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Politique Publié le samedi 7 avril 2012 | Le Patriote

Devoir de mémoire / 7, 8 et 9 avril 2011 : Les forces pro-Gbagbo attaquent l’hôtel du Golf

Le jeudi 7, vendredi 8 et samedi 9 avril 2011, la crise post-électorale entre dans sa phase critique. Sur le théâtre des opérations, les combats font rage. La ville d’Abidjan est au bord de l’asphyxie. Mais certains signes annonciateurs de la fin du conflit commencent à se présenter. Au cours de ces trois jours, l’événement qui a marqué les esprits est sans conteste, l’attaque de l’hôtel du Golf par les forces pro-Gbagbo. A l’occasion du week-end pascal, Le Patriote revient sur trois jours riches en émotions et en actions.
7 avril 2011

Les traces de l’assaut final lancé la veille par les Forces républicaines sur la résidence de Laurent Gbagbo sont encore perceptibles dans les rues d’Abidjan. Les Abidjanais qui ont connu leur 7ème nuit mouvementée, se réveillent la tête lourde et avec la peur au ventre. La première information de la journée vient du côté de Tel Aviv où les autorités israéliennes demandent à la France d’évacuer le personnel de son ambassade en Côte d’Ivoire. La nouvelle est donnée par Alain Juppé. Le ministre français des Affaires étrangères ajoute que la chute de Gbagbo interviendra « inéluctablement » et que le président sortant dispose « d’un petit millier d’hommes » à Abidjan dont 200 à sa résidence. Pendant ce temps, sur le terrain, les tirs reprennent près de la résidence de Laurent Gbagbo. A 9 h, les tirs d’arme lourde se font entendre autour du palais présidentiel, du camp de gendarmerie d’Agban et de la résidence des chefs d’Etat à Cocody. A Paris, le ministre français de la Défense, Gérard Longuet annonce que la France pourra transmettre à la Cour pénale internationale (CPI) des informations recueillies par les forces françaises en Côte d’Ivoire, devant une commission du Sénat. Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a annoncé la veille vouloir ouvrir une enquête sur « des massacres commis de façon systématique ou généralisée » en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, depuis dimanche, près de 1100 étrangers dont de nombreux ressortissants français ont quitté Abidjan à cause des combats et des pillages, indique le porte-parole de la force Licorne. Ces étrangers sont acheminés vers Dakar, Lomé ou Accra. Les regroupements des Français entamés depuis le lundi se poursuivent. Mais, bon nombre d’entre eux, surtout ceux qui résident dans la partie nord d’Abidjan, se sentent pris au piège et demandent des exfiltrations, en vain. A midi, une dizaine de véhicules blindés de l’ONUCI et de la force Licorne patrouillent les rues du Plateau. Pour le ministre Gérard Longuet, l’ONUCI encercle les derniers défenseurs de Laurent Gbagbo à Abidjan. Il évoque « une situation extrêmement difficile » dans la capitale économique. A 15 h, le procureur de la Cour pénale internationale prévient qu’il n’y aura pas d’amnistie pour Laurent Gbagbo en ce qui concerne les crimes relevant de la CPI. « Laurent Gbagbo peut bénéficier d’une amnistie au plan national, auquel cas, il ne fera pas l’objet de poursuite au niveau national, mais cela ne le met pas à l’abri de poursuites au niveau international », prévient-il. A 16 h, le secrétaire général des nations unies, Ban Ki-moon exhorte Laurent Gbagbo à « quitter le pouvoir » avant qu’il ne soit « trop tard ». « C’est sa dernière chance de sortir avec élégance de cette situation », conseille-t-il. Interrogé sur France24, Jean-Marc Simon, ambassadeur de la France en Côte d’Ivoire, déclare le contact est rompu avec Laurent Gbagbo. « Il n’y a aucune négociation avec Laurent Gbagbo. Laurent Gbagbo est enfermé dans sa cave. Il n’existe plus », lance-t-il. Dans les quartiers d’Abidjan, la famine commence à poindre. Les habitants lancent des cris de détresse. Car les marchés et les supermarchés sont fermés.

La baguette de pain vendue à 150FCFA, passe à 400, voire 500 FCFA. A New York, l’ambassadeur de la Côte d’Ivoire à l’ONU, au cours d’une conférence de presse déclare ceci : « Trop de sang a été versé. Nous n’offrirons pas le luxe à M. Laurent Gbagbo d’être un martyr. Il sera arrêté vivant et répondra devant la justice pour les crimes qu’il a commis ».

Dans la soirée, le président Alassane Ouattara s’adresse à la Nation sur TCI (Télévision Côte d’Ivoire). Il annonce un blocus autour de la résidence de Laurent Gbagbo et demande à l’Union européenne la levée des sanctions sur les ports d’Abidjan et de San Pedro. Une commission d’enquête est mise en place pour identifier les auteurs des crimes et les sanctionner. Le président Ouattara annonce également que le couvre-feu sera allégé à partir du lendemain. Dans son discours, le président élu annonce des décisions prioritaires pour une reprise économique, une sécurisation des populations et un retour à la « normalité » le plus rapidement possible.

