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Économie Publié le mardi 21 août 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Entretien / Gnui Michel, Président de l’OCAB : ‘‘Voici ce qui nous manque pour relancer la filière fruitière en Côte d’Ivoire’’

Porteur d’emplois, facteur de marché pour la relance de l’activité économique en Côte d’Ivoire, le secteur fruitier se meurt, faute de mesures d’accompagnement. Depuis 2009, Gnui Michel, Président de la nouvelle équipe dirigeante de l’OCAB (Organisation centrale des producteurs-exportateurs d’ananas et de bananes) s’investit pour donner espoir aux producteurs. Dans cet entretien, il appelle à une mobilisation autour de la filière fruitière.
Votre arrivée à l’Ocab a été précédée de péripéties judiciaires et juridiques. Que s’est-il réellement passé et comment se porte l’Ocab aujourd’hui?

Nous nous sommes rendus compte que plus rien ne marchait à l’OCAB ; il y avait une gestion calamiteuse tant au niveau financier qu’au niveau des ressources techniques ; ce qui a heurté les consciences des producteurs. Ils se sont alors dit qu’ils ne pouvaient plus rester dans cette situation et qu’il fallait absolument changer. Au fur et à mesure que nous avancions, les petits planteurs-villageois disparaissaient. Nous nous sommes dit que cela ne pouvait plus durer. C’est à partir de là que nous avons pris la décision de tout changer pour permettre aux planteurs-villageois de revenir sur la scène. Bien qu’on n’ait pas encore réussi à remettre tout le monde au travail, nous pensons que nous avons bien fait d’obtenir ce changement. Nous avons initié beaucoup de dossiers et surtout préparé des conventions qui vont bientôt entrer en vigueur. A partir de cet instant, les planteurs villageois vont être réinstallés. Cela, pour vous dire que depuis trois ans, l’OCAB travaille dans le sens de la recherche des financements pour réinstaller les petits planteurs-villageois. Nous sommes pratiquement au bout de nos peines. C’est pourquoi nous pouvons dire que ça va à l’OCAB.

Depuis trois ans, nous nous battons pour que les fondamentaux ne disparaissent pas.

Des promesses fermes ont été faites aux producteurs dès votre prise de fonction. Il s’agit de l’octroi d’intrants. Où en êtes-vous à ce jour?

D’abord, je tiens à rectifier que depuis mon arrivée, je n’ai pas fait de promesses fermes à quelqu’un. Mais j’ai dit aux planteurs que nous allons nous mettre ensemble pour chercher les moyens de la relance. Quand je dis ensemble, ce n’est pas seulement avec les planteurs, mais c’est aussi et surtout avec l’Etat, les bailleurs de fonds et les partenaires au développement. C’est dans ce sens que nous avons élaboré beaucoup de dossiers. Est-ce que vous pouvez venir à la tête d’une telle structure et ne pas promettre quelque chose aux planteurs ? Mais cette promesse est très relative. On a dit ‘’tous ensemble, nous allons à la recherche de financement’’. C’est pour cela que dès notre arrivée, notre première action a consisté à organiser un symposium. Parce qu’il fallait poser le diagnostic et dégager des perspectives. C’est ce que nous avons fait. A partir du moment où nous avons dégagé des perspectives, nous avons défini des projets à court, moyen et long termes ; nous avons conçu des projets pilotes. Nous les avons portés à la connaissance des ministères tels que les ministères de l’Economie et des Finances et celui de l’Agriculture, notre tutelle et des partenaires au développement. Les retours commencent à nous parvenir.

C’est quoi le retour ?

Ce sont les financements attendus qui vont bientôt se manifester. En effet, la tutelle s’intéresse à nos projets. Mais elle attend certainement d’avoir les financements pour lancer vraiment le secteur fruitier qui comprend l’ananas, la banane, la mangue, la papaye, etc.…

Cette année, par exemple, nous avons initié une campagne de mangue à Korhogo. Cela fait plus de deux ans que les producteurs n’ont pu exporter, faute de clients. Ils ne savent pas à qui vendre leurs productions. Cette année, nous avons trouvé des importateurs qui ont pu, à titre d’essai, acheter un peu plus de mille tonnes de mangues avec les producteurs de Korhogo. Déjà, nous avons fait créer six coopératives, avec le concours de l’ANADER et du FIRCA et l’encadrement scientifique du CNRA dans les Régions des Savanes et du Denguélé. Nous avons dernièrement signé un protocole d’accord avec les Saoudiens. Nous sommes en voie de créer une société qui s’appellera ‘’Fruits de Côte d’Ivoire’’ (FCI) pour la commercialisation des productions de nos planteurs. Tout sera mis en place d’ici fin août.

Regrettez-vous d’avoir hérité d’une coquille vide?

Au moment où nous prenions l’OCAB, c’était vraiment une coquille vide qu’on devrait chercher à remplir. Nous n’avons pas trouvé les fondamentaux qu’il fallait pour relancer la machine. Nous sommes rentrés dans une sphère de recherche de moyens financiers et de repères. C’était vraiment une coquille vide. On a même été obligé de réduire nos dépenses et le personnel afin d’essayer de survivre. Je vous apprends que les planteurs villageois continuent de nous faire confiance malgré cette situation dont nous avons hérité.

Cela fait trois ans que vous êtes à la tête de l’Ocab. Quel est au juste le problème qui fait que les petits producteurs n’arrivent pas à progresser?

Nous avons fait l’inventaire de ce qu’il faut pour relancer la filière. En retour, on attend des moyens. Si aujourd’hui, nous avons ces moyens, nous savons par où commencer.

