L’histoire de la dernière interview

Allo LCI, ici Laurent Gbagbo ! C’est en ces termes qu’un confrère a qualifié l’attitude qu’a eue Laurent Gbagbo le 5 avril 2011 quand celui-ci cherchait désespérément à joindre une chaîne de télévision sur laquelle il voulait s’exprimer. Sous les feux ravageurs des hélicoptères MI 24 des Nations Unies et des Gazelles de la Force Licorne et devant les assauts des Frci, l’ancien président s’est retrouvé seul face à ses responsabilités. Comme un capitaine qui est abandonné par tout l’équipage dans une tempête en pleine mer, Gbagbo s’est retrouvé seul ce jour-là. Pas de service de communication, ni d’attaché de presse encore moins de conseiller en communication. Que faut-il faire pour rétablir la vérité parce que certains médias occidentaux avaient déjà annoncé sa reddition? Laurent Gbagbo prend, lui-même, l`initiative d`appeler des journalistes pour démentir cette information qui revenait en boucle sur certaines chaînes étrangères. La Rti ? Pas possible, les locaux ont été déjà bombardés. Rfi ? Non. Ses partisans ont trop insulté cette chaîne française et ses journalistes pour que Gbagbo la sollicite pour se remettre en scelle. Mais comme ledit l’adage, quand on se noie, on s’accroche à tout, même à un serpent. C’est ainsi que Gbagbo décide de transcender sa honte et d’appeler LCI, une autre chaîne française du Groupe Bouygues, considéré par les frontistes comme un collabo des ‘‘rebelles’’ de Ouattara. Après cette décision, somme toute difficile, c’est le commandant Dua Kouakou Norbert, aide de camp du président Gbagbo, qui appelle au standard de LCI à Paris. Après s’être présenté, il demande à avoir le rédacteur en chef du service étranger. Incrédules, les standardistes, ont d`abord pensé à un canular. Sous l`insistance de l`aide de camp, les standardistes ont fini par le mettre en relation avec Vincent Hervouët, le journaliste qu`il réclamait. Reconnaissant la voix de l’ancien président, le journaliste de la chaîne LCI réalise l’interview, précisément à 19H30. Elle sera retransmise le même jour à l’antenne à 21H30. Après cette interview, qui est la dernière, Gbagbo sera capturé dans le bunker six jours après. Il a certes mené la bataille jusqu’au bout, mais la dernière interview de l’ultra nationaliste, du souverainiste et de l’enfant du pays a été réalisée par une télévision… française.

Kra Bernard