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Économie Publié le mercredi 27 juin 2012 | Le Patriote

Allègement de la dette ivoirienne : Gbagbo ne pouvait jamais atteindre le point d’achèvement

Si l’on sait que la victoire a plusieurs pères, il faut tout de même savoir raison garder dans certains cas. Depuis l’annonce de l’atteinte du point d’achèvement du programme PPTE par la Côte d’Ivoire, on entend dans le camp de l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, des hululements et commentaires du genre : « Ouattara récolte ce que Laurent Gbagbo a semé ». Pour certains plumitifs proches de l’ex-président de la République, le point d’achèvement du programme PPTE que vient d’atteindre la Côte d’Ivoire est son ?uvre voire sa propriété. Le président Ouattara ne fait que récolter ce que, lui, Laurent Gbagbo, a semé depuis des années. Pour les tenants de cette thèse, Ouattara est un profiteur qui vient sauter sur une proie déjà tuée par son prédécesseur. Mais tout le monde aura compris. L’objectif de ces commentaires qui puent manifestement la mauvaise foi est de dénier toute paternité et légitimité au chef de l’Etat. Le FPI fait comme si dans ce pays, avant Laurent Gbagbo, le programme PPTE n’existait pas. Les éminences grises de ce parti abonné à l’intox font comme si ce n’est que sous le désormais pensionnaire de La Haye que ce programme a été initié. Et pourtant, avant qu’on ne parle de Laurent Gbagbo président de la République, le président Henri Konan Bédié en 1999, donnait déjà rendez-vous aux syndicats en 2001, année de l’éligibilité de la Côte d’Ivoire au programme, pour la satisfaction de leurs revendications sociales. En outre, faire croire que le président Ouattara n’est pour rien dans l’aboutissement de ce processus, c’est vraiment refuser de rendre à César ce qui est à César. Le véritable père du PPTE, tout le monde le sait, est l’ancien directeur général adjoint du Fonds monétaire international. Ce programme, il l’a conçu lorsqu’il était encore en poste à Breton Woods auprès d’un certain Michel Camdessus. Ce bref rappel pour montrer à tous les idéologues du camp Gbagbo que le programme PPTE n’est pas une trouvaille exclusive de leur chef. Maintenant, venons-en à la pratique. Le programme PPTE, hormis l’éligibilité, c’est le point de décision au point d’achèvement en passant par le respect des différentes conditionnalités. Ce qui veut dire donc qu’entre la case départ qui est le point de décision et la case arrivée qui est le point d’achèvement, il y a coupe aux lèvres. La Côte d’Ivoire avait certes passé le cap du point de décision sous Laurent Gbagbo. Mais elle ne pouvait pas atteindre le point d’achèvement sous sa gouvernace, pour plusieurs raisons. Le programme PPTE, c’est au moins le respect des droits de l’Homme, la rigueur, la transparence dans la gestion des finances publiques, la lutte contre la corruption et le respect de la démocratie. Or sous Laurent Gbagbo, à quoi a-t-on eu droit ? A un mépris souverain de toutes ces conditionnalités. De mémoire d’Ivoiriens, jamais les droits de l’Homme n’ont été aussi piétinés sous un régime qu’au cours de la gouvernance de l’ancien député de Ouaragahio. La marque déposée du régime FPI était les enlèvements et assassinats politiques. Tuer était devenu la règle, la détention l’exception. Laurent Gbagbo a initié son pouvoir dans le sang. Il l’a exercé dans le sang. Du charnier de Yopougon à la crise postélectorale en passant par les tueries de décembre 2000, au massacre de mars 2004 aux assassinats de décembre 2010. Sans oublier les centaines d’enlèvements et disparus. En ce qui concerne les détournements et autres vols des deniers publics, sous Laurent Gbagbo, c’était la chose la mieux partagée. Aucun contrôle dans la gestion des structures étatiques. Chacun pouvait se servir comme il le voulait. Les grilleurs d’arachides ne prenaient plus la peine d’enlever la coque avant de les manger. 100 milliards de nos francs volatilisés du côté de Fulton à New York, dans d’une usine dont les contours restent encore flous aujourd’hui. Plus de 900 milliards détournés dans la filière café-cacao en moins de 10 ans. Au détriment des pauvres paysans. Quant aux ressources pétrolières, une véritable nébuleuse. Elles étaient devenues la tontine personnelle de l’ancien président de la République et de son entourage. Pendant plus de cinq ans, les ressources émanant de la production Offshore du pétrole ivoirien n’était pas inscrit dans le budget annuel. Quand on interrogeait l’ancien chef d’Etat sur la question, il répondait invariablement : « Je prends l’argent du pétrole pour construire Yamoussoukro ». C’est tout dire. La plupart des marchés publics étaient passés de gré à gré. Là où les règles de gestion exigeaient des appels d’offre ou à candidature. Que dire de la corruption et du racket ? Ils étaient érigés en mode de gouvernance. Au point que celui qui essayait d’être intègre dans l’exercice de ses fonctions était perçu comme un illuminé. Dans les hôpitaux, sur les routes et les différents services de l’administration, le racket était devenu quelque chose de banal voire de normal. « Quand le poisson pourrit, il commence d’abord par la tête », dit-on en Côte d’Ivoire. La décrépitude morale dans laquelle Laurent Gbagbo avait plongé la société ivoirienne était à son comble et continue malheureusement aujourd’hui de plomber certaines actions initiées par le président Ouattara et son gouvernement. Pendant dix ans, on a habitué les Ivoiriens à la facilité. On a fait croire à beaucoup d’Ivoiriens qu’on peut devenir riche sans travailler ou en trichant. Aujourd’hui encore, ces mauvaises habitudes perdurent et des poches de résistance subsistent. Le bilan mitigé de la gratuité des soins, les difficultés que rencontre la gratuité ciblée dans son application et l’incivisme constaté dans certains services de l’administration sont dus en grande partie à cette faillite morale de la société ivoirienne dans son ensemble. Sous Laurent Gbagbo, la morale et la bonne gouvernance n’étaient au rendez-vous et étaient le cadet des soucis des caciques du régime. Laurent Gbagbo lui-même par son mutisme, n’a-t-il pas encouragé cette course effrénée à l’enrichissement illicite ? N’est-il pas celui qui envoyait en villégiature ces hôtes de marque à la célèbre et sulfureuse rue Princesse ? Et pourtant, Laurent Gbagbo avait l’occasion en or de se racheter après le second tour de l’élection présidentielle de 2010. Mais il a décidé, par son refus de reconnaitre sa défaite, de rentrer dans l’Histoire à reculons. Pour espérer atteindre le point d’achèvement du programme PPTE, il faut respecter les règles de la démocratie dont l’expression achevée est le jeu électoral. La Côte d’Ivoire ne pouvait jamais avoir le point d’achèvement du programme PPTE sous Laurent Gbagbo. Tout simplement parce que l’ancien chef de l’Etat avait décidé de se maintenir coûte que coûte au pouvoir. Partout où les autorités s’étaient rendus pour défendre le dossier ivoirien devant les institutions de Breton Woods et les partenaires au développement, la décision du point d’achèvement était ramenée à l’organisation d’élections juste, libres et transparentes. Ce qui signifie que même si, par la force des armes, Laurent Gbagbo avait réussi à s’imposer aux Ivoiriens, l’on ne serait pas là actuellement en train de parler du point d’achèvement. Bien au contraire.

Jean-Claude Coulibaly
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