Vendredi 8 avril 2011

Le lendemain du discours à la Nation du président Ouattara, la situation est calme dans la matinée. Sauf aux alentours de la résidence du président Laurent Gbagbo où des tirs sporadiques se font entendre. Dans le camp Gbagbo, à Paris, le Conseiller du président sortant, Alain Toussaint, estime que l’appel à la réconciliation nationale lancé le jeudi par le président Alassane Ouattara est le discours d’un « imposteur ». Il ajoute que le président Gbagbo « est bien calé dans son fauteuil présidentiel » et ne partira pas. Car il ne veut pas « abandonner son peuple ». Pendant ce temps, plus d’une centaine de corps sont découverts à l’Ouest du pays par l’ONUCI. Le rapport annuel 2010 des Etats Unis sur les droits de l’Homme qui vient de paraître, affirme que les forces loyales à Laurent Gbagbo ont commis des exactions majeures en Côte d’Ivoire dont la plupart sont des assassinats, des tortures et des détentions arbitraires. A 15 h 45, sur France24, Charles Blé Goudé depuis sa cachette, annonce : « Pas de réconciliation sans Laurent Gbagbo ». Le leader des « jeunes patriotes » appelle à un « dialogue inter-ivoirien ». Quelques minutes plus tard, l’ambassadrice d’Inde en Côte d’Ivoire, Shamma Jain, est évacuée par les casques bleus de l’ONU et des militaires français sur demande de New Delhi. Sa résidence était située dans l’enclave diplomatique d’Abidjan où se déroulaient d’âpres combats entre les troupes fidèles encore à Laurent Gbagbo et les FRCI. Aux alentours de 16 h, l’Union européenne annonce la levée des sanctions sur les ports d’Abidjan et de San Pedro. La Société ivoirienne de raffinage et le Comité de la filière café-cacao sont également retirés de la liste des entités ivoiriennes sanctionnées par la Commission de l’UE. A 18 h 20, la résidence de l’ambassadeur de la France en Côte d’Ivoire est touchée par des tirs de forces pro-Gbagbo. Le camp Gbagbo dément aussitôt avoir tiré sur la résidence de l’ambassadeur de France. A 21 h 28, l’ONU annonce que les troupes proches du président Laurent Gbagbo regagnent du terrain à Abidjan et possèdent toujours des armes lourdes. Un haut responsable des nations unies indique que l’ONU refuse de s’impliquer dans toutes les stratégies visant à « couper les vivres » à l’ancien président. Dans le camp proche du président Ouattara, l’annonce de ces deux informations créées un grand émoi.

Samedi 9 avril 2011

Les forces françaises victimes de tirs dans la nuit de vendredi à samedi évacuant le personnel d’une ambassade à Abidjan, ont riposté et ont détruit un blindé des forces pro-Gbagbo, annonce-t-on, à l’état-major des forces armées à Paris. Devant la situation tragique dans certains quartiers d’Abidjan, le représentant du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU en Côte d’Ivoire (OCHA), réitère avec force, sa demande de « couloirs humanitaires ». Dans l’après-midi, la force Licorne annonce la reprise des vols commerciaux à l’aéroport d’Abidjan. Ils étaient suspendus depuis le vendredi 1er avril. Pendant ce temps, au port d’Abidjan, l’ONUCI et sa force d’appui qui est la Licorne, s’installent après la levée des sanctions de l’UE. Les FRCI essayent dans tout Abidjan de sécuriser les populations qui souffrent d’une grave situation alimentaire. Dans la foulée, à Dakar, trois organisations non gouvernementales africaines (la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme-RADDHO- la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme et la Coalition de la société civile pour la paix et le développement en Côte d’Ivoire –COSOPCI) appellent à une mobilisation accrue de la communauté internationale afin d’écarter « le spectre de la famine qui plane sur la Côte d’Ivoire ». Elles demandent également la formation d’une commission d’enquête internationale sur « tous les crimes de guerre et contre l’humanité » commis en Côte d’Ivoire ainsi qu’une « commission Vérité, Justice et réconciliation ». Le même jour, à 16 h30, alors que l’on s’y attendait le moins, des bruits assourdissants viennent encore troubler la quiétude des Abidjanais. L’hôtel du Golf où sont retranchés les présidents Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et le gouvernement, est attaqué par les forces pro-Gbagbo. C’est la première attaque de ce type visant directement l’hôtel où sont retranchés le président Ouattara et son gouvernement. Les combattants pro-Gbagbo ne sont plus qu’à quelques centaines de mètres de l’hôtel. Les casques bleus sénégalais, togolais et français ripostent. Des tirs de mitrailleuses et de mortiers sont partis de l’hôtel du Golf vers les positions des forces pro-Gbagbo. Dans les rues d’Abidjan, rares sont les habitants qui s’hasardent dehors. L’eau et la nourriture manquent. Les cars sont pris d’assaut par ceux qui veulent quitter le pays. Les forces pro-Gbagbo ont également gagné du terrain au Plateau et à Cocody. A 22 h 15, le camp Gbagbo dément avoir attaqué l’hôtel du Golf où sont retranchés le président Ouattara et son gouvernement. Le porte-parole du gouvernement illégitime de Laurent Gbagbo, Ahoua Don Mello déclare que le président sortant appelle à la « résistance » contre la France accusée d’ « attaquer » la Côte d’Ivoire. Il annonce également que des troupes loyales au président Gbagbo sont en train de se reconstituer. Les choses s’accélèrent. La crise atteint une autre dimension. La population abidjanaise, en proie au stress, à la faim et à l’angoisse, commence à s’interroger : « A quand la fin de cette crise ? »Tout le monde se doute que quelque chose se prépare. Mais bien malin celui qui peut prédire l’issue de ce bras de fer. Et pourtant, la délivrance n’est plus loin…

Jean-Claude Coulibaly
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