauvaise fois des radiologues ou si c’est une réalité ?», s’interroge Téoulé Paterne, un malade. Mais les médecins affirment que le problème de film du service de radiologie a été causé par la gratuité généralisée. «Les Chu sont des Epn qui reçoivent tout juste de petits budgets. En fait ils doivent s’autofinancer. Mais la gratuité a causé de graves bouleversements. Pendant un moment, les malades ont dû se tourner vers la radiologie externe, qui ne dispose que de petits films. C’est dire que depuis plus de trois semaines voir un mois, il n’est pas possible de faire de grandes radiologies (radiologie de la tuberculose, radiologies pulmonaire ; les radiologies de la colonne vertébrale, etc) au Chu de Cocody. Il faut que ce problème soit revu », lâche un professeur de ce centre. Ce dernier ajoute en outre qu’il faut également que cette politique de gratuité ciblée soit bien menée pour éviter des morts, comme ce fut le cas de Shérif Fachafa le 14 mars.

Cet homme qui a été poignardée alors qu’il revenait de son service n’a malheureusement pas pu être pris en charge rapidement. «L’homme arrivé au service des urgences aux environs de 15h a été reçu par le médecin qui a demandé une échographie de l’abdomen afin de voir la profondeur de la blessure. Malheureusement, le parent qui s’est rendu au bureau des entrées pour recevoir la fiche de gratuité afin d’aller chercher les médicaments a été contraint de revenir voir le médecin parce que certaines informations, selon la caissière, manquaient sur la fiche. Mais en réalité, il n’en était rien. Ces jeunes femmes ne maitrisent pas encore cette nouvelle donne. Malheureusement après tous ces tours, l’on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de place aux urgences. C’est en sortant de l’Hôpital que cet homme, dont l’âge doit varier entre 35 et 40 ans, a rendu l’âme», relate le médecin. Ce sont de petits manquements, de petits mécanismes qui peuvent couter la vie aux patients. Et pourtant lors de son passage à l’émission ‘’Savoir Plus’’ sur le plateau de la télévision première chaîne, la ministre de la santé avait donné toutes les garanties : «L’Etat a mis en place la somme de 30 milliards pour soutenir cette gratuité ciblée ; je pense que ce sera mieux suivie parce que nous n’avions pas mis en place toutes les stratégies pour aborder la question de la gratuité généralisée. C’était au fur et mesure que nous faisions des corrections et cela nous a couté cher. Nous avons prévu environ 30 milliards de Fcfa pour la gratuité ciblée, mais nous allons régulièrement faire le point de façon à faire des économies sur cette gratuité ciblée», avait-elle rassuré. Mieux, avait dit le Pr Thérèse N’Dri Yoman : «Nous avons tiré des leçons de la gratuité généralisée, de sorte que nous avons fait un atelier les 2 et 3 février 2012, avant d’aborder la gratuité ciblée. Un atelier qui impliquait tous les acteurs du système de santé, aussi bien les praticiens que les partenaires qui supportent la santé », avait-elle dit. Le directeur général du Chu de Cocody, le Pr Kouassi Jean Claude, lui avait été plus réaliste. «Avec la gratuité ciblée, les patients seront un peu plus réduits. Mais on aura un certain nombre de difficultés qui seront quasiment les mêmes que ceux de la gratuité généralisée du fait du manque de médicament, du personnel qui n’est pas suffisant, et surtout les problèmes de communication entre le personnel et les patients.

Quant au Pr Yapi Ohotcha, Directeur général de la Pharmacie de la santé publique (Psp), il avait été très précis sur ce plateau d’échange. «Pour la gratuité ciblée, des mesures ont été prises. Nous sommes partis d’un stock de base qui a été commandé par la présidence de la République dans le cadre du Programme présidentiel d’urgence, auquel le gouvernement a apporté un appoint estimé à près de 2 milliards 500 millions de Fcfa. Ce qui nous permet maintenant de dire que nous disposons d’un trimestre de consommation. Mais il faut ajouter à cela que nous sommes en attente de près de 6 milliards de médicaments qui ont été commandés et que nous devons recevoir vers la fin du mois de mars, ou début avril », avait dit le Pr Yapi avant d’ajouter, ‘’la Psp, C’est une chaine d’approvisionnement, il faut que chacun joue sa partition. La Psp fera sa part’’. Doit-on comprendre aujourd’hui que c’est l’Etat qui ne joue pas sa partition ? La question reste posée.

T.Yelly
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