Les moyens dont vous parlez doivent provenir de qui?

Nous attendons ces moyens de la part de l’Etat, des partenaires au développement et même de certains importateurs. Qui veulent venir s’associer à nous et nous aider à produire.

Et combien faut-il pour relancer le secteur fruitier ?

Il faut au moins une dizaine de milliards de FCFA. Parce que quand nous avons fait le point, le projet pilote-banane revenait à six (6) milliards de FCFA et le projet de relance de la filière ananas faisait un peu plus de trois (3) milliards de FCFA. Nous sommes en train d’initier un projet-papaye. Aujourd’hui, avec au moins douze (12) milliards de FCFA, on peut relancer toute la filière. On n’a pas besoin de 40 ou de 50 milliards pour relancer la filière. Avec 10 à 15 milliards de FCFA, la relance devient effective.

Quel est aujourd’hui, votre rapport avec la tutelle?

Nos rapports avec la tutelle sont bons. La tutelle prend toutes les dispositions pour nous aider. Elle accepte chaque fois de nous rencontrer et de parler de nos problèmes. Des collaborateurs de la tutelle ont même été désignés pour être en contact avec nous afin de recenser nos difficultés. Donc, la tutelle est entièrement à notre écoute.

Lui avez-vous présenté un plan-directeur de relance du secteur?

La tutelle est au courant de tout ce que nous voulons faire. Nous sommes en contact permanent avec la tutelle.

Comment entendez-vous inclure la problématique de l’emploi-jeunes dans vos actions?

Nous avons soumis un projet «Emploi-Jeunes» d’environ cinq (5) milliards de FCFA au Fonds National de Solidarité (FNS) portant sur quatre spéculations : Ananas, Bananes, Papayes et Mangues. Il nous a été conseillé de retenir pour la prochaine campagne agricole le «Programme Ananas». Mais à terme, il est question de former des jeunes dont 500 pour toutes les quatre filières. Et ces jeunes seront installés à Bonoua, Dabou, Tiassalé, Azaguié et Agboville pour la banane et l’ananas et à Korhogo et Odienné pour la mangue.

Un des problèmes que l’on vit aujourd’hui, c’est celui du foncier. Quelle est la situation à l’Ocab?

Il n’y a pas de problème particulier. Dans notre domaine, les terres sont louées et nous signons des conventions avec les propriétaires terriens. Comme il s’agit de cultures annuelles, le problème est facile à régler. Il y a des terres qui sont disponibles dans les zones que nous avons choisies d’installer les jeunes.

On sent que vous êtes préoccupé par la relance du secteur. Avez-vous pris des dispositions pour juguler la question de promotion de la consommation intérieure?

Nous y travaillons. C’était un des objectifs de notre symposium. Si notre secteur a atteint ce niveau de dégradation, c’est par ce que nous n’avions pas pris en compte le volet « consommation nationale ». Aujourd’hui, plusieurs approches ont été proposées. Parce qu’avant de produire, il faut savoir où écouler les productions. Désormais nous intégrons la vente locale dans la formulation de nos projets. C’est pourquoi, nous voulons maîtriser la production et créer un cadre incitatif à la consommation locale de nos produits (fruits), en organisant le marché intérieur. Aujourd’hui, le marché de la sous-région nous intéresse. Si nous organisons ces marchés (Mali, Burkina Faso, Niger ou Nigeria), on aura beaucoup plus de possibilités que ce que nous vendions en Europe. C’est vrai qu’à un moment donné, l’Europe avait beaucoup apporté, mais depuis ces dix (10) dernières années, elle n’a plus soutenu les producteurs nationaux de fruits, notamment ceux du secteur de l’ananas.

Quel est votre rapport avec les anciens dirigeants? Etes-vous prêts à leur tendre la main pour cerner ensemble les problèmes du secteur?

C’est une question embarrassante. Parce qu’à partir du moment où vous êtes légalement élu et celui à qui vous succédez n’accepte pas de partir, les choses se compliquent, surtout quand cette personne a une haine viscérale contre vous. Mais de toutes les façons, aujourd’hui chacun évolue de son côté. Mais nous sommes condamnés à travailler ensemble. Au niveau du ministère de l’Agriculture, on nous conseille de nous mettre ensemble pour travailler. Parce qu’il y a des outils qui sont communs, à savoir le quai fruitier et tous les aménagements qui ont été faits par l’Union Européenne.

Quel est votre message aux producteurs pour qu’ils se remettent au travail?

Les producteurs ont déjà repris le travail. Ils se battent comme ils peuvent pour relever le
niveau de la productivité. A notre niveau, nous avons fait un recensement pour diagnostiquer les difficultés des uns et des autres ; à ce jour, nous savons ce dont ils ont besoin: comment vendre leurs productions? Nous essayons de trouver des marchés pour eux. Parce que lorsque un producteur ne sait pas où il va vendre sa production, il aura travaillé en vain. Les producteurs ne veulent plus tomber dans l’ancien système qui leur a fait perdre beaucoup d’argent. C’est pourquoi nous voulons inciter la société FCI à racheter toutes leurs productions et nous nous chargerons de la commercialisation vers l’Europe (et peut-être vers l’Asie également), dans la sous-région et localement. Des unités de transformation à taille humaine seront installées à proximité des zones de production pour résorber la partie de la production qui ne pourra pas être exportée ou vendue en frais, surtout quand les cours internationaux baissent.

Propos recueillis par Honoré Kouassi
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